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15/09/2023 | FRANCE | N°22NT03930

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 15 septembre 2023, 22NT03930


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 16 juin 2022 par lequel le préfet de l'Orne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2201643 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2022 et un mémoire enregistré le 21 août 2023 qui

n'a pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Cavelier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 16 juin 2022 par lequel le préfet de l'Orne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2201643 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2022 et un mémoire enregistré le 21 août 2023 qui n'a pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Cavelier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 17 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 juin 2022 du préfet de l'Orne ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Orne de lui délivrer un titre de séjour d'un an, ou de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et d'enjoindre au préfet de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros au profit de son avocat, Me Cavelier, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit ;

sur la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2023, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une décision du 21 décembre 2022, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant malien né le 1er octobre 2003, déclare être entré irrégulièrement en France en novembre 2018. Il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre le 18 décembre 2018 et le 1er octobre 2021. Il a sollicité, le 24 septembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sa demande a été rejetée par un arrêté du préfet de l'Orne du 16 juin 2022 portant en outre obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler cet arrêté. Par une ordonnance du 8 août 2022, le juge des référés du tribunal a suspendu l'exécution de cet arrêté. Par un jugement du 17 novembre 2022, le tribunal a rejeté sa demande d'annulation. M. A... fait appel de ce jugement.

Sur le refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. ".

3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " et aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Par ailleurs, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

4. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur son insertion dans la société française.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance, le 28 février 2019, soit avant l'âge de seize ans. Il a été inscrit pour l'année 2019/2020 au lycée l'EREA Pierre Mendes France, puis au centre de formation des apprentis d'Alençon en vue de l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle de pâtisserie. Le directeur de ce lycée mentionne " la motivation exemplaire " et le " comportement irréprochable " de l'intéressé. De même, la structure d'accueil de M. A... a fait état de son " attitude exemplaire ". L'employeur de l'intéressé indique qu'il a fait des progrès car il a travaillé la langue française et qu' " il est agréable de voir un jeune motivé dans un métier qui manque de main d'œuvre ". Si les bulletins de note de M. A... font état de résultats insuffisants dans les matières théoriques, que ce dernier explique par le fait de n'avoir jamais appris la langue française avant son entrée en France, il résulte en revanche de ces bulletins et des attestations de son employeur et du directeur du centre de formation des apprentis que M. A... a obtenu de bons résultats dans les mises en situation professionnelle comme apprenti pâtissier. Par ailleurs, la circonstance qu'il a déclaré avoir joint son frère au téléphone au Mali plusieurs mois auparavant n'est pas de nature à établir qu'il aurait conservé de véritables liens avec sa famille.

6. Pour établir que la décision contestée était légale, le préfet a invoqué, dans son mémoire en défense de première instance communiqué au requérant, un autre motif tiré de ce qu'aucun document ne permettant d'établir l'identité et donc l'âge de l'intéressé au moment où il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfant n'a été produit, dès lors que les actes d'état-civil communiqués étaient frauduleux. Le préfet se réfère à un rapport de la police aux frontières. Cependant, les éléments mis en avant par les services spécialisés de la police aux frontières, selon lesquels notamment l'âge des parents n'a pas été mentionné dans l'acte de naissance, ce dernier contient des caviardages et a été transcrit avant l'expiration du délai d'appel, ne sont pas de nature à établir le caractère frauduleux du jugement supplétif fondant l'acte de naissance produit. La demande de substitution de motifs sollicitée par le préfet ne peut donc être accueillie.

7. Dans les conditions mentionnées aux points 5 et 6, le préfet de l'Orne a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant à M. A... la délivrance d'un titre de séjour.

8. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour. L'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre doit être annulée par voie de conséquence.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Eu égard au motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de l'Orne de délivrer à M. A... ce titre de séjour, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction de l'astreinte sollicitée.

Sur les frais liés à l'instance :

10. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Cavelier, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Cavelier de la somme de 1 200 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2201643 du 17 novembre 2022 du tribunal administratif de Caen et l'arrêté du 16 juin 2022 du préfet de l'Orne pris à l'encontre de M. A... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Orne de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", l'autorisant à travailler, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Cavelier la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 29 août 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président-assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2023.

La rapporteure

P. Picquet

Le président

L. LainéLe greffier

C. Wolf

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03930


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03930
Date de la décision : 15/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : CAVELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-15;22nt03930 ?
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