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15/09/2023 | FRANCE | N°22NT03386

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 15 septembre 2023, 22NT03386


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 22 mars 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement nos 2103572, 2103566, 2110152 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 octobre

2022, Mme C..., représentée par Me Laplane, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 22 mars 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement nos 2103572, 2103566, 2110152 du 18 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 octobre 2022, Mme C..., représentée par Me Laplane, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 22 mars 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 mars 2021 du préfet de la Loire-Atlantique refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au profit de son avocat, Me Laplane, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la signataire de la décision portant refus de titre de séjour, qui n'est pas le préfet de la Loire-Atlantique, ne justifie pas avoir délégation de compétence pour la signer ;

- la décision portant refus de de titre de séjour n'est pas suffisamment motivée ;

- l'article L. 11 du code de justice administrative a été méconnu ;

- la décision portant refus de de titre de séjour méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2023, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Par une décision du 25 août 2022, Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- et les observations de Me Bourgeois, substituant Me Laplane, représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante sénégalaise née le 5 avril 1992, est entrée régulièrement en Italie le 2 décembre 2017, sous couvert d'un visa de court séjour et a été mise en possession par les autorités italiennes d'un titre de séjour italien valable jusqu'au 11 février 2020. Elle est entrée irrégulièrement en France en juin 2018, selon ses déclarations et vit en couple avec M. B.... Le couple a donné naissance à des jumeaux, le 12 avril 2019. Le 6 novembre 2019, à la suite d'une interpellation et d'une garde-à-vue pour suspicion de violences sur les deux nourrissons, l'intéressée a fait l'objet d'une décision du préfet de la Loire-Atlantique portant obligation de quitter le territoire français. Cette décision a toutefois été annulée par un jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 juin 2020 au motif que, les enfants faisant l'objet d'un placement à l'aide sociale à l'enfance et d'un suivi médical du fait du traumatisme crânien subi dans leurs tous premiers mois, elle était entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de Mme C... et méconnaissait l'intérêt supérieur des enfants, garanti par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. En exécution de l'injonction de réexamen de la situation administrative de Mme C..., le préfet de la Loire-Atlantique a, par un arrêté du 22 mars 2021, refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'annuler cet arrêté et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a, en exécution de l'injonction de réexamen assortissant l'ordonnance du juge des référés du tribunal du 27 avril 2021, refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par un jugement du 18 mai 2022, le tribunal a rejeté ses demandes. Mme C... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté préfectoral du 22 mars 2021.

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté et de l'insuffisance de motivation du même arrêté, que Mme C... reprend en appel sans apporter d'éléments nouveaux.

3. En deuxième lieu, si, eu égard à leur caractère provisoire, les décisions du juge des référés n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée, elles sont néanmoins, conformément au principe rappelé à l'article L. 11 du code de justice administrative, exécutoires et, en vertu de l'autorité qui s'attache aux décisions de justice, obligatoires. Il en résulte que lorsque le juge des référés a prononcé la suspension d'une décision administrative et qu'il n'a pas été mis fin à cette suspension - soit par l'aboutissement d'une voie de recours, soit dans les conditions prévues à l'article L. 521-4 du code de justice administrative, soit par l'intervention d'une décision au fond - l'administration ne saurait légalement reprendre une même décision sans qu'il ait été remédié au vice que le juge des référés avait pris en considération pour prononcer la suspension. Lorsque le juge des référés a suspendu une décision de refus, il incombe à l'administration, sur injonction du juge des référés ou lorsqu'elle est saisie par le demandeur en ce sens, de procéder au réexamen de la demande ayant donné lieu à ce refus. Lorsque le juge des référés a retenu comme propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de ce refus un moyen dirigé contre les motifs de cette décision, l'autorité administrative ne saurait, eu égard à la force obligatoire de l'ordonnance de suspension, et sauf circonstances nouvelles, rejeter de nouveau la demande en se fondant sur les motifs en cause.

4. Par une ordonnance du 27 avril 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a suspendu l'exécution de l'arrêté du 22 mars 2021, au vu du caractère sérieux du moyen tiré de la méconnaissance du § 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, et a enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme C.... Toutefois, par un arrêté du 1er septembre 2021, dont l'annulation n'est pas demandée en appel, le préfet de la Loire-Atlantique a exécuté l'injonction de réexamen assortissant la décision du juge des référés et a muni l'intéressée d'autorisations provisoires de séjour lui ouvrant le droit de travailler jusqu'au jugement au fond. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 11 du code de justice administrative, soulevé en appel uniquement contre la décision préfectorale du 22 mars 2021, doit, en tout état de cause, être écarté.

5. En troisième et dernier lieu, Mme C... est entrée en France en juin 2018, soit depuis moins de trois ans à la date de la décision contestée. Elle y a retrouvé son compagnon, de la même nationalité qu'elle, et ils ont eu des jumeaux, nés le 14 avril 2019. Ils ont eu un troisième enfant, né postérieurement à la décision contestée, le 31 janvier 2022. Son compagnon travaille depuis le 15 mai 2019, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, pour la société LTM Cablage. Les jumeaux ont été pris en charge médicalement en juillet 2019, à l'âge de trois mois, à la suite de suspicions liées au syndrome du " bébé secoué " ou traumatisme crânien non accidentel par secouement, ce qui a donné lieu à des mesures d'accompagnement socio-éducatif des parents par les services de l'aide sociale à l'enfance. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort du jugement en assistance éducative du 22 novembre 2019 que des analyses ont eu lieu afin d'écarter deux autres causes possibles des symptômes des enfants : la maladie de Menkes, maladie orpheline et dégénérative, et l'acidurie glutarique de type 1, maladie héréditaire rare. Il est constant qu'à la date de l'arrêté contesté, les lésions constatées sur l'un et en partie sur l'autre des deux jumeaux s'étaient résorbées. Si des certificats médicaux indiquent que le suivi médical des enfants doit être poursuivi, le préfet produit différents documents, dont une fiche " pays " et des liens internet permettant d'établir qu'un suivi neurologique des enfants est disponible au Sénégal, pays d'origine des parents. La circonstance que Mme C... est originaire d'une ville située à plus de trois heures de voiture de la ville de Dakar, où sont situés les hôpitaux pouvant accueillir les enfants ne saurait suffire à entraîner une méconnaissance de l'intérêt supérieur des enfants dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, en tout état de cause, que la famille ne pourrait pas s'installer à proximité de Dakar. Par ailleurs, rien ne fait obstacle à ce que les enfants puissent être scolarisés dans le pays d'origine de leurs parents. Les mesures socio-éducatives mises en place n'avaient pas vocation à perdurer et il ne ressort d'ailleurs pas des pièces du dossier que ces mesures se seraient poursuivies après le 30 novembre 2021. Enfin, si la requérante soutient avoir travaillé, cette circonstance est postérieure à la décision contestée. Ainsi, alors même que son beau-père réside en France, les moyens tirés de ce que la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences portées à la situation personnelle de l'intéressée doivent être écartés.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté préfectoral du 22 mars 2021. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 29 août 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président-assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2023.

La rapporteure

P. Picquet

Le président

L. LainéLe greffier

C. Wolf

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT03386


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03386
Date de la décision : 15/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : CABINET LAPLANE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-15;22nt03386 ?
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