Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C..., épouse B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 11 août 2021 par lequel la préfète de l'Orne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2200936 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 août et 4 octobre 2022, Mme C..., épouse B..., représentée par Me Tsaranazy, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 13 juillet 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 août 2021 de la préfète de l'Orne ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Orne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la préfète de l'Orne a méconnu les articles L. 423-2 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle ;
- elle a méconnu le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a méconnu le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2022, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C..., épouse B... ne sont pas fondés.
Mme C..., épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 août 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante tunisienne, née le 11 février 1995, est entrée en France le 20 décembre 2018. Le 7 mai 2021, elle s'est mariée avec M. B..., de nationalité française. Le 28 juin 2021, elle a sollicité un titre de séjour en tant que conjointe d'un ressortissant français. Par un arrêté du 11 août 2021 la préfète de l'Orne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C..., épouse B... relève appel du jugement du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
3. Les pièces produites par l'intéressée à l'appui de sa demande de titre de séjour ne peuvent être regardées comme justifiant, à la date où doit être appréciée la légalité du refus de titre de séjour, d'une vie commune d'au moins six mois susceptible de lui ouvrir droit, en vertu de l'article L. 423-2 cité au point précédent, à la délivrance d'une carte de séjour temporaire. D'ailleurs, Mme C..., épouse B... admet que du fait qu'elle ne travaillait pas dans le même département que son futur époux, elle n'a pas pu cohabiter avec lui avant leur mariage. Si elle soutient que le couple a toujours entretenu une communauté de vie affective depuis au moins 2020 et qu'il n'a pas pu cohabiter en raison seulement de circonstances indépendantes de leur volonté, les circonstances avancées, caractérisées par la seule production de photographies et d'échanges de messages téléphoniques, bien que de nature à établir l'existence d'une relation amoureuse dès l'année 2020 ne permettent pas d'établir les obstacles dirimants à la vie commune invoqués et ne peuvent être assimilées à la justification " d'une vie commune et effective de six mois " au sens des dispositions applicables. Dans ces conditions, la préfète de l'Orne a pu, sans erreur d'appréciation, refuser de délivrer à la requérante la carte de séjour temporaire qu'elle sollicitait en qualité de conjointe de ressortissant français et n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1.
Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".
5. Il ressort des pièces du dossier, qu'à la date de l'arrêté contesté, la requérante n'était mariée et ne cohabitait avec M. B... que depuis un peu plus de trois mois et que le couple n'avait pas d'enfant. Par ailleurs, elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu la majeure partie de son existence et ne justifie pas d'une intégration particulière en France. Dans ces conditions, la préfète de l'Orne n'a pas, en l'obligeant à quitter le territoire français, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a pris une telle mesure d'éloignement et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas fondée à soutenir, qu'en prenant l'arrêté contesté, la préfète de l'Orne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa vie personnelle.
6. En troisième lieu, Mme C..., épouse B... ne peut utilement invoquer les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, ni les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile interdisant, sous certaines conditions, l'éloignement d'un parent d'enfant français mineur, dès lors que son fils n'est né que le 26 mai 2022, postérieurement à la date de l'arrêté contesté.
7. En quatrième et dernier lieu, eu égard à ce qui a été dit précédemment, les moyens tirés de de ce que la décision d'obligation de quitter le territoire français devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour et de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire français ne peuvent qu'être écartés.
8. Il ressort de tout ce qui précède que Mme C..., épouse B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme C..., épouse B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme C..., épouse B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C..., épouse B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., épouse B..., à Me Tsaranazy et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de l'Orne.
Délibéré après l'audience du 29 août 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2023.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02816