Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 par lequel la préfète de l'Orne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré.
Par un jugement n° 2102906 du 1er avril 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 août 2022, M. A... B..., représenté par Me Hourmant, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 1er avril 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 de la préfète de l'Orne ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Orne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié " ou de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas examiné l'ensemble des moyens qui leur ont été soumis ;
- l'arrêté contesté ne comporte pas la mention complète du prénom de son signataire en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le préfet de l'Orne a omis de statuer sur sa demande de titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-14-1 et L. 313-15, devenus respectivement articles L. 435-2 et L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par conséquence de l'illégalité des décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2022, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... B... ne sont pas fondés.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant guinéen, né le 7 mai 1994, est entré irrégulièrement en France le 26 novembre 2017. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 décembre 2018, confirmée le 15 juillet 2019 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le 21 janvier 2021, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 5 août 2021 la préfète de l'Orne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... B... relève appel du jugement du 1er avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si M. A... B... soutient que les premiers juges n'ont pas examiné l'ensemble des moyens qui leur ont été soumis, il ne précise pas à quels moyens ils auraient omis de répondre. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen insuffisamment précis pour qu'il lui soit donné une portée utile.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) ".
4. Il est constant que l'arrêté contesté porte la mention " Pour la préfète, Le secrétaire général, Charles Barbier " et que le secrétaire général de la préfecture de l'Orne était alors Charles-François Barbier, qui disposait d'une délégation régulière pour le signer. Cette circonstance est sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté dès lors que son auteur peut être identifié sans ambiguïté. M. A... B... n'est donc pas fondé à soutenir que l'arrêté de la préfète de l'Orne a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-2, anciennement L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles et justifiant de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article L. 435-3, anciennement L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ".
6. M. A... B... fait valoir que le formulaire de demande d'admission exceptionnelle au séjour qu'il a remis aux services préfectoraux concernait outre l'article L. 313-14, les articles L. 313-14-1 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, nouvellement codifiés en substance aux articles L. 435-2 et L. 435-3 en vigueur à la date de l'arrêté contesté, mais que la préfète de l'Orne ne s'est pas prononcée sur de tels fondements. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les documents qu'il a remis aux services préfectoraux pouvaient être interprétés comme tendant à la présentation d'une demande de titre de séjour sur le fondement de l'ensemble de ces dispositions. D'une part, il ressort du formulaire de demande que la case relative à une éventuelle activité au sein d'un organisme mentionné au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles n'a pas été remplie et que le requérant n'allègue pas avoir exercé une telle activité. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la préfète de l'Orne aurait dû se prononcer sur le fondement de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. D'autre part, alors qu'il est manifeste que M. A... B..., entré en France à l'âge de vingt-trois ans, n'a pas été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans, il n'est pas davantage fondé à soutenir que la préfète de l'Orne aurait dû se prononcer sur le fondement de l'article L. 435-3 de ce code. D'ailleurs, M. A... B... n'a soutenu ni devant le tribunal administratif, ni devant la cour qu'il pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction à la date de l'arrêté contesté : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
8. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que, pour rejeter la demande de titre de séjour de M. A... B... sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de l'Orne s'est notamment fondée sur le fait qu'arrivé en France en novembre 2017, soit depuis moins de quatre années, son entrée était récente, pour apprécier l'ensemble de sa situation et l'opportunité de procéder à son admission exceptionnelle au séjour. Ce faisant, contrairement à ce que soutient le requérant, la préfète n'a pas opposé un critère de durée de résidence non prévu par les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a donc pas commis d'erreur de droit.
9. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A... B... est célibataire, sans charge de famille en France. Il n'établit pas être dépourvu d'attaches en Guinée. Alors qu'il ne réside en France que depuis fin 2017, malgré ses efforts d'intégration, notamment dans le cadre associatif, il ne justifie ainsi pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels de nature à justifier son admission au séjour pour un motif en lien avec la " vie privée et familiale ".
10. D'autre part, si M. A... B... établit avoir occupé un emploi de commis de cuisine entre les mois de mars et novembre 2019, auprès d'une association, qui accueille, cette seule circonstance, eu égard notamment à l'absence de qualification particulière de l'intéressé, ne constitue pas un motif exceptionnel justifiant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, quand bien même il justifie de nombreuses attestations faisant état de ses efforts d'intégration professionnelle.
11. Par suite, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de l'Orne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
13. Eu égard à ce qui a été dit aux points 9 et 10, M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de l'Orne aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
14. En cinquième et dernier lieu, eu égard à ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 1er avril 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A... B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé aux fins d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. A... B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B..., à Me Hourmant et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de l'Orne.
Délibéré après l'audience du 29 août 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2023.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02563