La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/09/2023 | FRANCE | N°22NT02509

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 15 septembre 2023, 22NT02509


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 8 septembre 2021 par laquelle le préfet du Calvados a rejeté sa demande d'admission au séjour et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 7 270 euros.

Par une ordonnance n° 2102692 du 14 juin 2022, le président de la première chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er août et 25 novembre 2022

, Mme B..., représentée par Me Ben Hini, demande à la cour, dans le dernier état de ses écriture...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 8 septembre 2021 par laquelle le préfet du Calvados a rejeté sa demande d'admission au séjour et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 7 270 euros.

Par une ordonnance n° 2102692 du 14 juin 2022, le président de la première chambre du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er août et 25 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Ben Hini, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'ordonnance du président de la première chambre du tribunal administratif de Caen du 14 juin 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 8 septembre 2021 du préfet du Calvados ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 15 890 euros au titre de son préjudice matériel et de 5 000 euros au titre de son préjudice moral ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête reçue le 4 novembre 2021 par le tribunal administratif de Caen n'était pas tardive ;

- ce courrier a, en tout état de cause, interrompu le délai de recours, de sorte que la régularisation de son recours intervenue par l'application Télérecours le 8 décembre 2021 vaut requête déposée dans le délai de recours ;

- en outre, elle a adressé un recours gracieux au préfet du Calvados, reçu par celui-ci le 4 novembre 2021 ;

- elle ne représente pas une menace grave à l'ordre public, compte tenu de la faible gravité de ses condamnations pénales ;

- elle mène une vie stabilisée, avec un ressortissant français, avec lequel elle attend un enfant et tente de trouver un emploi malgré son handicap ;

- elle s'expose à des menaces graves en cas de retour dans son pays d'origine ;

- le préfet du Calvados a porté une atteinte disproportionnée à sa vie familiale et commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa vie personnelle ;

- elle a subi un préjudice matériel de 15 890 euros et un préjudice moral de 5 000 euros en raison de la faute du préfet du Calvados à lui avoir refusé l'admission au séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2022, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante chinoise, née le 10 mars 1988, est entrée en France le 1er août 2011, selon ses déclarations. Elle a obtenu la protection subsidiaire en 2013 et bénéficié de cartes de séjour temporaires valables du 12 mars 2015 au 11 mars 2018 puis d'une carte de séjour pluriannuelle valable du 12 mars 2018 au 11 mars 2020. Par décision du 8 septembre 2021, le préfet du Calvados lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour au motif que sa présence en France représentait une menace grave pour l'ordre public. Par une ordonnance du 14 juin 2022, dont Mme B... relève appel, le président de la première chambre du tribunal administratif de Caen, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande d'annulation de cette décision et d'indemnisation du préjudice en résultant, en raison de sa tardiveté.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. (...) ".

3. Mme B... produit, d'une part, la copie d'un courrier du 29 octobre 2021 adressé par son conseil au tribunal administratif de Caen, dans lequel il indique joindre " un recours en annulation et une requête introductive d'instance " au nom de sa cliente et demande notamment la délivrance d'un récépissé et d'un numéro d'enregistrement de ce recours et, d'autre part, un accusé de réception, le 4 novembre 2021, d'une lettre recommandée adressée par ce conseil à ce tribunal. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a déposé sa requête le 4 novembre 2021 devant le tribunal administratif de Caen et non le 8 décembre 2021, comme le mentionne à tort l'ordonnance attaquée et comme cela ressort du dossier de première instance. Dès lors qu'il est constant que la décision contestée du 8 septembre 2021 a été notifiée à la requérante le 24 septembre 2021, sa requête n'était pas tardive. Par suite, Mme B... est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée, prise à tort par application des dispositions précitées du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Caen.

Sur la légalité de la décision du préfet du Calvados du 8 septembre 2021 :

5. En premier lieu, aux termes de L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ". ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 432-2 du même code : " Le renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusé à l'étranger qui cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de cette carte dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été condamnée, par le tribunal correctionnel de Caen le 11 septembre 2013, à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de vol, par le tribunal correctionnel de Rouen, le 27 octobre 2017, à quatre mois d'emprisonnement pour des faits de vol en réunion, en état de récidive, par le tribunal correctionnel de Caen, le 12 avril 2018, à deux mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de vol en réunion et révocation totale du sursis prononcé le 11 septembre 2013, par le tribunal correctionnel de Caen, le 9 mai 2019, à huit mois d'emprisonnement, peine assortie d'une interdiction de conduire un véhicule à moteur pendant six mois, pour des faits de vol en réunion, vol par ruse, effraction ou escalade dans un local d'habitation ou un lieu d'entrepôt, aggravé par une autre circonstance, en réunion avec plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice, vol avec destruction ou dégradation, vol et conduite d'un véhicule sans permis et, par le tribunal correctionnel de Caen, le 13 novembre 2019, à quatre mois d'emprisonnement, avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant un an six mois, pour recel de bien provenant d'un vol et vol en récidive. Les faits à l'origine de ces condamnations ont été commis du 4 avril 2012, soit moins d'un an après son entrée sur le territoire français, au 19 octobre 2018 et ont concerné toutes les années entre ces deux dates sauf 2013 et 2015. Dans ces conditions, au regard en particulier de la gravité croissante des faits reprochés et du caractère fortement récidiviste du comportement de l'intéressée, le préfet du Calvados pouvait légalement estimer que le comportement de Mme B... était constitutif d'une menace pour l'ordre public, quand bien même elle n'a pas été condamnée pour des atteintes aux personnes. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant le renouvellement du titre de séjour sollicité, le préfet aurait méconnu les dispositions des article L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou commis une erreur de fait sur la menace qu'elle représente pour l'ordre public.

7. En deuxième lieu, Mme B... ne peut utilement se prévaloir des risques auxquels elle serait exposée en cas de retour dans son pays d'origine dès lors que la décision contestée de refus de renouvellement de titre de séjour n'a pas pour objet de l'éloigner à destination de ce pays.

8. En troisième et dernier lieu, si Mme B... établit qu'elle bénéficie de l'allocation pour adulte handicapé et qu'une incapacité d'un taux compris entre 50 et 80% lui a été reconnue, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé relève de motifs humanitaires justifiant la régularisation de sa situation administrative malgré les faits pour lesquels elle a été condamnée par la justice. En outre, si elle fait état de sa relation avec un ressortissant français, avec lequel elle aurait eu un enfant, né postérieurement à la date de la décision contestée, elle ne justifie pas de l'ancienneté, de la stabilité et de l'intensité de cette relation, alors qu'il ressort des pièces du dossier que celle-ci a été engagée au mieux au mois d'août 2020, que la cohabitation entre les intéressés résidant respectivement à Caen et dans le Jura n'est pas établie, ni même alléguée, et qu'il n'est pas justifié que le compagnon de Mme B... serait le père de son enfant. Dans ces conditions, le préfet du Calvados n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle, notamment familiale, de l'intéressée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 8 septembre 2021 par laquelle le préfet du Calvados a refusé de renouveler son titre de séjour.

Sur les conclusions indemnitaires :

10. Il résulte du point précédent que la décision contestée n'est pas illégale de sorte que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Calvados aurait commis une faute en refusant le renouvellement de son titre de séjour. Par suite, les conclusions de l'intéressée aux fins d'indemnisation doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui ne doit pas être regardé comme la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : L'ordonnance n° 2102692 du 14 juin 2022 du président de la première chambre du tribunal administratif de Caen est annulée.

Article 2 : Le surplus de la requête d'appel de Mme B... et sa demande devant le tribunal administratif de Caen sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 29 août 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2023.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02509


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02509
Date de la décision : 15/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : BEN HINI

Origine de la décision
Date de l'import : 24/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-15;22nt02509 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award