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15/09/2023 | FRANCE | N°22NT02337

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 15 septembre 2023, 22NT02337


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 2 mai 2022 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2205933 du 12 mai 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2022, Mm

e A..., représentée par Me Neraudau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 mai 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 2 mai 2022 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'a assignée à résidence.

Par un jugement n° 2205933 du 12 mai 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2022, Mme A..., représentée par Me Neraudau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 mai 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de l'arrêté du 2 mai 2022 portant transfert aux autorités espagnoles ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 2 mai 2022 portant transfert aux autorités espagnoles ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet a méconnu les articles 12, 13 et 14 du règlement général sur la protection des données (RGPD) ;

- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté contesté est entaché d'erreur de fait sur sa situation en France et son état de santé ;

- le préfet a entaché sa décision d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- elle sera exposée à de mauvais traitements en Espagne contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au vu de sa particulière vulnérabilité liée à son statut de demandeuse d'asile et exacerbée par son état de santé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés et informe la cour de ce que délai de transfert a été reporté au 12 novembre 2023 du fait de la fuite de l'intéressée.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet ;

- et les observations de Me Neraudau, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante guinéenne née le 2 février 1999 à Conakry (Guinée), a déclaré être à nouveau entrée irrégulièrement en France le 23 janvier 2022. Elle a déjà fait l'objet d'une procédure de transfert vers l'Espagne le 20 janvier 2022 après une première entrée en France en 2021. Elle a déposé auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique une demande d'asile qui a été enregistrée le 21 février 2022. La consultation du fichier Eurodac consécutive au relevé des empreintes digitales a révélé qu'elle avait franchi irrégulièrement la frontière espagnole dans la période précédant les douze mois du dépôt de sa première demande d'asile. Saisie par les autorités françaises le 24 février 2022, les autorités espagnoles ont accepté leur responsabilité par un accord explicite du 4 mars 2022 sur le fondement du 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Mme A... relève appel du jugement du 12 mai 2022 en tant que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 mai 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme A... et des conséquences de son transfert en Espagne au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et la prise en compte de son état de santé, en particulier suite au viol qu'elle a subi à sa première arrivée en France en 2021 pour lequel elle a déposé plainte le 10 janvier 2022.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est vue remettre, le 21 février 2022, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile dans les services de la préfecture, et à l'occasion de son entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées. Ces documents, dont les pages de garde ont été signées par l'intéressée le 21 février 2022, sont rédigés en langue française, langue qu'elle a déclaré comprendre ainsi qu'il ressort des termes du recueil des données. Le contenu de ces documents lui a également été communiqué oralement lors de son entretien du même jour où elle était assistée d'un interprète en langue peul, via les services de l'association ISM, agréée par le ministère de l'intérieur, ainsi qu'en témoignent les cases cochées sur le compte-rendu d'entretien individuel par Mme A..., qui a ainsi déclaré avoir compris les informations communiquées concernant la procédure de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été privée d'une garantie au motif que l'information qui lui a été donnée par les services préfectoraux aurait dû l'être avant l'entretien individuel et le relevé de ses empreintes digitales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'information du demandeur d'asile énoncé à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque : a) le demandeur a pris la fuite ; ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a bénéficié de l'entretien individuel mentionné à l'article 5 précité du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui s'est déroulé le 21 février 2022 à la préfecture de la Loire-Atlantique, mené avec le concours d'un interprète en langue peul. Aucun élément du dossier ne permet de tenir pour établi que cet entretien n'aurait pas été mené dans des conditions garantissant la confidentialité et par une personne qualifiée en vertu du droit national. Par ailleurs, il ressort du compte rendu d'entretien, signé par l'intéressée, que Mme A... a été interrogé de manière approfondie sur sa situation personnelle, notamment médicale et familiale, ainsi que sur son parcours migratoire et a ainsi eu le temps de s'exprimer sur sa situation. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

8. En quatrième lieu, les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ont pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des États membres relevant du régime européen d'asile commun, notamment par la remise de brochures d'information lors de l'entretien individuel. La méconnaissance de cette obligation d'information dans une langue comprise par le demandeur d'asile ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles la France transfère un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande. Il en va de même de la méconnaissance de l'obligation d'information résultant des dispositions des articles 12, 13 et 14 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Dans ces conditions, la circonstance que la requérante n'aurait pas reçu l'information prévue par ces dispositions avant le relevé de ses empreintes est sans incidence sur la légalité de la décision portant transfert auprès des autorités espagnoles. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / (...) ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

11. Mme A... fait tout d'abord état de l'existence de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Espagne. Toutefois, les documents qu'elle produit à l'appui de ces affirmations ne permettent pas de tenir pour établi que sa propre demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités espagnoles dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Espagne est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Par ailleurs, si Mme A... invoque sa situation de vulnérabilité en ce qu'elle a été victime d'un viol à sa première arrivée en France en 2021, qu'elle a eu recours à une interruption volontaire de grossesse pour une grossesse non désirée consécutive à ce viol, qu'elle a déposé plainte contre son agresseur et qu'elle est désormais suivie médicalement pour un stress post-traumatique et bénéficie d'un hébergement en tant que " victime de violences ", les documents médicaux produits à l'appui de ses affirmations, notamment le certificat médical confidentiel destiné au médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 13 avril 2022, le certificat médical du 6 mai 2022, l'ordonnance du 4 mai 2022, les attestations de soins psychologiques des 12 mai et 1er août 2022, ne suffisent pas à démontrer qu'elle ne pourrait pas bénéficier en Espagne de soins adaptés et du suivi nécessaire à son état de santé, notamment un suivi psychologique et un traitement médicamenteux pour son état de stress post-traumatique, alors qu'elle se borne également à de simples affirmations concernant l'accès aux soins et que, surtout, les autorités espagnoles ont expressément accepté de la reprendre en charge. De plus, si elle se prévaut d'une liste de rendez-vous au centre de lutte antiberculeuse pour la période du 18 mai 2022 au 3 août 2022, elle ne justifie pas être atteinte d'une pathologie nécessitant une prise en charge en France. Si elle produit également des échographies des 1er et 2nd trimestre d'une nouvelle grossesse estimée arriver à terme le 22 février 2023, aucun élément du dossier ne fait état de complications liées à cette grossesse. Il ne ressort pas non plus de l'examen de ces pièces que l'état de santé de Mme A... serait incompatible avec son transfert en Espagne.

13. La requérante ne démontre pas davantage que ses conditions de vie en Espagne, pays où elle a déclaré dans le résumé de son entretien avoir été prise en charge et hébergée dès son arrivée en 2021 jusqu'à son premier départ pour la France, l'auraient placée dans ce pays dans une situation de vulnérabilité. En outre, si elle soutient qu'elle n'a pas été prise en charge par les autorités espagnoles lors de son premier transfert en Espagne le 20 janvier 2022, elle n'établit pas avoir procédé dans ce pays aux démarches nécessaires à sa demande d'asile et à l'exercice des voies juridiques et administratives lui permettant de faire valoir ses droits alors qu'au demeurant, elle n'est restée en Espagne que trois jours avant de revenir en France. Dès lors, la requérante ne démontre pas qu'elle serait exposée au risque de subir en Espagne des traitements contraires aux dispositions des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Au surplus, elle ne peut utilement invoquer les risques encourus lors de son parcours d'exil hors de l'Europe à l'encontre d'une décision de transfert.

14. Dans ces conditions, et en l'absence de tout autre élément de vulnérabilité, la requérante n'est fondée à soutenir ni que la décision de transfert méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ni que le préfet de Maine-et-Loire, en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

15. En dernier lieu, si la requérante soutient que le préfet a commis une erreur de fait en indiquant à tort qu'elle " déclare avoir un copain en France sans décliner son identité ni sa situation administrative ", il résulte cependant du compte-rendu de son entretien qu'elle a signé en cochant la case " les renseignements me concernant sont exacts " que telles sont bien ses déclarations. En outre, si l'arrêté contesté indique que Mme A... " n'établit pas que son état se soit dégradé depuis son arrivée sur le territoire français " et qu'elle n'a pas " consulté de médecin depuis son arrivée en Europe ", le préfet indique sans ambiguïté qu'il se réfère à ses problèmes de santé tels qu'alors déclarés, soit des maux de ventre, qui ne sont pas assortis de justificatifs médicaux. L'arrêté contesté n'est par suite pas entaché d'erreur de fait. En tout état de cause, il résulte de ce qui vient d'être dit que le préfet aurait pris la même décision s'il avait tenu compte de son état de stress post-traumatique.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Neraudau et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 29 août 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 septembre 2023.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02337


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : NERAUDAU

Origine de la décision
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 15/09/2023
Date de l'import : 24/09/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 22NT02337
Numéro NOR : CETATEXT000048079801 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-09-15;22nt02337 ?
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