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02/08/2023 | FRANCE | N°22NT02674

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 02 août 2023, 22NT02674


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... D... et M. A... F... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision née le 21 septembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre les décisions du 20 mai 2021 de l'autorité consulaire française en Ethiopie et auprès de l'Union africaine refusant de délivrer aux enfants mineurs allégués, B... et C... F... E... ainsi qu'à M. A... F... E..., jeune majeur, des vis

as de long séjour au titre de la réunification familiale.

Par un jugement no...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... D... et M. A... F... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision née le 21 septembre 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre les décisions du 20 mai 2021 de l'autorité consulaire française en Ethiopie et auprès de l'Union africaine refusant de délivrer aux enfants mineurs allégués, B... et C... F... E... ainsi qu'à M. A... F... E..., jeune majeur, des visas de long séjour au titre de la réunification familiale.

Par un jugement nos 2113058, 2113059, 2113060 du 23 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 août 2022 et 7 novembre 2022, Mme G... D..., agissant en sa qualité de représentante légale des jeunes B... et C... F... E..., et M. A... F... E..., représentés par Me Pronost, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de leur délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits qui sont authentiques et par la possession d'état ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

M. A... F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Montes-Derouet,

- et les observations de Me Pronost, pour les requérants.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G... D..., ressortissante érythréenne, née le 20 avril 1983, s'est vu reconnaître la qualité de réfugiée au mois de décembre 2018. Des demandes de visa de long séjour au titre de la réunification familiale ont été déposées le 22 septembre 2020 pour ses enfants allégués, A..., C... et B... F... E... nés, respectivement, les 27 janvier 2002, 11 octobre 2004 et 16 septembre 2007. Ces demandes ont été rejetées par des décisions du 20 mai 2021 de l'autorité consulaire française en Ethiopie et auprès de l'Union africaine. Le recours formé contre ces refus consulaires devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a été rejeté par une décision implicite née le 21 septembre 2021. Par un jugement du 23 mai 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les demandes de Mme D..., et de M. A... F... E... tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours. Mme D... et M. A... F... E... relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Ils produisent pour cela les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire.

En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 121-9 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux ". Aux termes de l'article 311-1 du code civil : " La possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir./ Les principaux de ces faits sont : 1° Que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu'elle-même les a traités comme son ou ses parents ;/ 2° Que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation ; /3° Que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ; /4° Qu'elle est considérée comme telle par l'autorité publique ;/ 5° Qu'elle porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue ".

3. Il ressort des écritures en défense du ministre que la décision contestée de la commission de recours est fondée sur le défaut de valeur probante des actes de baptême produits pour établir l'identité et le lien de filiation des demandeurs de visa à l'égard de Mme D..., la production d'un jugement frauduleux de délégation d'autorité parentale, le caractère tardif de la demande de réunification familiale et l'absence d'éléments de possession d'état.

4. Pour établir l'identité des demandeurs de visa et leur lien de filiation à l'égard de Mme D..., les requérants ont produit, pour chacun des demandeurs de visa, un certificat de baptême délivré par l'église érythréenne orthodoxe tewahedo et sa traduction française. Si ces documents ne peuvent être assimilés à des actes d'état civil, ils n'en demeurent pas moins des documents utiles à l'établissement d'une identité et d'un lien de filiation pour un demandeur de visa érythréen, au titre de la possession d'état. Ces documents font mention du nom de la mère et du père des enfants, à savoir respectivement Mme G... D... et M. F... E..., avec lequel Mme D... s'est mariée le 10 novembre 2000, ainsi que cela ressort de la mention marginale apposée sur le certificat de naissance de l'intéressée tenant lieu d'acte d'état-civil établi par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 13 août 2019. La circonstance que les certificats de baptême des jeunes C... F... E... et A... F... E..., qui portent le sceau de l'église orthodoxe Tewahedo, ne comportent pas, contrairement à celui du jeune B... F... E..., de numéro d'enregistrement ni de date d'établissement ne suffit pas à leur ôter tout caractère probant. Les requérants produisent, en outre, pour la première fois devant la cour, un certificat d'enregistrement auprès du Haut-commissariat aux réfugiés des Nations-Unies (HCRNU) du 1er août 2019, dont l'authenticité n'est pas contestée par le ministre, faisant état du statut de réfugié accordé par les autorités éthiopiennes aux trois demandeurs de visa présentés comme frères et sœur, et dont l'ensemble des mentions, à savoir les nom, prénom, dates et lieu de naissance et nationalité des enfants, concordent avec celles que Mme D..., qui a déclaré être mère de trois enfants dès son premier entretien en qualité de demandeur d'asile, a indiquées lors de sa demande d'asile en octobre 2017, de son entretien avec un agent de l'OFPRA en octobre 2018 ainsi que dans la fiche familiale de référence OFPRA renseignée dans la suite de l'obtention du statut de réfugiée. Par ailleurs, les photographies que les requérants produisent et qu'ils décrivent comme représentant Mme D... et ses trois enfants, correspondent aux photographies des demandeurs de visa apposées sur le certificat d'enregistrement auprès du HCRNU ainsi qu'à celles présentées pour la constitution des dossiers de demandes de visa. Enfin, les requérants versent au dossier des factures d'achat de cartes téléphoniques prépayées acquises en 2020, antérieurement à la décision contestée et des captures d'écran d'échanges téléphoniques au moyen de ces cartes. L'ensemble de ces éléments, corroborés au surplus depuis par le séjour de Mme D... en Ethiopie en juin 2022, permet d'établir l'existence d'une situation de possession d'état. Par suite, en rejetant les demandes de visa au motif que l'identité et le lien de filiation des jeunes C... et B... F... E... et de M. A... F... E..., à l'égard de Mme D... n'étaient pas établis, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a procédé à une inexacte application des dispositions citées au point 2.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D... et M. A... F... E..., sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à M. A... F... E... et aux jeunes C... et B... F... E.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer de tels visas dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. M. A... F... E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Pronost dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 23 mai 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté les demandes de visa d'entrée et de long séjour en France présentées pour M. A... F... E... et les jeunes C... et B... F... E... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à M. A... F... E... et aux jeunes C... et B... F... E... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Pronost une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... D..., à M. A... F... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 août 2023.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUETLa présidente,

C. BUFFET

La greffière,

Aline LEMEE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02674


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02674
Date de la décision : 02/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : PRONOST

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-08-02;22nt02674 ?
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