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02/08/2023 | FRANCE | N°22NT02020

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 02 août 2023, 22NT02020


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision du 22 septembre 2021 de l'autorité consulaire française à Daoula (Cameroun) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité d'étudiante.

Par un jugement no 2114179 du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé

la décision implicite de la commission de recours.

Procédure devant la cour :

Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision du 22 septembre 2021 de l'autorité consulaire française à Daoula (Cameroun) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en France en qualité d'étudiante.

Par un jugement no 2114179 du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2022, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a considéré que la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant au risque de détournement de l'objet du visa.

Une mise en demeure a été adressée le 9 janvier 2023 à Mme A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair ;

- l'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bréchot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C... A..., ressortissante camerounaise née le 23 août 1996, a demandé, le 20 août 2021, la délivrance d'un visa de long séjour en qualité d'étudiante à l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun). Cette demande a été rejetée le 26 août 2021 et notifiée le 31 août suivant à l'intéressée. Le 22 septembre 2021, Mme A... a déposé une nouvelle demande de visa de long séjour en qualité d'étudiante auprès de l'autorité consulaire française à Douala, laquelle l'a rejetée par une décision du 30 septembre 2021. Mme A... a saisi, le 11 octobre 2021, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, dont le silence gardé pendant plus de deux mois a donné naissance à une décision implicite de rejet. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et lui a enjoint de faire délivrer à l'intéressée le visa sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

2. Aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour (...) / Les autorités diplomatiques et consulaires sont tenues de statuer sur les demandes de visa de long séjour formées par (...) les étudiants dans les meilleurs délais (...) ".

3. Selon l'article 5 de la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, l'admission d'un ressortissant d'un pays tiers à des fins d'études est soumise à des conditions générales, fixées par l'article 7, comme l'existence de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de subsistance durant son séjour ainsi que ses frais de retour et à des conditions particulières, fixées par l'article 11, telles que l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur ainsi que le paiement des droits d'inscription. L'article 20 de la même directive, qui définit précisément les motifs de rejet d'une demande d'admission, prévoit qu'un État membre rejette une demande d'admission si ces conditions ne sont pas remplies ou encore, peut rejeter la demande, selon le f) du 2, " s'il possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que l'auteur de la demande souhaite séjourner sur son territoire à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission ".

4. En l'absence de dispositions spécifiques figurant dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande de visa de long séjour formée pour effectuer des études en France est notamment soumise aux instructions générales établies par le ministre chargé de l'immigration prévues par le décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas, en particulier son article 3, pris sur le fondement de l'article L. 311-1 de ce code. L'instruction applicable est, s'agissant des demandes de visas de long séjour en qualité d'étudiant mentionnés à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive (UE) 2016/801, laquelle participe de la transposition de cette même directive.

5. Le point 2.4 de cette instruction du 4 juillet 2019, intitulé " Autres vérifications par l'autorité consulaire ", indique que cette dernière " (...) peut opposer un refus s'il existe des éléments suffisamment probants et des motifs sérieux permettant d'établir que le demandeur séjournera en France à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande un visa pour études. " Ainsi, l'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est titulaire d'un brevet de technicien supérieur (BTS) en commerce international obtenu en 2016 à Douala et d'une licence en sciences économiques et gestion, option " management des opérations du commerce international " obtenu en 2018 à l'École supérieure de gestion de l'institut universitaire du Golfe de Guinée (Cameroun). Elle a par ailleurs validé en 2019 sa première année de Master en commerce et gestion, option " supply chain management " (gestion de la chaîne logistique), à l'université de Ngaoundere (Cameroun). Elle s'est inscrite, pour compléter son cursus, en première année de Mastère en " Green, Social and Digital Business " auprès du " Groupe GEMA - ESI Business School / IA School " à Boulogne-Billancourt pour l'année universitaire 2021-2022. Elle a déclaré, lors de son entretien avec le service de coopération et d'action culturelle en février 2021, souhaiter " obtenir un doctorat en management organisationnel et audit d'entreprise " avec pour objectif de " travailler en qualité de chef de projet, et plus tard créer un cabinet de management au Cameroun ". Toutefois, le ministre de l'intérieur fait valoir que Mme A..., dont les résultats ont toujours été passables au cours de sa formation universitaire, a interrompu son Master en commerce et gestion en 2020 pour travailler en qualité d'hôtesse dans une entreprise d'assurance, tout en suivant une formation en " secrétariat bureautique " au premier semestre, cette activité et cette formation étant sans lien avec ses études antérieures ou envisagées. L'intéressée n'a exercé aucune activité au premier semestre 2021. Mme A... n'apporte aucune explication aux évolutions de son parcours académique et professionnel. Le service de coopération et d'action culturelle a d'ailleurs conclu que le " projet professionnel de la candidate n'est pas solide et est imprécis ". Dans ces conditions, la commission de recours n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que Mme A... sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études. Ainsi, c'est à tort que, pour annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur ce que cette décision était entachée d'une telle erreur.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes.

8. En premier lieu, si Mme A... soutient qu'il appartient au ministre de l'intérieur de démontrer que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est réunie en étant régulièrement composée, un tel moyen ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'une décision implicite.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) ".

10. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ".

11. À l'appui de sa requête, par laquelle il renvoie notamment à ses écritures de première instance, le ministre de l'intérieur soutient que Mme A... ne justifie pas avoir sollicité la communication des motifs du rejet implicite de son recours devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Une copie de cette requête a été communiquée le 26 juillet 2022 à Mme A..., qui a été mise en demeure le 9 janvier 2023 de produire un mémoire en défense. Cette mise en demeure est demeurée sans effet. L'inexactitude des faits allégués par le ministre de l'intérieur ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier, et notamment pas de la pièce, versée par Mme A... en première instance à la suite d'une mesure d'instruction du tribunal administratif, constituée d'un courrier daté du 13 décembre 2021 de demande de communication des motifs de la décision de la commission de recours, qui comporte pour mention manuscrite " LRAR 1A 172 798 50236 ", et qui est seulement accompagné d'un avis de réception portant le numéro " AR 1A 19679 9490 9 " faisant état d'un envoi le 7 décembre et d'une distribution du pli le 9 décembre 2021, et non d'un avis établissant que la demande de communication des motifs a effectivement été reçue par la commission de recours et même adressée à celle-ci. Par suite, le moyen tiré de l'absence de motivation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et lui a enjoint de délivrer le visa sollicité.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 juin 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 août 2023.

Le rapporteur,

F.-X. BréchotLa présidente,

C. Buffet

La greffière,

A. Lemée

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22NT02020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02020
Date de la décision : 02/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : NGUIYAN AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-08-02;22nt02020 ?
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