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21/07/2023 | FRANCE | N°23NT00472

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 21 juillet 2023, 23NT00472


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du

24 juin 2019 par laquelle le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2004036 du 7 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2023 le préfet de la Sarthe demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande prése

ntée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- les rapports du service de la pol...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du

24 juin 2019 par laquelle le préfet de la Sarthe a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2004036 du 7 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 février 2023 le préfet de la Sarthe demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- les rapports du service de la police des frontières du 20 mars 2019 établissent l'absence d'authenticité des actes d'état-civil en constatant que l'acte de naissance ne respecte pas les articles 124 et 126 du code malien des personnes et de la famille ainsi que l'article 554 du code malien de procédure civile, commerciale et sociale ; l'un des timbres humides apposé sur le jugement supplétif du 16 mai 2017 comporte une faute d'orthographe ; un nombre figurant sur l'acte de naissance du 26 mai 2017 présente une surcharge d'écriture ;

- les nouveaux rapports simplifiés d'analyse documentaire émis par le service de la police des frontières le 23 mars 2022 lors d'une nouvelle demande de délivrance d'un titre de séjour le 27 avril 2021 sont défavorables ;

- la carte consulaire comporte un grattage sur le volet de la photographie ;

- un passeport n'est qu'un document de voyage ;

- c'est donc à tort que le tribunal administratif a retenu l'absence de tout caractère apocryphe des actes d'état-civil.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 avril 2023 M. B..., représenté par

Me Cloarec, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Sarthe de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Sarthe ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Geffray a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant malien, né le 17 mars 2000, qui est entré irrégulièrement en France le 16 novembre 2016 selon ses déclarations, a été placé par ordonnance du juge des tutelles du tribunal de grande instance du Mans du 24 janvier 2017 auprès des services de l'aide sociale à l'enfance de la Sarthe en qualité de mineur isolé. Il a demandé le 1er février 2018 au préfet de ce département un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " étudiant " ou, à titre subsidiaire, " salarié ". Par une décision du 24 juin 2019, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour. Par un jugement du 7 février 2023, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision, enjoint au préfet de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et, dans l'attente de cette délivrance et sans délai à compter de cette notification, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à exercer une activité professionnelle. Le préfet de la Sarthe relève appel de ce jugement.

2. Le préfet de la Sarthe a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour au motif que l'intéressé a produit à l'appui de sa demande de titre de séjour des actes d'état-civil qui ne sont pas conformes à la législation du pays d'origine et comportent plusieurs erreurs de nature à les entacher d'irrégularité.

3. L'article L. 111-6, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

6. Pour annuler l'arrêté contesté du préfet de la Sarthe, le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur l'absence de caractère apocryphe ou frauduleux d'un jugement supplétif d'acte de naissance et de l'acte de naissance établi en transcription de ce jugement. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Sarthe fait référence dans la décision contestée à la législation guinéenne alors que M. B... est ressortissant malien et ne précise pas la nature des irrégularités dont serait entachés les documents d'état-civil de l'intéressé. L'avis défavorable du service de la police des frontières du 20 mars 2019 auquel la décision contestée fait référence et selon lequel les actes d'état-civil sont entachés d'irrégularités au regard du code malien des personnes et de la famille et du code malien de procédure civile, commerciale et sociale et les références faites à ces codes par le préfet dans ses écritures ne permettent pas de remettre en cause l'identité de M. B.... Ni la circonstance que l'un des timbres humides apposé sur le jugement supplétif du 16 mai 2017 comporte une faute d'orthographe ni la surcharge d'écriture sur un nombre figurant sur l'acte de naissance du 26 mai 2017 ne suffisent à donner à l'ensemble des documents d'état civil produits un caractère apocryphe ou à les priver de caractère probant. Les nouveaux rapports simplifiés d'analyse documentaire émis par le service de la police des frontières le 23 mars 2022 dans le cadre d'une nouvelle demande de délivrance d'un titre de séjour formulée le 27 avril 2021 sont postérieurs à la date de la décision contestée. De plus, l'identité de M. B... est confirmée par son passeport et l'attestation d'authenticité établie par le consul général du Mali à Paris qu'il verse aux débats. Dès lors, c'est à tort que le préfet a estimé que l'identité de M. B... n'était pas établie. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision contestée.

7. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement à Me Cloarec, conseil de M. B..., d'une somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de la Sarthe est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à Me Cloarec, conseil de M. B....

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2023.

Le rapporteur

J.E. GeffrayLa présidente

I. PerrotLa greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00472


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00472
Date de la décision : 21/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : ALC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-07-21;23nt00472 ?
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