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07/07/2023 | FRANCE | N°22NT02593

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 07 juillet 2023, 22NT02593


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL BLB Tourisme a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.

Par un jugement n° 1905799 du 8 juin 2022 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2022 la SARL BLB Tourisme, représentée par Me Cras, demande à la cour :

1°) d'annuler ce ju

gement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL BLB Tourisme a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui sont réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.

Par un jugement n° 1905799 du 8 juin 2022 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2022 la SARL BLB Tourisme, représentée par Me Cras, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue au 10° du II de l'article 262 du code général des impôts est applicable aux prestations rendues dans le cadre de sa branche d'activité " to export cruise " consistant essentiellement dans le transport de voyageurs étrangers en transit pour la journée et circulant par groupes d'au moins dix personnes ;

- le formalisme de l'article 73 F de l'annexe III au code général des impôts ne lui est pas applicable en raison des allègements de la doctrine administrative dans ce domaine.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL BLB Tourisme, qui exerce une activité d'agence de voyages, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. L'administration fiscale l'a informée, par proposition de rectification du 30 juin 2017, de ce qu'elle envisageait de procéder à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour cette période à raison de la remise en cause de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée, prévue au 10° du II de l'article 262 du code général des impôts, dont la société requérante s'était prévalue au titre des prestations de transports par route de voyageurs étrangers en provenance et à destination de l'étranger. La SARL BLB Tourisme relève appel du jugement du 8 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande de décharge de ces droits de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés à ce titre et des pénalités correspondantes.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

2. Aux termes de l'article 306 de la directive du 28 novembre 2006 : " Les Etats membres appliquent un régime particulier de la taxe sur la valeur ajoutée aux opérations des agences de voyages conformément au présent chapitre, dans la mesure où ces agences agissent en leur nom propre à l'égard du voyageur et lorsqu'elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons de biens et des prestations de services d'autres assujettis. Le présent régime particulier n'est pas applicable aux agences de voyages qui agissent uniquement en qualité d'intermédiaire et auxquelles s'applique, pour calculer la base d'imposition, l'article 79, premier alinéa, point c) ". Aux termes de l'article 307 de cette même directive : " Les opérations effectuées, dans les conditions prévues à l'article 306, par l'agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de services unique de l'agence de voyages au voyageur. / La prestation unique est imposée dans l'État membre dans lequel l'agence de voyages a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni la prestation de services. ". Aux termes de l'article 308 de cette directive : " Pour la prestation de services unique fournie par l'agence de voyages, est considérée comme base d'imposition et comme prix hors TVA, au sens de l'article 226, point 8), la marge de l'agence de voyages, c'est-à-dire la différence entre le montant total, hors TVA, à payer par le voyageur et le coût effectif supporté par l'agence de voyages pour les livraisons de biens et les prestations de services d'autres assujettis, dans la mesure où ces opérations profitent directement au voyageur. ".

3. L'article 266 du code général des impôts, dont le e. du 1 a pour objet de transposer l'article 308 de cette directive, prévoit que la base d'imposition est " Pour les opérations d'entremise effectuées par les agences de voyages et les organisateurs de circuits touristiques, par la différence entre le prix total payé par le client et le prix effectif facturé à l'agence ou à l'organisateur par les entrepreneurs de transports, les hôteliers, les restaurateurs, les entrepreneurs de spectacles et les autres assujettis qui exécutent matériellement les services utilisés par le client ". Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". Aux termes de l'article 262 du même code : " (...) II. Sont (...) exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 10° Les transports par route de voyageurs étrangers en provenance et à destination de l'étranger, circulant en groupe d'au moins dix personnes (...) ". L'article 263 du même code dispose : " Les prestations de services effectuées par les intermédiaires qui agissent au nom et pour le compte d'autrui, lorsqu'ils interviennent dans des opérations exonérées par l'article 262 (...) sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux agences de voyages et organisateurs de circuits touristiques ".

4. Il résulte des articles 306 à 310 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, tels qu'interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne, que le régime particulier de taxe sur la valeur ajoutée prévu pour les agences de voyages et pour les organisateurs de circuits touristiques s'applique aux opérateurs économiques qui, même s'ils ne bénéficient pas formellement de la qualité d'agent de voyages ou d'organisateur de circuits touristiques, organisent en leur nom propre une ou des prestations de services généralement attachées à la réalisation d'un voyage et qui, pour fournir ces prestations, recourent à des tiers assujettis (CJUE 22-10-1998 aff. 308/96 et 94/97, Madgett et Baldwin). Il résulte également de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne que, lorsqu'un opérateur économique soumis aux dispositions du régime particulier de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux opérations des agences de voyages effectue, contre le paiement d'un prix forfaitaire, des opérations composées de prestations de services fournies en partie par lui-même et en partie par d'autres assujettis, ce régime particulier s'applique uniquement aux prestations de services fournies par des tiers (CJUE 25-10-2012 aff. 557/11, 6e ch., Maria Kozak).

5. Par ailleurs, aux termes de l'article 73 F de l'annexe III du code général des impôts : " Pour bénéficier de l'exonération prévue au 10° du II de l'article 262 et au 2° du III de l'article 291 du code général des impôts et relative aux transports par route, en provenance et à destination de l'étranger, de marchandises et de voyageurs étrangers circulant en groupe d'au moins dix personnes, le transporteur routier doit, lorsque le transport comporte un transbordement dans un port ou un aéroport français, présenter une feuille de route comportant le numéro d'immatriculation du véhicule, le parcours effectué, la nature et la quantité de la marchandise ou le nombre de voyageurs transportés en groupe. Ce document est visé, à l'entrée et à la sortie, par le service des douanes du point d'entrée et du point de sortie ou, à défaut, par le service des douanes le plus proche du point d'entrée ou du point de sortie ".

6. L'administration fiscale a assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, prévue par les dispositions du e. du 1. de l'article 266 du code général des impôts, les prestations " to export cruise " vendues par la SARL BLB Tourisme au cours des exercices clos en 2014, 2015 et 2016. La société requérante soutient qu'elle doit être exonérée de cette taxe dès lors qu'elle fournit une prestation de transport de voyageurs étrangers en transit pour la journée et circulant par groupes d'au moins dix personnes exonérée de taxe sur la valeur ajoutée en application du 10° du II de l'article 262 du code général des impôts.

7. Il résulte de l'instruction que dans le cadre de son activité " to export cruise " la SARL BLB Tourisme facture à des armateurs et organisateurs de croisières faisant escale dans les ports français diverses excursions comprenant l'acheminement des croisiéristes sur des sites touristiques ainsi que des prestations de restauration et d'entrées dans des musées.

Il est constant que la société requérante recourt en totalité, pour la réalisation de ces prestations notamment de transport, à des tiers assujettis. Dans ces conditions, elle doit être regardée, au sens de la directive précitée comme de la loi fiscale française, comme ayant réalisé des opérations d'entremise en qualité d'agence de voyage, soumises au régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge, et non comme un intermédiaire transparent, auquel serait applicable le régime d'exonération prévu pour les prestations de transport de voyageurs étrangers en transit pour la journée. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a assujetti les prestations " to export cruise " vendues par la SARL BLB Tourisme à la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime de la marge, sans que cette dernière puisse utilement invoquer le bénéfice de la doctrine allégeant le formalisme de l'article 73 F de l'annexe III au code général des impôts, lequel est seulement applicable dans le cas d'exonération de taxe sur la taxe sur la valeur ajoutée prévue au 10° du II de l'article 262 du même code.

8. Il résulte de ce qui précède que la SARL BLB Tourisme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a refusé de faire droit à sa demande. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL BLB Tourisme est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la succession de la SARL BLB Tourisme et au ministre de ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2023.

Le rapporteur

A. PenhoatLa présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 22NT025932


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02593
Date de la décision : 07/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SELARL LES JURISTES D'ARMORIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-07-07;22nt02593 ?
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