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07/07/2023 | FRANCE | N°22NT01977

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 07 juillet 2023, 22NT01977


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. Prince B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 30 mars 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Brazzaville (République du Congo) lui refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiant.

Par un jugement no 2200371 du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la d

écision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. Prince B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 30 mars 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Brazzaville (République du Congo) lui refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiant.

Par un jugement no 2200371 du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à l'intéressé le visa sollicité.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 juin 2022, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que le motif tiré du défaut de caractère cohérent et sérieux des études envisagées n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 août 2022, M. A..., représenté par Me Thoumine, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'instruction interministérielle relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive UE 2016/801 du 4 juillet 2019 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bréchot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant congolais (République du Congo) né le 4 août 1996, a sollicité le 22 décembre 2021 la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiant auprès des autorités consulaires françaises de Brazzaville. Un refus lui a été opposé par une décision du 27 décembre 2021. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, saisie du recours administratif préalable obligatoire prévu à l'article D. 312-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rejeté ce recours par une décision du 30 mars 2022, qui s'est substituée à la décision implicite de rejet née antérieurement. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 20 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A..., cette décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et lui a enjoint de délivrer le visa sollicité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. La décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France se fonde sur les motifs tirés de ce que, d'une part, M. A..., " qui ne justifie pas disposer des prérequis nécessaires (connaissances en programmation informatique), n'a pas présenté d'éléments suffisamment probants permettant de s'assurer de la faisabilité et de la cohérence de son projet d'études en 3ème année de formation "administrateur d'infrastructures sécurisées" ", et, d'autre part, qu'il n'a pas fourni la preuve qu'il dispose de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de toute nature durant son séjour en France, dès lors que la personne qui s'est proposé de le prendre en charge financièrement n'a pas justifié de moyens financiers suffisants pour assumer cette prise en charge.

3. Aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Tout étranger souhaitant entrer en France en vue d'y séjourner pour une durée supérieure à trois mois doit solliciter auprès des autorités diplomatiques et consulaires françaises un visa de long séjour (...) / Les autorités diplomatiques et consulaires sont tenues de statuer sur les demandes de visa de long séjour formées par (...) les étudiants dans les meilleurs délais (...) ".

4. Selon l'article 5 de la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, l'admission d'un ressortissant d'un pays tiers à des fins d'études est soumise à des conditions générales, fixées par l'article 7, comme l'existence de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de subsistance durant son séjour ainsi que ses frais de retour et à des conditions particulières, fixées par l'article 11, telles que l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur ainsi que le paiement des droits d'inscription. L'article 20 de la même directive, qui définit précisément les motifs de rejet d'une demande d'admission, prévoit qu'un État membre rejette une demande d'admission si ces conditions ne sont pas remplies ou encore, peut rejeter la demande, selon le f) du 2, " s'il possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que l'auteur de la demande souhaite séjourner sur son territoire à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission ".

5. En l'absence de dispositions spécifiques figurant dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande de visa de long séjour formée pour effectuer des études en France est notamment soumise aux instructions générales établies par le ministre chargé de l'immigration prévues par le décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas, en particulier son article 3, pris sur le fondement de l'article L. 311-1 de ce code. L'instruction applicable est, s'agissant des demandes de visas de long séjour en qualité d'étudiant mentionnés à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive (UE) 2016/801, laquelle participe de la transposition de cette même directive.

6. En premier lieu, le point 2.4 de cette instruction du 4 juillet 2019, intitulé " Autres vérifications par l'autorité consulaire ", indique que cette dernière " (...) peut opposer un refus s'il existe des éléments suffisamment probants et des motifs sérieux permettant d'établir que le demandeur séjournera en France à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande un visa pour études. " Ainsi, l'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.

7. M. A... a été admis dans l'établissement d'enseignement supérieur privé " Estya University " afin d'y suivre une formation d'" administrateur d'infrastructures sécurisées ", d'une durée d'un an, conduisant à un diplôme de " Bachelor ", équivalent à un niveau de licence. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a obtenu en 2016 son baccalauréat en mathématiques en République du Congo, ainsi qu'en 2018 un brevet de technicien supérieur (BTS) en " maintenance des systèmes de production " de l'Institut UCAC-ICAM (Université catholique d'Afrique centrale, Institut catholique des arts et métiers) à Pointe-Noire, avec de très bons résultats. Il a ensuite été recruté, le 20 juillet 2019, en qualité d'opérateur d'exploitation, chargé de la maintenance électrique et mécanique, de la gare de péage de Yié, sur la route nationale no 1 du Congo. Par un avenant à son contrat de travail du 24 août 2021, M. A... a été promu, à compter du 1er septembre 2021, en qualité de superviseur " infrastructure et réseaux " de la même gare de péage. Selon une attestation de son employeur du 5 janvier 2022, cette promotion s'est faite sous réserve qu'il obtienne un " bachelor administrateur réseaux pour administrer les infrastructures informatiques dont son équipe assure l'installation, le paramétrage, la sécurisation [et] le maintien en condition opérationnelle et en condition de sécurité ". Si le ministre de l'intérieur fait valoir que la réussite de la formation à laquelle a été admis l'intéressé nécessite de solides compétences en informatique, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., qui explique avoir reçu des enseignements en la matière pour obtenir son brevet de technicien supérieur et avoir appris plusieurs langages informatiques dans le cadre de ses études et de ses emplois ultérieurs, ne disposerait pas des prérequis nécessaires pour suivre la formation en cause. Dans ces conditions, alors même que le service de coopération et d'action culturelle (SCAC) de l'ambassade de France à Brazzaville a émis un avis défavorable au projet de M. A..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.

8. En second lieu, le point 2.2 de l'instruction du 4 juillet 2019 prévoit que " L'étranger doit justifier qu'il disposera de ressources suffisantes pour couvrir ses frais d'études / L'étranger doit apporter la preuve qu'il dispose de moyens d'existence suffisants pour la durée de validité du visa de long séjour pour études. Ces ressources doivent être équivalentes, pour l'ensemble de la période concernée, au moins au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français, soit 615 euros en 2019. "

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... justifie, par une attestation d'" ordre de virement irrévocable ", qu'une somme de 7 622 euros a été bloquée sur son compte bancaire afin de couvrir ses frais d'études en France, soit une somme supérieure à 635 euros par mois. S'il est vrai qu'il n'a justifié s'être acquitté de seulement 500 euros sur un montant total de 5 500 euros dû au titre de ses frais d'inscription à l'établissement d'enseignement supérieur privé, il ressort des pièces du dossier qu'un de ses oncles s'est engagé à l'héberger gracieusement à son domicile pendant toute la durée de ses études universitaires, tandis qu'un autre de ses oncles s'est engagé à prendre en charge sa subsistance pendant la durée de ses études en France. Contrairement à ce que soutient le ministre de l'intérieur, il ressort des pièces du dossier, notamment des bulletins de paye de ce dernier oncle de M. A..., que celui-ci dispose de ressources suffisantes pour honorer son engagement. Dès lors, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions de l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive (UE) 2016/801 en estimant que l'intéressé ne justifiait pas disposer de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de toute nature durant son séjour en France.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et lui a enjoint de délivrer le visa sollicité.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Prince B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2023.

Le rapporteur,

F.-X. BréchotLa présidente,

C. Buffet

La greffière,

A. Lemée

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22NT01977002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01977
Date de la décision : 07/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : THOUMINE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-07-07;22nt01977 ?
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