Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 ainsi que des intérêts de retard correspondants.
Par un jugement n° 1909529 du 1er avril 2022 le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 mai 2022 M. A... et Mme C..., représentés par Me Hery, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que l'administration fiscale a estimé qu'ils ne remplissaient pas les conditions posées par le 2° du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts pour bénéficier du report d'imposition prévu par ces dispositions au titre de la plus-value réalisée à l'occasion de l'apport des titres qu'ils détenaient dans le capital de la SARL Toque et Maine à la SARL FFMS le 16 juillet 2013, suivie de la cession de ces titres à la SARL BR le 6 septembre 2013 ;
- ils n'ont pas disposé du produit de la cession de ces titres par la SARL FFMS, qu'ils ont tenté de réinvestir dans le délai de deux ans prévu par la loi aux fins d'ouvrir un nouveau restaurant, dans le cadre d'un projet de restructuration de leur entreprise, ce qui leur ouvrait doit au bénéfice du régime de report d'imposition prévu au 2° du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts ;
- des circonstances indépendantes de leur volonté, tenant au refus de prêt qui leur a été opposé par un établissement bancaire pour l'acquisition du droit au bail d'un restaurant situé dans le centre-ville d'Angers, et relevant du cas de force majeure, ne leur ont pas permis de réinvestir le produit de la cession des titres de la SARL Toque et Maine dans le délai de deux ans prévu par la loi ;
- ils ont effectivement réinvesti le produit de la cession des titres de la SARL Toque et Maine en acquérant, le 15 janvier 2016, le fonds de commerce d'un restaurant situé dans une galerie commerçante à Angers ;
- cet investissement correspond à la quasi-totalité du produit de la cession des titres de la SARL Toque et Maine ;
- l'administration fiscale ne pouvait leur opposer l'absence de formalisation de leur engagement à réinvestir le produit de la cession des titres en cause, dans la mesure où une telle formalisation n'est pas prévue par l'article 150-0 B ter du code général des impôts et où les énonciations des commentaires administratifs publiés au bulletin officiel des finances publiques le 2 juillet 2015 sous la référence BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60, paragraphe n° 830 sont postérieures aux faits en litige.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 novembre 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Penhoat,
- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... et Mme C..., associés de la société à responsabilité limitée (SARL) Toque et Maine, qui exploitait une activité de restauration à Bouchemaine (Maine-et-Loire), ont créé, au cours de l'année 2013, la SARL FFMS. Ils lui ont fait apport, le 16 juillet 2013, de leurs titres de la SARL Toque et Maine, pour une valeur totale de 173 894 euros. La SARL FFMS a cédé les titres ainsi reçus en apport à la SARL BR le 6 septembre 2013, puis a réinvesti une partie du produit de cette vente dans l'acquisition d'un fonds de commerce le 15 janvier 2016. M. A... et Mme C... ont déclaré en report d'imposition, sur le fondement de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, au titre de leurs revenus des années 2013 à 2015, la plus-value d'un montant de 153 894 euros réalisée à l'occasion de l'apport, à la SARL FFMS, des titres de la SARL Toque et Maine. A la suite de la vérification de comptabilité dont la SARL FFMS a fait l'objet, l'administration fiscale a estimé que M. A... et Mme C... ne remplissaient pas les conditions posées par ces dispositions pour bénéficier du report d'imposition de leur plus-value et a réintégré dans leur revenu imposable au titre de l'année 2015 la somme de 153 894 euros. Elle leur a notifié, en conséquence, par une proposition de rectification du 31 octobre 2016, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties des intérêts de retard et de la majoration de 10 % prévue au I de l'article 1758 A du code général des impôts. Suite à la saisine du défenseur des droits, une remise correspondant au montant de la majoration de 10% a été accordée à M. A... et Mme C... le 28 novembre 2017. La réclamation préalable formée par les intéressés le 16 juillet 2018 en contestation des impositions supplémentaires auxquelles ils ont été assujettis a fait l'objet d'une décision d'acceptation partielle le 26 juin 2019, par laquelle l'administration fiscale a appliqué, au titre des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, le système du quotient prévu à l'article 163-0 A du code général des impôts. M. A... et Mme C... relèvent appel du jugement du 1er avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires restant à leur charge.
2. Aux termes de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, dans sa version applicable au litige : " I.- L'imposition de la plus-value réalisée, directement ou par personne interposée, dans le cadre d'un apport de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres ou de droits s'y rapportant (...) à une société soumise à l'impôt sur les sociétés (...) est reportée si les conditions prévues au III du présent article sont remplies. (...) / Il est mis fin au report d'imposition à l'occasion : (...) 2° De la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l'annulation des titres apportés, si cet événement intervient dans un délai, décompté de date à date, de trois ans à compter de l'apport des titres. Toutefois, il n'est pas mis fin au report d'imposition lorsque la société bénéficiaire de l'apport cède les titres dans un délai de trois ans à compter de la date de l'apport et prend l'engagement d'investir le produit de leur cession, dans un délai de deux ans à compter de la date de la cession et à hauteur d'au moins 50 % du montant de ce produit, dans le financement d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière (...) et qui a pour effet de lui en conférer le contrôle au sens du 2° du III du présent article (...) III.- Le report d'imposition est subordonné aux conditions suivantes : (...) 2° La société bénéficiaire de l'apport est contrôlée par le contribuable. Cette condition est appréciée à la date de l'apport, en tenant compte des droits détenus par le contribuable à l'issue de celui-ci. Pour l'application de cette condition, un contribuable est considéré comme contrôlant une société : a) Lorsque la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de la société est détenue, directement ou indirectement, par le contribuable ou par l'intermédiaire de son conjoint ou de leurs ascendants ou descendants ou de leurs frères et sœurs ; b) Lorsqu'il dispose seul de la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux de cette société en vertu d'un accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires ; c) Ou lorsqu'il y exerce en fait le pouvoir de décision. / Le contribuable est présumé exercer ce contrôle lorsqu'il dispose, directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux égale ou supérieure à 33,33 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne. / Le contribuable et une ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérés comme contrôlant conjointement une société lorsqu'ils déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale (...) ".
3. Il résulte des dispositions citées au point 2 ci-dessus que l'opération par laquelle des titres d'une société sont apportés par un contribuable à une société qu'il contrôle, puis sont cédés par cette dernière dans un délai de trois ans à compter de l'apport, ne remet pas en cause l'application du mécanisme de report d'imposition des plus-values qu'elles prévoient, lorsque le produit de cession fait l'objet d'un réinvestissement dans un délai de deux ans dans une activité économique limitativement énumérée, ayant pour effet d'en conférer le contrôle à cette dernière société.
4. En l'espèce, pour mettre fin au report d'imposition, prévu par les dispositions précitées du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, dont M. A... et Mme C... avaient bénéficié au titre de la plus-value réalisée par eux lors de l'apport de leurs titres de la SARL Toque et Maine à la SARL FFMS le 16 juillet 2013, l'administration a estimé, selon les termes de la proposition de rectification adressée le 31 octobre 2016 aux intéressés, que la SARL FFMS, qui avait cédé les titres qui lui ont été ainsi apportés à la SARL BR le 6 septembre 2013, n'avait pas réinvesti 50 % au moins du produit de cette cession dans le délai de deux ans à compter de cette date.
5. En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'administration n'a, en motivant ainsi la proposition de rectification, pas entendu leur opposer l'absence de formalisation de leur engagement de réinvestissement prévue par la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-RCM-10-20-20-40 n° 830 publiée le 2 juillet 2015, à laquelle la proposition de rectification ne fait pas référence.
6. En second lieu, il est constant que la SARL FFMS n'a procédé à l'acquisition d'un fonds de commerce aux fins d'exercer une activité de restauration au sein d'un nouvel établissement situé dans une galerie marchande à Angers que le 15 janvier 2016, soit postérieurement à l'expiration du délai de deux ans suivant la cession de ses titres à la SARL BR. Les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la signature le 21 avril 2015 d'une promesse de bail commercial en vue de l'acquisition d'un fonds de commerce situé dans le centre-ville d'Angers dès lors que le projet d'investissement ainsi formé ne peut être regardé comme ayant été réalisé au sens des dispositions précitées, l'établissement bancaire sollicité par les intéressés ayant refusé, le 21 juillet 2015, de leur accorder un prêt pour en assurer le financement. Ce refus de prêt ne saurait caractériser un cas de force majeure ayant empêché les requérants de respecter la condition tenant à un réinvestissement dans le délai de deux ans à compter de la cession litigieuse, une telle situation ne présentant un caractère ni imprévisible, ni irrésistible. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que M. A... et Mme C... ne remplissaient pas les conditions pour bénéficier du report d'imposition de la plus-value réalisée à raison de l'apport, à la SARL FFMS, des titres de la SARL Toque et Maine, et a réintégré la plus-value réalisée à l'occasion de cet apport dans leur revenu imposable au titre de l'année 2015.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a refusé de faire droit à leur demande. Par suite, leur requête, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme D... C... et au ministre de ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Geffray président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2023.
Le rapporteur
A. Penhoat
La présidente
I. Perrot
La greffière
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 22NT016432