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07/07/2023 | FRANCE | N°22NT01567

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 07 juillet 2023, 22NT01567


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Holding Jousselin a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 2003227 du 23 mars 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 mai 2022 et 11 avril 2023 la SAS Holding Joussel

in, représentée par Me Bézier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Holding Jousselin a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 2003227 du 23 mars 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 mai 2022 et 11 avril 2023 la SAS Holding Jousselin, représentée par Me Bézier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit qu'elle a déduit de son résultat, sur le fondement des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, la provision pour dépréciation de créances, d'un montant de 550 000 euros ;

- la majoration pour manquement délibéré n'est pas justifiée.

Par des mémoires en défense enregistrés les 24 novembre 2022 et 19 avril 2023,

le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Holding Jousselin ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Holding Jousselin est la société mère d'un groupe fiscalement intégré, comprenant notamment la SAS Jousselin Immobilier. Cette dernière société, qui exerce une activité de location de terrains et d'autres biens immobiliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, au titre de la période du 1er avril 2011 au 31 mars 2015, à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause la déduction d'une provision pour dépréciation de 550 000 euros. Cette rectification a été notifiée à la SAS Jousselin Immobilier, le 15 décembre 2016, selon la procédure contradictoire. La société a présenté des observations auxquelles l'administration a répondu en maintenant la rectification. Le supérieur hiérarchique du vérificateur puis la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ont confirmé la rectification. Le 8 juillet 2019, la SAS Holding Jousselin a été informée des conséquences financières de la rectification en matière d'impôt sur les sociétés. Après la mise en recouvrement de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés, la SAS Holding Jousselin a formé une réclamation qui a été rejetée le 23 juin 2020. Elle a contesté devant le tribunal administratif de Rennes le bien-fondé des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés en faisant valoir que la provision en cause était fondée et déductible. Par un jugement du 23 mars 2022, le tribunal a rejeté sa demande. La SAS Holding Jousselin fait appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net (...). / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ". Aux termes de l'article 39 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent, en outre, comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'enfin, elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

4. Il résulte de l'instruction que la SAS Jousselin Immobilier a comptabilisé une provision pour dépréciation de valeurs mobilières d'une somme de 550 000 euros au titre de l'exercice clos le 31 mars 2013, afin de tenir compte de sa difficulté à récupérer le solde d'un placement financier effectué par elle auprès d'un établissement bancaire suisse et qui aurait, selon elle et au regard d'un litige né en mars 2010, fait l'objet de ce qu'elle qualifie d'un détournement de fonds. Toutefois, les jugements du tribunal judiciaire d'Angers des 15 février 2016 et 22 décembre 2020 et l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 18 septembre 2018 ne retiennent pas la qualification de détournement de fonds ou de faux en écriture mais, au contraire, précisent que la SAS Holding Jousselin a adressé à l'établissement bancaire suisse en cause, les 18 et 19 juillet 2005, des ordres de virement d'une somme de 600 000 euros au profit de la société 2IFC, laquelle a ensuite versé les fonds à la société civile immobilière (SCI) Anastasia, en vue d'acquérir un manoir. Si l'arrêt de la cour d'appel d'Angers du 18 septembre 2018 et le jugement du tribunal judiciaire d'Angers du 22 décembre 2020 ont ordonné le remboursement, par les associés de la SCI Anastasia, placée en liquidation judiciaire le 1er août 2017, de la somme de 600 000 euros à la SAS Jousselin Immobilier, ce n'est qu'en application de la théorie de l'enrichissement sans cause. Ainsi, faute de tout autre élément probant, il n'est pas établi que le retrait de 600 000 euros du compte de la SAS Jousselin Immobilier effectué en juillet 2005 en faveur de la société 2IFC n'avait pas été validé par l'intéressée. Il est constant par ailleurs qu'aucun actif, titre de société ou créance envers une société tierce n'avait été enregistré à l'actif du bilan de la SAS Jousselin Immobilier en contrepartie de ce virement. Par conséquent, c'est à bon droit que l'administration a estimé que ce virement était intervenu dans des conditions étrangères à une gestion commerciale normale. En outre, la requérante n'apporte aucun élément accréditant l'existence de difficultés financières de la SCI Anastasia de nature à compromettre le recouvrement de la créance à la date des exercices en cause. Dans ces conditions, la somme de 550 000 euros ne pouvait pas faire l'objet d'une provision déductible au sens des dispositions rappelées au point 2.

Sur la majoration de 40% pour manquement délibéré :

5. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

6. Pour justifier l'application des pénalités prévues au a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration fiscale soutient que la SAS Jousselin Immobilier avait procédé à une minoration de son résultat imposable en constituant et en maintenant au bilan une provision dont elle n'a pas été en mesure de justifier le bien-fondé, que la SAS Jousselin Immobilier a donné son accord exprès au virement de fonds litigieux et qu'il n'y a donc jamais eu de détournement de fonds et qu'ainsi, en constituant et en maintenant une provision d'un montant conséquent dont elle ne pouvait ignorer qu'elle n'était pas déductible fiscalement, elle a sciemment minoré son résultat fiscal. Par les éléments précités, l'administration fiscale établit le caractère délibéré du manquement et par suite le bien-fondé de la pénalité infligée à la SAS Jousselin Immobilier. Par suite, il n'y a pas lieu d'accorder à cette dernière la décharge de la majoration pour manquement délibéré.

7. Il résulte de ce qui précède que la SAS Holding Jousselin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa demande relative aux frais liés au litige doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Holding Jousselin est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Holding Jousselin et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2023.

La rapporteure

P. PicquetLa présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22NT01567

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01567
Date de la décision : 07/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CABINET ORATIO

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-07-07;22nt01567 ?
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