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07/07/2023 | FRANCE | N°22NT01355

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 07 juillet 2023, 22NT01355


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 juin 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays d'origine comme pays de destination vers lequel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 2107519 du 25 octobre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 mai 2022 Mme B..., repré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 4 juin 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays d'origine comme pays de destination vers lequel elle pourra être reconduite d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 2107519 du 25 octobre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 mai 2022 Mme B..., représentée par

Me Papineau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 juin 2021 du préfet de Maine-et-Loire;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il n'a pas été répondu au moyen tiré de la violation du droit d'être entendue avant l'intervention de l'arrêté contesté ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et a été prise sans un examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît son droit d'être entendue et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination a été prise sans un examen particulier de sa situation personnelle, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 mai 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Geffray,

- et les observations de Me Papineau, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. La demande d'asile de Mme B..., de nationalité géorgienne, née le 15 octobre 1993, ayant été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 août 2018 puis par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 22 avril 2021, le préfet de Maine-et-Loire l'a obligée, par un arrêté du 4 juin 2021, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a fixé le pays de destination. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 25 octobre 2021, dont Mme B... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme B... n'a, contrairement à ce qu'elle soutient, pas invoqué en première instance le moyen tiré de la violation du droit d'être entendue avant l'intervention de l'arrêté contesté. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier en ce qu'il n'a pas examiné ce moyen.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, l'arrêté contesté, qui vise l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il est fait application, a rappelé les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile rejetant sa demande d'asile et mentionné les éléments de la vie privée et familiale de Mme B... et de ses parents en France. Il n'était pas nécessaire pour le préfet de Maine-et-Loire, contrairement à ce que soutient la requérante, de motiver davantage son arrêté en faisant référence à son frère vivant en France en tant que demandeur d'asile, à son état de grossesse à la date de l'arrêté contesté, entraînant l'impossibilité pour elle de voyager et à la circonstance qu'elle vit avec un ressortissant tunisien en France alors que l'arrêté précise qu'elle est célibataire. Dès lors, la motivation en fait et en droit de la décision portant obligation de quitter le territoire français est suffisante. Si Mme B... soutient que le préfet, en précisant qu'elle ne résiderait pas dans le même département que celui de ses parents, aurait commis une erreur, cette circonstance est sans influence sur cette motivation.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de la motivation de l'arrêté contesté que le préfet de Maine-et-Loire a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme B... avant de prendre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

5. En troisième lieu, lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation pour l'administration d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de demander un entretien pour faire valoir ses observations orales. Lorsqu'il demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, y compris au titre de l'asile, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche qui vise à ce qu'il soit autorisé à se maintenir en France et ne puisse donc pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement forcé, ne saurait ignorer qu'en cas de refus il sera en revanche susceptible de faire l'objet d'une telle décision. En principe, il se trouve ainsi en mesure de présenter à l'administration, à tout moment de la procédure, des observations et éléments de nature à faire obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement. Enfin, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative aurait pu, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... aurait demandé un entretien avec les services préfectoraux ni qu'elle aurait été empêchée de s'exprimer avant que ne soit prise la décision l'obligeant à quitter le territoire français. Mme B... n'établit pas avoir informé le préfet de Maine-et-Loire de l'existence de problèmes de santé rencontrés au cours de sa grossesse. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que Mme B... a été privée du droit d'être entendue, résultant du principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, doit être écarté.

7. Mme B... fait valoir qu'elle est entrée en France le 6 octobre 2017, que ses parents, qui rencontrent des problèmes de santé, résident en France, qu'elle vit en France depuis 2018 avec un ressortissant tunisien, avec lequel elle a eu un enfant, né le 19 août 2021 sur le territoire français, et qu'elle était donc enceinte à la date de l'arrêté contesté. Toutefois, ces circonstances ne permettent pas de considérer que la décision portant obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée le 4 juin 2021 a méconnu sa situation familiale dès lors que son entrée en France est récente, que ses parents présentent une situation incertaine en France dans la mesure où leurs demandes de réexamen de leurs demandes d'asile ont été rejetées et qu'ils ont fait l'objet d'obligations de quitter le territoire français, et que l'ancienneté et la stabilité de sa relation avec son compagnon ne sont pas établies à la date de l'arrêté contesté. La naissance en France de l'enfant issu de cette relation, soit postérieurement à cette date, est inopérante à cet égard. En outre, l'obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise dès lors que rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue dans le pays d'origine de la requérante. Il en résulte que le préfet de Maine-et-Loire n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante.

8. Enfin, les problèmes de santé de l'enfant de Mme B..., né le 19 août 2021, qui sont postérieurs à la décision contestée, sont sans incidence sur sa légalité de celle-ci. Compte tenu des motifs exposés au point 7, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

9. Il ne résulte pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme B... avant de prendre sa décision fixant le pays de destination, ni que celle-ci soit entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences sur une telle situation.

10. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

11. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2023.

Le rapporteur

J.E. GeffrayLa présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01355


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01355
Date de la décision : 07/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Jean-Eric GEFFRAY
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : PAPINEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-07-07;22nt01355 ?
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