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07/07/2023 | FRANCE | N°21NT02540

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 07 juillet 2023, 21NT02540


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive ", M. B... A... et Mme E... G..., ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté no PC 061 505 20 B0004 du 14 août 2020 par lequel la préfète de l'Orne a délivré à la société Orbello Granulats Normandie un permis de construire des bâtiments liés au traitement de matériaux de carrière sur la commune de Villedieu-lès-Bailleul.

Par un jugement no 2001805 du

9 juillet 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive ", M. B... A... et Mme E... G..., ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté no PC 061 505 20 B0004 du 14 août 2020 par lequel la préfète de l'Orne a délivré à la société Orbello Granulats Normandie un permis de construire des bâtiments liés au traitement de matériaux de carrière sur la commune de Villedieu-lès-Bailleul.

Par un jugement no 2001805 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 septembre 2021, 12 juillet 2022, 22 juillet 2022, 13 septembre 2022, 3 octobre 2022, et un mémoire récapitulatif, produit en application du deuxième alinéa de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 6 octobre 2022, et un mémoire enregistré le 9 juin 2023 et non communiqué, l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive ", M. B... A... et Mme E... G..., représentés par la SELARL Atmos Avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 août 2020 par lequel la préfète de l'Orne a délivré à la société Orbello Granulats Normandie un permis de construire des bâtiments liés au traitement de matériaux de carrière sur la commune de Villedieu-lès-Bailleul ;

3°) de mettre à la charge de l'État et de la société Baglione une somme de 5 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur requête est recevable ;

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il a insuffisamment répondu voire omis de répondre à plusieurs moyens soulevés en première instance ;

- le permis de construire contesté est illégal dès lors qu'aucune étude d'impact suffisante n'était jointe au dossier de permis de construire ;

- le dossier de demande de permis de construire comportait de multiples informations erronées, en méconnaissance des articles R. 431-5, R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme ;

- ce dossier était incomplet ;

- le permis de construire litigieux aurait dû faire l'objet d'un permis unique délivré conjointement par les maires de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive dès lors qu'ils portent tous deux sur un ensemble immobilier unique ;

- il méconnaît les dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme ;

- il a été obtenu par des manœuvres frauduleuses ;

- il porte atteinte aux chemins ruraux de la commune, en méconnaissance des articles D. 161-14 et D. 161-16 du code rural et de la pêche maritime ;

- il méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- il méconnaît les articles L. 111-3 et R. 111-14 du code de l'urbanisme ;

- il méconnaît les dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme ;

- aucune dérogation à l'interdiction de porter atteinte à des espèces protégées n'a été délivrée à la société pétitionnaire.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 avril, 25 août, 22 septembre et 7 octobre 2022, un mémoire en défense récapitulatif, produit en application du deuxième alinéa de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 28 octobre 2022, et un mémoire enregistré le 5 juin 2023, la société Baglione, venant aux droits de la société Orbello Granulats Normandie, représentée par la SELAS Fidal, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire des requérants une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable en tant qu'elle émane de l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive ", son président n'ayant pas qualité pour interjeter appel au nom de l'association ;

- la demande de première instance était irrecevable, M. A... et Mme G... étant dépourvus d'intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;

- les moyens tirés des prétendues manœuvres frauduleuses et de la méconnaissance des articles D. 161-14 et D. 161-16 du code rural et de la pêche maritime sont irrecevables dès lors qu'ils ont été soulevés plus de deux mois après la communication aux requérants du premier mémoire en défense ;

- à titre subsidiaire, les vices allégués sont susceptibles d'être régularisés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 septembre 2022 et 12 mai 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée, pour observation, à la commune de Villedieu-les-Bailleul.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bréchot,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- les observations de Me Lemaire, substituant Me Maitre et Me Braud, représentant l'association de protection de l'environnement et du patrimoine I... les Bailleuls et autres, et les observations de Me Rebillard, représentant la SAS Baglione.

Considérant ce qui suit :

1. Depuis 1966, une carrière de grès armoricain à ciel ouvert est exploitée sur le territoire de la commune de Tournai-sur-Dives au lieu-dit " La Garenne I... ". Par un arrêté du 4 avril 2018, la préfète de l'Orne a autorisé la société Orbello Granulats Normandie, pour une durée de trente ans, à étendre la superficie de cette carrière de 9,6 ha à 58,4 ha, dont 14 ha sur un gisement de calcaire, à approfondir de quinze mètres les extractions sur le gisement de grès, à remplacer les installations de traitement des matériaux et à porter la production maximale annuelle de 250 000 à 500 000 tonnes. Une partie de cette extension de la carrière se situe sur le territoire de la commune de Villedieu-lès-Bailleul. Les recours formés contre cet arrêté du 4 avril 2018 par l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive " et autres, d'une part, et par l'association Tournai-Villedieu-Environnement et autres, d'autre part, ont été rejetés par deux arrêts du 18 janvier 2022 de la cour administrative d'appel de Nantes portant respectivement les numéros 19NT04961 et 20NT00288. Le 16 mars 2020, la société Orbello Granulats Normandie a déposé en mairie de Tournai-sur-Dive un dossier, enregistré sous le no PC 061 490 20 B0002, de demande de permis de construire, dans le nouveau périmètre de la carrière, un bâtiment à usage de bureaux, un bâtiment à usage de stationnement de véhicules, atelier et vestiaires, et six bâtiments destinés au traitement de matériaux de carrière, situés sur les communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive. Le 17 mars 2020, la société Orbello Granulats Normandie a déposé en mairie de Villedieu-lès-Bailleul le même dossier de demande de permis de construire, enregistré sous le no PC 061 505 20 B0004. Par deux arrêtés du 14 août 2020, la préfète de l'Orne a délivré à la société Orbello Granulats Normandie, devenue la société Baglione, les permis de construire sollicités. L'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive ", M. A... et Mme G... relèvent appel du jugement du 9 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande d'annulation de l'arrêté no PC 061 505 20 B0004 du 14 août 2020 de la préfète de l'Orne autorisant les constructions prévues sur le territoire de la commune de Villedieu-lès-Bailleul.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Caen a expressément répondu, et de façon suffisamment motivée, aux moyens contenus dans les mémoires produits par les requérants. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de ce que le permis de construire contesté aurait dû faire l'objet d'un permis de construire unique avec les constructions prévues sur le territoire de la commune de Tournai-sur-Dive. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ce jugement serait entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen tiré de la nécessité d'un permis de construire unique :

3. Aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. / (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que le permis de construire a pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'il autorise avec la législation et la réglementation d'urbanisme. Il s'ensuit, d'une part, que si une construction constituée de plusieurs éléments formant, en raison des liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique, doit en principe faire l'objet d'un seul permis de construire, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que, lorsque l'ampleur et la complexité du projet le justifient, notamment en cas d'intervention de plusieurs maîtres d'ouvrage, les éléments de la construction ayant une vocation fonctionnelle autonome puissent faire l'objet de permis distincts, sous réserve que l'autorité administrative ait vérifié, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l'ensemble des permis délivrés. Il s'ensuit, d'autre part, que lorsque deux constructions sont distinctes, la seule circonstance que l'une ne pourrait fonctionner ou être exploitée sans l'autre, au regard de considérations d'ordre technique ou économique et non au regard des règles d'urbanisme, ne suffit pas à caractériser un ensemble immobilier unique.

5. Par ailleurs, une construction constituée d'un ensemble immobilier unique implanté sur le territoire de deux communes doit, en principe, faire l'objet d'un seul permis de construire, délivré conjointement par les deux maires compétents ou le cas échéant, en l'absence de document d'urbanisme, par la préfète.

6. Il ressort des pièces du dossier que la société Orbello Granulats Normandie a déposé en mairie de Tournai-sur-Dive et en mairie de Villedieu-lès-Bailleul deux dossiers de permis de construire portant sur la construction, sur le territoire de la commune de Villedieu-lès-Bailleul, d'un bâtiment à usage de bureaux, d'un bâtiment à usage de stationnement de véhicules, atelier et vestiaires, et de deux bâtiments (dénommés R17 et R18-19) destinés au traitement de matériaux de carrière, ainsi que, sur le territoire de la commune de Tournai-sur-Dive, de quatre autres bâtiments (dénommés R6, R11-12, R13 et R14-15-16) destinés au traitement de matériaux de carrière. La double circonstance que ces bâtiments distincts, édifiés par le même maître d'ouvrage, se rattachent à l'exploitation d'une même carrière et que les six bâtiments destinés au traitement de matériaux de carrière accueilleront les étapes successives d'une chaîne de traitement des matériaux extraits de la carrière, en étant le cas échéant reliés entre eux par un dispositif de convoyage des matériaux, ne suffit pas à caractériser un ensemble immobilier unique, dès lors que chacun des six bâtiments destinés au traitement des matériaux ne pourra fonctionner ou être exploités sans les autres au regard de considérations d'ordre technique ou économique mais non au regard des règles d'urbanisme. Il en va de même de la circonstance que l'ensemble de ces constructions bénéficieront, pour les besoins de la lutte contre l'incendie, d'un unique bassin d'eau claire ainsi que des installations et équipements nécessaires à la lutte contre l'incendie. Dès lors, le moyen tiré de ce que les constructions prévues sur le territoire des communes de Tournai-sur-Dive et de Villedieu-lès-Bailleul auraient dû faire l'objet d'un seul permis de construire doit être écarté.

En ce qui concerne les moyens relatifs à la composition du dossier de demande de permis de construire :

7. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

8. En premier lieu, en vertu de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, le permis de construire a pour objet de vérifier que les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords. Aux termes de l'article R. 431-16 de ce code, dans sa version applicable au litige : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) L'étude d'impact ou la décision de l'autorité environnementale dispensant le projet d'évaluation environnementale lorsque le projet relève du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement. (...). "

9. Il ressort des pièces du dossier qu'en vertu du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement, le projet d'extension, supérieur à 25 ha, de la carrière exploitée par la société Orbello Granulats Normandie, autorisé par un arrêté du 4 avril 2018 de la préfète de l'Orne, était soumis à évaluation environnementale, contrairement aux constructions autorisées par le permis de construire litigieux. Il est constant que l'étude d'impact réalisée pour l'instruction de l'autorisation environnementale de l'extension de la carrière était jointe au dossier de permis de construire litigieux. S'il est vrai que, dans son arrêt no 19NT04961 du 8 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a jugé que l'autorisation environnementale délivrée par l'arrêté de la préfète de l'Orne du 4 avril 2018 était entachée d'un vice tenant à l'insuffisance de l'étude d'impact s'agissant des effets susceptibles d'être portés par le projet de renouvellement et d'extension de carrière à la commanderie de l'ordre des chevaliers de Malte, au manoir des templiers et à l'église Saint-Jean Baptiste de Villedieu-lès-Bailleul, en méconnaissance du 4° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, il n'en résulte pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, que l'insuffisance de l'étude d'impact sur ce point précis serait assimilable à une absence d'étude d'impact. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette insuffisance de l'étude d'impact a été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet de construction à la réglementation applicable.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme : " La demande de permis de construire précise : / (...) / c) La localisation et la superficie du ou des terrains ; / d) La nature des travaux ; / (...). "

11. Si le formulaire de demande de permis de construire précise, par erreur, que trois des six bâtiments techniques destinés à " l'environnement du matériel technique pour isolation phonique et insertion paysagère " seront implantés sur le territoire la commune de Tournai-sur-Dive, il ressort tant de la notice architecturale que du plan de masse que quatre de ces six bâtiments, incluant le bâtiment R6, seront implantés à Tournai-sur-Dive. Ainsi, l'inexactitude du formulaire de demande de permis de construire n'a pas été de nature à vicier l'appréciation portée, sur la conformité du projet à la réglementation applicable, par le service instructeur, lequel a au demeurant instruit simultanément la demande de permis de construire concernant les bâtiments prévus à Tournai-sur-Dive et celui concernant les bâtiments prévus à Villedieu-les-Bailleuls. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme doit être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural définit, par des plans et documents écrits, l'implantation des bâtiments, leur composition, leur organisation et l'expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs. / Il précise, par des documents graphiques ou photographiques, l'insertion dans l'environnement et l'impact visuel des bâtiments ainsi que le traitement de leurs accès et de leurs abords. " Aux termes de l'article R. 431-7 du même code : " Sont joints à la demande de permis de construire : / a) Un plan permettant de connaître la situation du terrain à l'intérieur de la commune ; / b) Le projet architectural défini par l'article L. 431-2 et comprenant les pièces mentionnées aux articles R. 431-8 à R. 431-12. " L'article R. 431-8 du même code dispose que : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; / d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; / e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; / f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. ". L'article R. 431-9 du même code dispose que : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / (...) " L'article R. 431-10 du même code dispose que : " Le projet architectural comprend également : / (...) / b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. "

13. D'une part, le dossier de demande de permis de construire comprenait un plan en coupe précisant l'implantation de chaque construction par rapport au profil du terrain ainsi qu'un plan de masse faisant apparaître les " cotes GNT finie ". Si les requérants soutiennent que ces plans font apparaître l'état du terrain postérieurement à son affouillement et à son terrassement exécutés par la société Orbello Granulats Normandie en juillet 2019, et non l'état initial de ce terrain, il ressort des pièces du dossier que les travaux d'aplanissement et d'aménagement du terrain ont été réalisés par la société pétitionnaire non pour les besoins des constructions litigieuses, mais dans le cadre de l'autorisation environnementale qui lui a été accordée le 4 avril 2018 par la préfète de l'Orne, qui l'autorisait notamment à effectuer des décapages sur les terrains d'emprise de la carrière ainsi qu'à réaliser des remblais. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier, notamment de la comparaison d'un extrait du plan topographique réalisé en 2015 par un géomètre expert avec le plan de masse comprenant les " cotes GNT finie ", que les travaux d'aménagement et de terrassement n'ont pas modifié l'altimétrie du terrain au droit des trois bâtiments projetés sur le territoire de Villedieu-les-Bailleul.

14. D'autre part, s'il est vrai que la notice architecturale du projet ne comportait pas de précisions sur l'état initial du terrain d'assiette du projet, celui-ci, correspondant à un terrain décapé et aplani, ressortait des photographies du dossier. De même, si la notice était silencieuse sur l'accès au terrain d'assiette du projet, cette carence a été palliée par le plan de masse, qui fait figurer les entrées du projet, ainsi que par la production d'un plan faisant état du tracé envisagé de la future desserte.

15. Quant aux abords du terrain, la notice architecturale du projet indique que " le cadre est principalement composé de bocage, avec de nombreuses haies qui limiteront la visibilité de la carrière depuis l'extérieur du site. Autour du site se trouvent des exploitations agricoles avec des bâtiments bardés en bois et en tôles ainsi que les bâtiments de la carrière de la Garenne I..., bardés de bois ". La notice architecturale apporte des précisions sur l'insertion du projet dans l'environnement, notamment par le choix des matériaux utilisés, et précise que l'espace boisé au nord sera conservé, limitant la visibilité des bâtiments projetés depuis la route. Le dossier de demande comportait également deux photomontages relatifs à l'insertion des bâtiments projetés dans leur environnement proche ainsi que des photographies de l'environnement du projet, essentiellement composé de champs agricoles. S'il est vrai que cette notice n'évoque pas, au titre des abords du projet, l'existence de l'église Saint-Jean Baptiste de Villedieu-lès-Bailleul, du manoir de la commanderie de l'ordre des chevaliers de Malte et du manoir des templiers, situés à un peu plus de 400 mètres du bâtiment projeté le plus proche et dont aucun ne bénéficie d'une protection au titre des monuments historiques, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des photographies versées par la société pétitionnaire ainsi que par les requérants, dont certaines ne correspondent pas à la vue réelle depuis l'œil humain, que cette lacune a, en l'espèce, été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

16. Par suite, le moyen tiré du caractère incomplet du projet architectural du dossier de permis de construire doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme :

17. Aux termes de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. / Il peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. "

18. D'une part, le permis de construire, qui est délivré sous réserve des droits des tiers, a pour seul objet d'assurer la conformité des travaux qu'il autorise avec la réglementation d'urbanisme. Dès lors, l'autorité compétente et, en cas de recours, le juge administratif doivent, pour l'application des règles d'urbanisme relatives à la desserte et à l'accès du terrain, s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle par une voie ouverte à la circulation publique et, le cas échéant, de l'existence d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie. Il ne leur appartient pas de vérifier la légalité des actes ayant permis la réalisation de cette desserte ou la validité de la servitude consentie. En revanche, dans les cas particuliers où, pour accorder l'autorisation de construire, l'administration se fonde sur la circonstance que, en raison de travaux en cours ou futurs, la desserte du terrain répondra à brève échéance et de manière certaine aux exigences légales, les motifs de légalité susceptibles de faire obstacle à la réalisation de ces travaux peuvent être utilement invoqués devant le juge de l'excès de pouvoir, au soutien de conclusions dirigées contre la décision d'autorisation.

19. D'autre part, lorsque la desserte ou les accès à un projet de construction présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant cette desserte ou ces accès, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.

20. Il ressort des pièces du dossier que les terrains d'assiette du projet sont desservis par la route départementale no 717, reliant les bourgs de Villedieu-les-Bailleul et Tournai-sur-Dive, qu'empruntent l'ensemble des véhicules entrant et sortant de la carrière, à savoir 56 rotations par jour dont 25 rotations de poids-lourds pour une production de 250 000 tonnes par an, jusqu'à son extension autorisée par l'arrêté d'autorisation environnementale du 4 avril 2018. En revanche, cette desserte ne sera pas sans risque pour la sécurité publique du fait de l'augmentation importante, de 38 rotations supplémentaires, du trafic des poids-lourds engendrée par l'augmentation de la production de la carrière à 500 000 tonnes par an. En conséquence, les arrêtés du préfet de l'Orne des 4 avril 2018 et 18 juin 2018 ont subordonné l'augmentation de la production de la carrière à l'aménagement d'une voie d'accès par le sud à la nouvelle plateforme des installations depuis la route départementale no 916, ainsi qu'un tourne-à-gauche sur celle-ci qui a reçu l'accord du département de l'Orne. Cette nouvelle voie d'accès à double sens, permettant la desserte des terrains d'assiette du projet par la route départementale no 916 et que la société Orbello Granulats Normandie s'est engagée, par un document du 28 juillet 2020 versé au dossier de permis de construire, à réaliser " parallèlement au montage des installations de traitement des matériaux et la construction des bâtiments sur la plateforme ", empruntera les parcelles anciennement cadastrées section ZA nos 3 (pour partie), 13, 19, 21 (pour partie), 22 (pour partie) et 23 (pour partie), et désormais cadastrées sous les nos 62, 13, 19, 55, 57 et 60, sur le territoire de la commune de Villedieu-les-Bailleul, ainsi que la parcelle cadastrée section ZI no 17, sur le territoire de la commune de Bailleul. Cette voie d'accès croisera également trois chemins qu'elle traversera dans leur largeur, à savoir les deux chemins ruraux dits " F... à Trun " et " I... à Miguillaume ", ainsi qu'un chemin parfois dénommé " chemin H... ". Des travaux d'aménagement de ces chemins, portant sur le renforcement de la chaussée et sur la création de carrefours sécurisés, sont prévus par la société Orbello Granulats Normandie. À cet égard, il ressort d'une délibération du 22 juin 2017 que le conseil municipal de Villedieu-lès-Bailleul a autorisé la société Orbello Granulats Normandie à réaliser, à ses propres frais, ces travaux d'aménagement sur les chemins ruraux dits " F... à Trun " et " I... à Miguillaume ".

21. Les requérants soutiennent néanmoins que la société Orbello Granulats Normandie ne possède pas la maîtrise foncière du chemin dit " H... " et que celui-ci constitue un chemin rural, propriété privée de la commune de Villedieu-lès-Bailleul, dont le conseil municipal n'a pas autorisé l'aménagement pour permettre sa traversée quotidienne par de nombreux véhicules poids-lourds.

22. Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune ". Selon l'article L. 161-2 de ce code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. / La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée. " En vertu de l'article L. 161-3 du même code : " Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé ".

23. Aux termes de l'article L. 162-1 du même code : " Les chemins et sentiers d'exploitation sont ceux qui servent exclusivement à la communication entre divers fonds, ou à leur exploitation. Ils sont, en l'absence de titre, présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun en droit soi, mais l'usage en est commun à tous les intéressés. L'usage de ces chemins peut être interdit au public. "

24. Il ressort des pièces du dossier que le chemin dit " H... ", mentionné au cadastre en tant que " chemin d'exploitation ", constitue un chemin de terre qui, partant de l'extrémité d'une voie communale qui se prolonge par le chemin rural dit " I... à Miguillaume ", dessert uniquement des parcelles agricoles et se termine en impasse au milieu d'un champ. Aucune pièce versée au dossier ne permet de conclure que ce chemin serait utilisé comme voie de passage du public. Par ailleurs, M. D... C..., élu conseiller municipal de Villedieu-les-Bailleul de 1989 à 2020, premier adjoint au maire de 1995 à 2001 et maire de la commune de 2009 à 2020, certifie que ce chemin, qu'il qualifie de chemin d'exploitation, est " entretenu par les exploitants agricoles riverains " et que " la commune n'a jamais entretenu ce chemin ". Cette allégation n'est pas sérieusement contredite par les autres pièces versées au dossier, à savoir une attestation du 23 mars 2021 du gérant de l'entreprise d'élagage Guesdon indiquant que celle-ci " intervient à la demande de la municipalité de Villedieu-les-Bailleul depuis 2016 pour la réalisation de travaux d'entretien des chemins ruraux et des voies communales sur le territoire de la commune ", sans préciser les chemins en cause, et par une facture du 21 septembre 2020, postérieure au permis de construire contesté, de cette même entreprise ayant opportunément pour objet des " travaux effectués sur le chemin F... et le chemin H... en plus des travaux habituels ". De même, la seule circonstance que le chemin " H... " ait, comme le chemin dit " F... à Trun ", été qualifié de chemin rural par deux exploitants riverains de ces chemins, dont ils ont proposé d'acquérir la partie qui les borde, ainsi que par la commission intercommunale d'aménagement foncier de l'Orne dans ses délibérations des 13 mars et 30 septembre 2020 relatives à cette cession, à laquelle la commune de Villedieu-les-Bailleul s'est finalement opposée, ne permettent pas de regarder ce chemin comme un chemin rural. Enfin, il ressort des plans cadastraux datant de 1933 et 1959, versés au dossier par la commune de Villedieu-les-Bailleul à la suite d'une mesure d'instruction de la cour, que le chemin dit " H... " n'y est pas référencé comme un chemin rural, contrairement aux chemins ruraux dits " F... à Trun ", " I... à Miguillaume " et " de Rouen ". Il en va de même sur le plan minute établi par le géomètre remembreur en 1959, sur lequel le chemin dit " H... " est référencé comme un " chemin d'exploitation ". Ainsi, en l'état de l'instruction, ce chemin dit " H... " doit être regardé comme un chemin d'exploitation, présumé appartenir, pour sa partie concernée par le passage de la future voie d'accès au projet, à la société Orbello Granulats Normandie, devenue société Baglione, en tant que propriétaire riveraine des deux parcelles qui la borde.

25. Il résulte de ce qui précède que la préfète de l'Orne a pu se fonder sur la circonstance qu'en raison des travaux que la société Orbello Granulats Normandie s'est engagée à réaliser pour créer une nouvelle voie d'accès aux terrains d'assiette du projet, la desserte de ceux-ci répondra à brève échéance et de manière certaine aux exigences de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme.

26. Enfin, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de la délibération du 30 octobre 2020 et de l'arrêté municipal du 3 novembre 2020, encadrant l'usage des chemins ruraux, dès lors que ces actes sont postérieurs à l'édiction de l'arrêté de permis de construire contesté.

27. Dès lors, la préfète de l'Orne n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme en accordant le permis de construire contesté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :

28. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. "

29. Par un avis du 24 juin 2020, le syndicat départemental d'incendie et de secours de l'Orne a rendu un avis favorable au projet de permis de construire contesté sous réserve de la mise en œuvre de plusieurs prescriptions tenant à une distance maximale de 200 mètres entre le point le plus éloigné du bâtiment et le point d'eau incendie, à un débit du point d'eau incendie d'au minimum 30 mètres cubes par heure pendant 2 heures ou une capacité de 60 mètres cubes utilisable en tout temps et au respect par la chaussée des caractéristiques des voies utilisables par les engins d'incendie et de secours. Contrairement à ce que font valoir les requérants, l'article 3 de l'arrêté contesté prévoit qu'il devra être tenu compte des prescriptions du syndicat départemental d'incendie et de secours de l'Orne, lesquelles sont suffisamment précises et étaient jointes à l'arrêté contesté. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, que la voie d'accès à créer au sud du projet depuis la RD 916, destinée au passage à double-sens de véhicules poids-lourds, permettra aisément aux engins d'incendie et de secours d'accéder aux bâtiments autorisés par l'arrêté contesté, de même, au demeurant, que la route départementale no 717 qui dessert également le projet. Dans ces conditions, en accordant le permis de construire contesté, et compte tenu des prescriptions spéciales dont elle l'a assorti, la préfète de l'Orne n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 111-3 et R. 111-14 du code de l'urbanisme :

30. Aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune. " Aux termes de l'article L. 111-4 du même code : " Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : (...) / 3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes (...) ". Aux termes de l'article R. 111-14 du code de l'urbanisme : " En dehors des parties urbanisées des communes, le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature, par sa localisation ou sa destination : / (...) / 2° À compromettre les activités agricoles ou forestières, notamment en raison de la valeur agronomique des sols, des structures agricoles, de l'existence de terrains faisant l'objet d'une délimitation au titre d'une appellation d'origine contrôlée ou d'une indication géographique protégée ou comportant des équipements spéciaux importants, ainsi que de périmètres d'aménagements fonciers et hydrauliques ; / (...). "

31. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux consiste en la construction, d'une part, d'un bâtiment à usage de bureau et d'un bâtiment à usage de stationnement de véhicules, atelier et vestiaires, et, d'autre part, de six bâtiments destinés au traitement de matériaux d'une carrière. L'exploitation de cette dernière, sur une surface 11,8 ha anciennement à usage agricole, incluant le terrain d'assiette du projet, a été autorisée par un arrêté d'autorisation environnementale du préfet de l'Orne du 4 avril 2018. Si les requérants soutiennent que l'administration n'a pas pris en considération les impacts engendrés par le projet sur les terrains qui l'environnent, ils ne versent au dossier aucun élément de nature à établir que les activités agricoles exercées sur les terrains non compris dans le périmètre d'exploitation de la carrière pourraient être compromises par le projet litigieux. Dans ces conditions, et alors que les installations relatives à l'exploitation d'une carrière sont incompatibles avec le voisinage de zones habitées, la préfète de l'Orne n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 111-3 et R. 111-14 du code de l'urbanisme en accordant le permis de construire contesté.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme :

32. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

33. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou encore à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

34. Pour apprécier aussi bien la qualité du site que l'impact de la construction projetée sur ce site, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la co-visibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d'autres législations.

35. Eu égard à la teneur de ces dispositions et à la marge d'appréciation qu'elles laissent à l'autorité administrative pour accorder un permis de construire, le juge de l'excès de pouvoir ne peut censurer une autorisation de construire que si l'appréciation portée par l'autorité administrative, au regard de ces dispositions, est entachée d'une erreur manifeste.

36. Il ressort des pièces du dossier, notamment des plans et des photographies produits, que le terrain d'assiette du projet se trouve immédiatement au sud de la carrière existante et prend place au sein d'un vaste espace naturel et agricole, qui ne présente pas d'intérêt particulier au sens des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et est pour partie destiné à être utilisé en tant que carrière de pierre. Les bâtiments projetés seront implantés au sud-est du bourg de Villedieu-lès-Bailleul, à une distance de plus de 400 mètres de l'église Saint-Jean Baptiste de Villedieu-lès-Bailleul et du manoir de la commanderie de l'ordre des chevaliers de Malte. Si les bâtiments projetés, de forme cubique, bardés de bois et d'une hauteur comprise entre 9,50 mètres et 12 mètres, contrasteront avec cette église et ce manoir du XIIème siècle, il ressort des pièces du dossier qu'ils seront distants et pas ou peu visibles depuis ces bâtiments et le bourg, en raison notamment des aménagements paysagers prévus par l'arrêté du 4 avril 2018 d'autorisation environnementale, incluant la constitution de merlons paysagers, la conservation et le renforcement de haies et la densification du verger situé au sud de la route départementale no 717. Dès lors, la préfète de l'Orne n'a pas entaché son arrêté d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme en accordant le permis de construire contesté.

En ce qui concerne les autres moyens :

37. En premier lieu, aux termes de l'article R. 600-5 du code de l'urbanisme : " Par dérogation à l'article R. 611-7-1 du code de justice administrative, et sans préjudice de l'application de l'article R. 613-1 du même code, lorsque la juridiction est saisie d'une requête relative à une décision d'occupation ou d'utilisation du sol régie par le présent code (...), les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s'effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article R. 611-3 du code de justice administrative. "

38. Les moyens tirés, d'une part, de ce que le permis de construire contesté aurait été obtenu à la suite de manœuvres frauduleuses en l'absence de titre habilitant le pétitionnaire à déposer la demande de permis, et, d'autre part, de ce que permis porte atteinte aux chemins ruraux de la commune de Villedieu-lès-Bailleul en méconnaissance des articles D. 161-14 et D. 161-16 du code rural et de la pêche maritime, ont été soulevés par l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive " et autres dans leur mémoire enregistré au greffe de la cour le 6 octobre 2022, plus de deux mois après la communication aux requérants, le 8 avril 2022, du premier mémoire en défense de la société Orbello Granulats Normandie, enregistré le 7 avril 2022. Ces moyens sont, par suite, irrecevables, ainsi que l'oppose en défense la société Baglione.

39. En second lieu, à supposer même que le projet de travaux litigieux comporte un risque suffisamment caractérisé pour l'œdicnème criard, dont deux individus adultes et un juvénile ont été observés en 2023 sur le terrain d'assiette du projet, justifiant que la société Baglione sollicite une dérogation " espèces protégées " en application du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, l'absence d'obtention de cette dérogation ne peut être utilement invoquée à l'encontre du permis de construire contesté.

40. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées à la requête d'appel et sur la recevabilité de la demande de première instance en tant qu'elle émane de M. A... et Mme G..., que l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive " et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

41. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État et de la société Baglione, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive " et autres demandent au titre des frais exposés par eux à l'occasion du litige soumis au juge.

42. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Baglione au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive " et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Baglione présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Protection de l'environnement et du patrimoine des communes de Villedieu-lès-Bailleul et Tournai-sur-Dive ", à M. B... A..., à Mme E... G..., à la société Baglione et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée pour information à la préfète de l'Orne.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2023.

Le rapporteur,

F.-X. BréchotLa présidente,

C. Buffet

La greffière,

A. Lemée

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT02540002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02540
Date de la décision : 07/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : SELARL ATMOS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-07-07;21nt02540 ?
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