Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le préfet de la Manche a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du 27 février 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Mont Saint-Michel-Normandie a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal du territoire d'Avranches-Mont-Saint-Michel.
Par un jugement n° 2001573 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Caen a annulé la délibération du 27 février 2020 portant approbation du plan local d'urbanisme intercommunal.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 août 2021 et 19 avril 2022, la communauté d'agglomération Mont Saint-Michel-Normandie, représentée par Me Agostini, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 10 juin 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par le préfet de la Manche devant le tribunal administratif de Caen ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2021, le préfet de la Manche conclut au rejet de la requête.
Par un arrêt avant dire droit du 22 juillet 2022, la cour, faisant application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, a sursis à statuer sur la requête de la communauté d'agglomération Mont Saint-Michel-Normandie jusqu'à l'expiration d'un délai de dix mois imparti à la communauté d'agglomération aux fins de régulariser, d'une part, les vices affectant, au regard de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, la délimitation de deux zones Uz, zones urbaines à dominante d'activités économiques, au sein des communes de Val-Saint-Pair et de Marcey-les-Grèves, la création d'un hameau nouveau intégré à l'environnement au lieu-dit La Caserne, situé à l'embouchure du Couesnon, et la création d'une zone Ne située dans la commune des Genets, dédiée au stationnement de véhicules, d'autre part, le vice tiré de l'insuffisance du règlement graphique du plan en ce que l'échelle des cartes ne permet pas une bonne lisibilité et ne fait pas apparaître le risque de submersion marine.
Par un mémoire, enregistré le 19 avril 2023, la communauté d'agglomération Mont Saint-Michel-Normandie, représentée par Me Agostini, conclut aux mêmes fins que la requête et soutient qu'elle a régularisé les vices retenus par la cour dans son arrêt avant dire droit et produit, à cet effet, la délibération du 6 avril 2023 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération a approuvé la modification des zonages en cause et a complété la présentation des cartes jointes au règlement graphique, après mise en œuvre des conditions d'information du public.
Par un courrier du 13 juin 2023, les parties ont été informées que la cour est susceptible, en application des dispositions de L. 600-9 du code de l'urbanisme, de prononcer un sursis à statuer, pour permettre à la communauté d'agglomération du Mont Saint-Michel-Normandie d'adopter une nouvelle délibération permettant de régulariser le vice entachant le classement en zone N du lieu-dit "La Caserne", en ce que le règlement applicable à cette zone permet dans ce secteur proche du rivage, d'une part, des constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières, autres que celles nécessaires aux cultures marines, en méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 121-8 et L. 121-10 du code de l'urbanisme et, d'autre part, des constructions pour abri d'animaux, non accolées aux constructions existantes, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-8 du même code.
Des observations en réponse à ce courrier ont été enregistrées le 15 juin 2023 pour la communauté d'agglomération Mont Saint-Michel-Normandie.
Des observations en réponse à ce courrier ont été enregistrées le 16 juin 2023 pour le préfet de la Manche.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Montes-Derouet,
- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,
- et les observations de Me Agostini pour la communauté d'agglomération du Mont Saint-Michel-Normandie.
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre (...) un plan local d'urbanisme (...), estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d'urbanisme reste applicable (...). /Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations (...) ".
2. Par un arrêt avant dire droit du 22 juillet 2022, la cour a considéré, d'une part, que la délimitation dans le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) approuvé par une délibération du 27 février 2020 de deux zones Uz, zones urbaines à dominante d'activités économiques, au sein des communes de Val-Saint-Pair et Marcey-les-Grèves, la création d'un hameau nouveau intégré à l'environnement au lieu-dit La Caserne, situé à l'embouchure du Couesnon et la création d'une zone Ne située dans la commune des Genets, dédiée au stationnement de véhicules sont incompatibles avec les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et, d'autre part, que les échelles des cartes annexées au PLUI ne permettent pas une bonne lisibilité et ne font pas apparaître le risque de submersion marine alors que les auteurs du PLUI ont institué, dans le règlement écrit, des prescriptions limitant la constructibilité dans les secteurs exposés à des phénomènes de submersion marine. La cour a également considéré qu'aucun autre moyen soulevé par la communauté d'agglomération n'apparaissait de nature à entraîner l'annulation de l'intégralité de la délibération du 27 février 2020. Enfin, elle a sursis à statuer sur la requête, en application de l'article L. 600-9 du code de l'urbanisme et a imparti au conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Mont Saint-Michel-Normandie un délai de dix mois à compter de la notification de cet arrêt, afin d'adopter une nouvelle délibération modifiant les zonages des secteurs concernés afin de les rendre compatibles avec l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et complétant les documents graphiques annexés au PLUI.
Sur la régularisation des vices relevés par l'arrêt avant dire droit du 22 juillet 2022 :
3. Par une délibération du 6 avril 2023, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Mont Saint-Michel-Normandie a approuvé, après consultation des communes, des tiers, de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers et des services de l'Etat et après mise en œuvre des conditions d'information du public prévues par un arrêté n° AR 2023-011 du président de la communauté d'agglomération, les modifications apportées aux zonages que la cour a, par son arrêt avant dire droit, jugés incompatibles avec l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme et aux documents graphiques annexés au PLUI.
4. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs (...) ".
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la délibération du 6 avril 2023 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération modifie le classement en zone Uz des zones d'activités existantes localisées sur le territoire des communes de Val-Saint-Pair et de Marcey-les-Grèves, jugé par la cour dans son arrêt avant dire droit comme n'étant pas compatible avec l'article L. 121-8 en ce que ces zones ne sont pas situées en continuité d'un village ou d'une agglomération existante et ne constituent pas, par elles-mêmes, un secteur urbanisé faute d'un nombre et d'une densité significatifs de constructions, en lui substituant un classement en secteur Nz sous la forme d'un secteur de taille et de capacité limitées (STECAL) au sens de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme, défini comme secteur " à dominante naturelle accueillant des activités économiques dans le cadre des dispositions spécifiques prévues par l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme ". Cette délibération modifie également les dispositions du règlement applicable à cette zone en n'autorisant, dans les communes soumises aux dispositions de la loi littoral, que les changements de destination et l'extension mesurée de moins de 30 % de la surface de plancher des constructions existantes à la date d'approbation du PLUI correspondant aux destinations " artisanat et commerces de détail, restauration, activités de services avec accueil de clientèle, hébergement hôtelier, industrie, entrepôt, bureaux et logements de fonction ". Ce classement en zone Nz où ne sont admis que les changements de destination et les extensions limitées des constructions existantes, lesquels ne peuvent être regardés comme une extension de l'urbanisation au sens des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, est compatible avec les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
6. En deuxième lieu, le classement, dans le PLUI approuvé par la délibération du 27 février 2020, du lieu-dit " La Caserne " en zone 2AUm en tant que hameau nouveau intégré à l'environnement au sens des dispositions de l'article L. 121-8 dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 qui a supprimé la référence à la notion de hameau, ayant été jugé illégal par la cour dans son arrêt avant dire droit aux motifs, d'une part, que le PLUI du territoire Avranches-Mont-Saint-Michel ne relevait pas des dispositions transitoires de la loi du 23 novembre 2018 et ne pouvait, dès lors, instituer des hameaux nouveaux intégrés à l'environnement et, d'autre part, que ce lieu-dit ne constituait pas une extension de l'urbanisation en continuité avec une agglomération ou un village existant, a été modifié par la délibération du 26 avril 2023, qui lui substitue un classement en zone N. Il ressort également des derniers éléments produits par la communauté d'agglomération que le lieu-dit " La Caserne " est classé en zone d'aléas très forts au regard du risque de submersion marine, où les constructions nouvelles sont interdites et où les seules extensions autorisées concernent " les travaux participant à une réduction de vulnérabilité (par création d'un espace-refuge à surface limitée) ". Dans ces conditions, le classement en zone N du lieu-dit " La Caserne " est compatible avec les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
7. En troisième lieu, le classement, par le PLUI approuvé par la délibération du 27 février 2020, du lieu-dit " Le Bec d'Andaine " sur le territoire de la commune de Genêts, dédié au stationnement des véhicules pour les départs de traversées de la baie du Mont Saint-Michel, en zone Ne dans lequel sont autorisées les constructions et installations liées ou nécessaires à des équipements d'intérêt collectif ou services publics, ayant été jugé illégal par la cour dans son arrêt avant dire droit aux motifs qu'il ne résulte pas de la rédaction de l'article N 4 du règlement qu'y seraient autorisées les seules extensions à l'exclusion des constructions nouvelles et que la zone Ne de la commune de Genêts n'est pas située en continuité d'un secteur urbanisé, est modifié par la délibération du 26 avril 2023, qui lui substitue un classement en zone Nr. Il ressort des pièces du dossier, notamment du règlement écrit, que cette zone Nr est définie comme un secteur à dominante naturelle délimitant les espaces naturels remarquables terrestres où ne sont autorisées que les aménagements prévus par l'article L. 121-24, et non L. 121-4 comme mentionné dans le règlement, dans les conditions prévues par les articles R. 121-5 et suivants du code de l'urbanisme, dont les aires de stationnement sous réserve qu'elles " soient indispensables à la maîtrise de la fréquentation automobile et à la prévention de la dégradation de ces espaces par la résorption du stationnement irrégulier, sans qu'il en résulte un accroissement des capacités effectives de stationnement " et que ces aires " ne soient ni cimentées ni bitumées et qu'aucune autre implantation ne soit possible ". Ce nouveau classement du lieu-dit " Le Bec d'Andaine " dans la zone Nr où les conditions d'occupation sont limitées et définies avec précision est compatible avec les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
8. Enfin, par son arrêt avant dire droit, la cour a jugé que l'absence d'illustrations dans le règlement graphique de la cartographie des risques liés à la chute de blocs, à la présence de cavités, à des remontées de nappe phréatique et à des phénomènes de submersion marine, alors que le règlement écrit prévoit des prescriptions limitant la constructibilité dans les secteurs exposés à ces risques, est de nature à méconnaître l'article R. 151-14 du code de l'urbanisme disposant que : " Le ou les documents graphiques font apparaître les limites des zones, secteurs, périmètres, espaces que le plan local d'urbanisme identifie en application de la présente section ". Il ressort des pièces du dossier que le PLUI modifié par la délibération du 26 avril 2023 a été complété par l'ajout de cartes représentant, sur l'ensemble du territoire couvert par la document d'urbanisme, à une échelle lisible, l'ensemble des risques auxquels le territoire est exposé, notamment les risques d'inondation par débordement de cours d'eau, les risques de submersion marine, les risques liés à la présence de cavités souterraines, les risques d'inondation par remontée de nappe phréatique et les risques de mouvements de terrain liés à la chute de blocs, lesquels ont également été représentés dans de nouvelles cartes établies à l'échelle 1/400 000ème jointes au règlement graphique du PLUI.
9. Il résulte des points 5 à 8 que la délibération du 26 avril 2023 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération approuvant la modification des zonages en cause et complétant la présentation des cartes jointes au règlement graphique a régularisé les vices de légalité entachant la délibération du 17 février 2020. La communauté d'agglomération Mont Saint-Michel-Normandie est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé la délibération du 17 février 2020 approuvant le plan local d'urbanisme intercommunal du territoire d'Avranches-Mont Saint-Michel.
Sur les frais liés au litige :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la communauté d'agglomération Mont Saint-Michel Normandie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 10 juin 2021 du tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : La demande présentée par le préfet de la Manche devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la communauté d'agglomération Mont Saint-Michel-Normandie tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération Mont Saint-Michel- Normandie et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Manche.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Bréchot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2023.
La rapporteure,
I. MONTES-DEROUET
La présidente,
C. BUFFET
La greffière,
Aline LEMEE
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21NT02275002