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23/06/2023 | FRANCE | N°21NT03592

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 23 juin 2023, 21NT03592


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 décembre 2021, 8 juillet 2022, 31 août 2022 et 8 décembre 2022, la SCI Mons Mirabilis, l'association Vent du Perche, M. O... L..., Mme J... F..., M. H... C..., M. G... K..., M. D... B..., M. A... P..., Mme N... M... et M. E... I..., représentés par Me de Kersauson et Me Chevalier, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 6 août 2021 par lequel le préfet de la Sarthe a délivré à la société Ferme éolienne Huisne et Braye une autorisation environnementale pour la construction et

l'exploitation d'un parc éolien de quatre aérogénérateurs et d'un poste de livr...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 15 décembre 2021, 8 juillet 2022, 31 août 2022 et 8 décembre 2022, la SCI Mons Mirabilis, l'association Vent du Perche, M. O... L..., Mme J... F..., M. H... C..., M. G... K..., M. D... B..., M. A... P..., Mme N... M... et M. E... I..., représentés par Me de Kersauson et Me Chevalier, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 6 août 2021 par lequel le préfet de la Sarthe a délivré à la société Ferme éolienne Huisne et Braye une autorisation environnementale pour la construction et l'exploitation d'un parc éolien de quatre aérogénérateurs et d'un poste de livraison sur le territoire des communes de Cormes et de Cherré-Au, les décisions des 30 novembre 2021 par lesquelles le préfet de la Sarthe a expressément rejeté les recours gracieux de MM. L..., C..., K... et B... formés contre cet arrêté ainsi que les décisions implicites de rejet des recours gracieux formés par l'association Vents du Perche, Mme F..., M. P... et M. I... ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à chacun d'eux, de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- ils justifient d'un intérêt à agir ;

- l'étude chiroptérologique est insuffisante en l'absence d'écoutes en altitude et dans la recherche de gîtes ;

- l'étude sur l'avifaune est insuffisante au regard de l'activité migratoire significative présente sur le site et du risque de collision ;

- l'étude paysagère est lacunaire, voire trompeuse dans la représentation des conditions d'insertion du projet dans le paysage ;

- certaines zones d'impacts, situées dans le périmètre immédiat du projet éolien, n'ont fait l'objet d'aucune analyse dans le dossier soumis à enquête publique ;

- ces insuffisances ont été de nature à nuire à l'information du public et ont exercé une influence sur le sens de la décision attaquée ;

- le projet génère des risques importants pour la sécurité des personnes, en particulier des risques de projection des pales ou de glace, alors que le périmètre de dangers des éoliennes englobe l'autoroute A 11 ainsi que les routes départementales D 261 et D 98 ;

- le projet est de nature à porter atteinte à des espèces protégées de chiroptères compte-tenu de la proximité de haies et à des espèces protégées d'oiseaux migrateurs, les éoliennes 3 et 4 se trouvant dans l'axe de couloirs de migration ;

- le projet est de nature à porter atteinte aux paysages du Perche sarthois et au patrimoine notamment aux édifices classés que sont l'église Saint-Martin de Lamnay et le château de Montmirail, compte-tenu des phénomènes de co-visibilité, aux hameaux, au patrimoine archéologique sans que la DRAC n'ait été consultée et à l'activité touristique ;

- le projet, situé au cœur d'une zone d'élevage, crée des dangers pour la préservation de la santé animale et aucune mesure n'a été prise pour réduire ce risque.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 mai 2022, 12 octobre 2022 et 20 janvier 2023, la société Ferme éolienne Huisne et Braye, représentée par Me Elfassi, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge solidaire des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les requérants ne justifient pas d'un intérêt pour agir contre la décision attaquée ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 8 novembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit prononcé, sur le fondement de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, un sursis à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai permettant la délivrance d'une autorisation modificative régularisant le vice relevé.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

La SCI Mons Mirabilis a été désignée par ses mandataires, Me de Kersauson et Me Chevalier, représentant unique, destinataire de la notification de la décision à venir.

Par un courrier du 1er juin 2023, les parties ont été invitées à produire des observations sur l'application par la cour de l'article L. 181-18 du code de l'environnement afin de permettre à la société Ferme éolienne Huisne et Braye d'obtenir une autorisation modificative régularisant le vice tiré de l'insuffisance du volet chiroptérologique de l'étude d'impact en l'absence d'écoutes en altitude.

Par un mémoire, enregistré le 2 juin 2023, la SCI Mons Mirabilis et autres, représentée par Me de Kersauson et Me Chevalier, ont présenté des observations en réponse au courrier du 1er juin 2023.

Par un mémoire, enregistré le 5 juin 2023, la société Ferme éolienne Huisne et Braye, représentée par Me Elfassi, a présenté des observations en réponse au courrier du 1er juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Montes-Derouet,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- et les observations de Me de Kersauson et Me Chevalier, pour les requérants et de Me Kabra, substituant Me Elfassi, pour la société Ferme éolienne Huisne et Braye.

Une note en délibéré présentée par SCI Mons Mirabilis, représentant unique des requérants, a été enregistrée le 7 juin 2023.

Une note en délibéré présentée par la société Ferme éolienne Huisne et Braye a été enregistrée le 14 juin 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La société Ferme éolienne Huisne et Braye a déposé le 31 juillet 2018 une demande d'autorisation environnementale, complétée le 16 janvier 2019, en vue d'exploiter un parc éolien constitué de quatre aérogénérateurs, d'une hauteur maximale de 150 et 180 mètres en bout de pale et d'un poste de livraison sur le territoire des communes de Cormes et Cherré-Au. Par l'arrêté du 6 août 2021, le préfet de la Sarthe a délivré à la société Ferme éolienne Huisne et Braye l'autorisation environnementale sollicitée. Par lettres du 30 novembre 2021, le préfet de la Sarthe a rejeté expressément les recours gracieux formés contre cet arrêté par M. L..., M. C..., M. K... et M. B... et a implicitement rejeté les recours formés par Mme F..., M. P..., M. M... et M. I... contre ce même arrêté. La SCI Mons Mirabilis et autres demandent l'annulation de l'arrêté du 6 août 2021 ainsi que des décisions par lesquelles le préfet de la Sarthe a rejeté leurs recours gracieux.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête :

2. Aux termes de l'article R. 181-50 du code de l'environnement : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 peuvent être déférées à la juridiction administrative : / (...) 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 (...) ". L'article L. 181-3 de ce code énonce : " I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas (...) ". Parmi ces intérêts, l'article L.511-1 du même code mentionne les dangers ou les inconvénients pour la commodité du voisinage, la santé, la protection de la nature, de l'environnement et des paysages ainsi que la conservation des sites et des monuments.

3. En premier lieu, l'intérêt pour agir des groupements et associations s'apprécie au regard de leur objet statutaire et de l'étendue géographique de leur action.

4. Il résulte de l'instruction que l'association " Vent du Perche " a pour objet statutaire " de lutter, notamment, par toutes actions en justice, contre les projets et installations des parcs éoliens dans le département de la Sarthe ou départements voisins, et particulièrement dans le périmètre de la communauté de communes de l'Huisne sarthoise, projets qui sont incompatibles avec les sites remarquables, paysages, monuments, équilibres biologiques, espèces animales et végétales, et avec la santé et la sécurité ". Eu égard à son objet statutaire, à son champ d'intervention géographique et aux missions qu'elle s'est assignées, cette association justifie d'un intérêt à demander l'annulation de l'arrêté attaqué du 6 août 2021 portant autorisation d'exploiter un parc éolien constitué de quatre aérogénérateurs, dont trois d'entre eux présentent une hauteur maximale de 180 mètres en bout de pâle, sur le territoire des communes de Cherré-Au et de Cormes, toutes deux membres de la communauté de communes de l'Huisne sarthoise, sans que puisse lui être opposée la circonstance que ses statuts ont été déposés en préfecture le 16 septembre 2021, postérieurement à la date de la décision attaquée.

5. En second lieu, il appartient au juge administratif d'apprécier si les tiers, personnes physiques, qui contestent une autorisation environnementale justifient d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux.

6. Il résulte de l'instruction, notamment des prises de vue réalisées dans l'étude paysagère, que les domiciles de M. B..., de M. P..., de M. I... et de Mme M..., distants de 500 à 650 mètres du projet de parc éolien, présentent des vues ouvertes sur le parc éolien projeté, lesquelles sont susceptibles de modifier leur cadre de vie. Ils justifient de la sorte d'un intérêt d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour agir contre l'autorisation environnementale attaquée. Il en va de même pour la SCI Mons Mirabilis et M. L..., respectivement propriétaire et gérant du château de Montmirail, lequel situé sur un promontoire dominant la vallée de la Braye aura des vues sur le parc éolien malgré la distance de plus de 8 km l'en séparant.

7. En revanche, Mme F..., M. K... et M. C... ne justifient pas, par les pièces qu'ils produisent, de la réalité des impacts visuels dont ils se prévalent, compte-tenu de la présence d'espaces boisés venant filtrer les vues sur le parc éolien projeté, et ne justifient donc pas d'un intérêt à agir contre l'autorisation litigieuse.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête n'est pas recevable en tant seulement qu'elle émane de Mme F..., de M. K... et de M. C....

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 6 août 2021 :

En ce qui concerne l'étude d'impact :

9. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

S'agissant des impacts sur l'avifaune :

10. Si les requérants soutiennent que les enjeux avifaunistiques n'ont pas été suffisamment appréhendés, s'agissant des espèces migratrices volant à haute altitude, comme le Pluvier doré, en l'absence notamment de toute écoute en altitude, ce type d'écoutes n'est pas préconisé s'agissant de l'avifaune par le guide relatif à l'élaboration des études d'impacts des projets de parcs éoliens terrestres. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que cette circonstance aurait faussé l'inventaire des espèces migratrices fréquentant la zone d'implantation du projet, cet inventaire ayant été réalisé sur une période d'observation d'une année afin de couvrir l'ensemble du cycle biologique des espèces en recensant les espèces en période prénuptiale (de mars à avril 2015), les espèces nicheuses (d'avril à mai 2015), les espèces en période postnuptiale (de septembre à octobre 2014) et les espèces hivernantes (de décembre 2014 à janvier 2015). Le suivi de l'avifaune migratrice a été réalisé au moyen de l'observation et du comptage des oiseaux à poste fixe durant 5-6 heures à partir du lever du soleil à l'aide d'une paire de jumelles et d'une longue-vue et qu'afin d'optimiser la détection des migrateurs, 3 points d'observation localisés sur une zone dégagée offrant un champ de vision suffisamment large ont été utilisés de manière à couvrir l'ensemble de la zone. L'étude de l'avifaune, suivie sur une durée suffisante, a permis de dresser la liste des espèces présentes sur le site et leur densité, 23 espèces migratrices ayant ainsi été identifiées, dont 4 classées en vulnérabilité modérée (l'Hirondelle rustique, le Pluvier doré, le Pipit des arbres et le Merle à plastron) et 2 en vulnérabilité assez forte (la grande Aigrette et l'Autour des palombes).

11. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les incidences du projet sur les espèces migratrices ont été suffisamment appréhendées, les auteurs de l'étude écologique s'étant attachés à identifier les couloirs de migration traversant le site et les hauteurs de vol des espèces, en période de migration prénuptiale et postnuptiale. L'étude conclut que les implantations des quatre éoliennes sont en dehors des couloirs de migration postnuptiale identifiés et que seule l'éolienne E3 est localisée sur une branche de l'axe de migration prénuptiale, localisée au niveau du vallon de " Barbe d'Orge ". Elle qualifie l'impact du projet, en période d'exploitation, pour l'avifaune migratrice prénuptiale de faible à modéré, compte-tenu des flux faibles identifiés mais majoritairement compris entre 30 et 50 m d'altitude. Le risque de collision pour les espèces hivernantes, au nombre desquelles se trouve également le Pluvier doré, est qualifié de faible aux motifs que les haies, qui servent de refuge à ces espèces, seront globalement préservées et qu'elles se concentrent essentiellement dans les vallons humides éloignés de l'implantation projetée des éoliennes. La seule circonstance que la zone a été déclarée défavorable à l'éolien par le conseil départemental en raison de la richesse de sa biodiversité (espaces naturels sensibles des Ajeux à la Ferté-Bernard et d'un site natura 2000 à Vibray et Vouvray-sur-Huisne) ne suffit pas à démontrer le caractère insuffisant de l'étude écologique dans l'analyse des impacts du projet sur les espèces migratrices.

S'agissant de l'étude paysagère :

12. En premier lieu, il résulte de l'instruction que l'étude paysagère, annexée à l'étude d'impact, compte plus de cinquante photomontages, principalement autour de la vallée de l'Huisne repérée comme présentant une forte sensibilité vis-à-vis du projet, auxquels se sont ajoutées de nouvelles prises de vue réalisées en janvier 2019, également soumises à l'enquête publique, pour apprécier l'impact du projet sur ses environnements immédiat, rapproché et intermédiaire. Si les requérants soutiennent que l'étude paysagère n'a pas été réalisée " dans le respect des règles ", la méthodologie suivie est clairement exposée en page 82 et suivantes de l'étude paysagère qui précise que la localisation des photomontages a été déterminée à partir des zones de visibilités potentielles identifiées après modélisation des zones de visibilité théorique du projet dans un rayon d'environ 20 km autour de la zone d'implantation potentielle, qui intègre les effets de topographie et la présence de boisements, à l'exclusion des haies et des zones bâties, puis à partir de l'analyse paysagère qui a permis d'évaluer l'impact visuel du projet à l'échelle des 3 aires d'études paysagères, depuis les principaux sites identifiés comme présentant un intérêt paysager ou touristique, les bourgs et les axes de circulation.

13. En deuxième lieu, si les requérants soutiennent que les photomontages ne permettraient pas de décrire de façon objective et sincère les impacts des éoliennes sur le paysage et le patrimoine historique, dont le château de Montmirail, il résulte de l'instruction que l'étude paysagère a reconnu la sensibilité forte du site de Montmirail à l'égard du projet, compte-tenu de sa localisation sur un promontoire lui offrant un large point de vue sur le parc éolien et lui a consacré 4 photomontages pris depuis les voies environnant le bourg et depuis le centre du bourg, dont les commentaires associés mettent en exergue la situation en hauteur du bourg et du château, construits sur une butte que les voies d'accès au bourg contournent, ce qui permet " d'ouvrir des panoramas sur des profondeurs de champs très éloignées " et relèvent que les éoliennes forment un nouveau point de repère dans le paysage. Si la mission régionale de l'autorité environnementale (MRAE) a indiqué dans son avis que " les photomontages sont réalisés sur la base de photographies prises à une saison où la végétation est en feuilles ce qui contribue à davantage masquer les éoliennes et ne rend pas compte de leur visibilité hivernale ", elle n'a pour autant formulé aucune recommandation visant à la réalisation de nouvelles prises de vue. Il résulte en outre de l'instruction que cette circonstance est évoquée notamment dans les photomontages concernant le site de Montmirail. Ainsi la prise de vue 9 relève que la végétation masque le parc éolien, mais reconnaît qu'en " se décalant légèrement (...), il est facile de se rendre compte de la possible visibilité du projet " et la prise de vue 11 mentionne que " le projet ne se perçoit que partiellement mais en l'absence de feuillage, le regard pourrait porter sur le lointain permettant de révéler de manière plus importante la présence du projet ".

14. En troisième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne résulte pas de l'instruction que l'étude paysagère aurait cherché à minimiser l'impact du projet éolien sur le château de Montmirail, situé à plus de 8 km du projet, en le classant dans l'aire d'étude éloignée en lieu et place de l'aire d'étude rapprochée, dès lors, d'une part, que l'aire d'étude éloignée est décrite dans cette étude comme couvrant une zone distante de 7 à 20 km du projet et l'aire d'étude rapprochée comme couvrant une zone distante de 3 à 10 km et que, d'autre part, l'étude paysagère met en exergue la situation particulière du château de Montmirail parmi les monuments historiques protégés dans cette aire d'étude.

15. En quatrième lieu, la circonstance que le résumé non technique fasse état, de façon erronée, de l'absence de toute servitude patrimoniale au sein de la zone d'implantation potentielle et de l'aire d'étude immédiate n'a pu avoir pour effet de tromper le public sur la réalité des impacts du projet sur le patrimoine, dès lors que ce dernier a été précisément identifié et localisé et que sa sensibilité vis-à-vis du projet éolien a été examinée. Si le résumé technique ne présente pas la répartition géographique du patrimoine protégé au sein des aires d'études, cette information figurait dans l'étude d'impact et dans l'étude paysagère qui listent, aire par aire, les éléments du patrimoine protégé faisant l'objet d'un enjeu de co-visibilité et décrit la nature des impacts du projet, sans que les requérants n'allèguent au demeurant que ces études auraient omis de faire état d'autres éléments du patrimoine protégés susceptibles d'être impactés par le projet contesté.

16. En dernier lieu, les requérants soutiennent que le contenu de l'étude paysagère serait insuffisant en l'absence de photomontages depuis l'ensemble des lieux de vie situés à moins de mille mètres du parc projeté. Toutefois, et alors que la société pétitionnaire n'était pas tenue de réaliser des photomontages depuis l'ensemble des habitations concernées par le projet en l'absence de particularités nécessitant une information spécifique du public, il résulte de l'instruction que les lieux cités par les requérants, à savoir la commune de Saint-Maxent, les lieux-dits " Le Clouteau ", " Les Petites Lèvries " et " Les Richardières " ont été étudiés et qu'ils n'ont pas fait l'objet de photomontage au motif que leur sensibilité au projet éolien a été considérée comme nulle ou nulle à faible.

S'agissant de l'étude acoustique :

17. La seule circonstance que le hameau " Les Richardières " n'a fait l'objet d'aucune écoute ne suffit pas à établir le caractère insuffisant de l'étude acoustique au regard de la méthodologie suivie, non contestée par les requérants, selon laquelle les points de mesure du bruit résiduel ont été choisis parmi les ZER " zones à émergence réglementée ", en fonction de leur exposition sonore vis-à-vis des éoliennes, des orientations de vent dominant et de la topographie de la végétation, notamment, et que, regardés comme représentatifs de l'environnement sonore de la zone du projet et ses environs, ils permettent une extrapolation de leur bruit résiduel vers des points ayant une ambiance sonore comparable et n'ayant pas fait l'objet de mesures. Il résulte ainsi de l'instruction que des écoutes ont été réalisées au niveau des lieu-dit " Les grands Hêtres " et " La Justière ", qui encadrent " les Richardières ", sans que les requérants n'établissent ni même n'allèguent que ce hameau ne présenterait pas une ambiance sonore comparable ne permettant pas de mesurer le bruit résiduel par extrapolation des résultats obtenus à partir des écoutes effectuées sur les deux hameaux voisins. Il en résulte que l'étude acoustique ne présente pas d'insuffisance sur ce point.

18. Il résulte des points 10 à 17 que l'étude d'impact ne présente pas d'insuffisance dans ses volets avifaunistique, paysager et acoustique.

S'agissant des impacts sur les chiroptères :

19. Si les requérants soutiennent que le suivi de l'activité des chiroptères dans la zone d'implantation potentielle des éoliennes a été réalisé sur une période trop courte et que la recherche de gîtes a été conduite sur un périmètre restreint, il résulte de l'instruction que l'inventaire acoustique a été dressé à partir de 10 points d'écoutes actives au sol, réalisées lors de 6 sorties nocturnes et de 12 points d'écoutes passives sur 5 nuits, réparties sur deux périodes courant de juillet à septembre 2014, périodes de mise-bas, d'élevage des jeunes, de migration, d'accouplement et de transit vers les gîtes hivernaux et d'avril à juin 2015, périodes de migration et de transit vers les gîtes de mise-bas. Ces écoutes ont couvert de la sorte l'ensemble du cycle biologique annuel des chiroptères. Cet inventaire acoustique a permis d'identifier la présence certaine au sein de l'aire d'étude rapprochée de 15 espèces de chiroptères, dont la Pipistrelle commune qui domine le peuplement chiroptérologique du site (55,4 %), la Pipistrelle de Kuhl (28,9 %) puis dans une moindre mesure, la Sérotine commune (2,5%), le Murin à moustaches (2,2%), le complexe des Murin sp (2%), la Noctule commune (1%), le Murin de Natterer (1%), la Pipistrelle de Nathusius (1%), la Noctule de Leisler (0,8 %), toutes espèces inscrites à l'article 2 de l'arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection. Quant à la recherche de gîtes, il résulte de l'étude chiroptérologique que les prospections de gîtes d'hibernation et de parturition ont été menées sur la base de potentialités d'accueil, repérées tant au sein de la zone d'implantation potentielle qu'en périphérie, compte-tenu du caractère aléatoire et perturbant pour les espèces des visites de gîtes sur le terrain, ainsi que le relève le guide relatif à l'élaboration des études d'impacts des projets de parcs éoliens terrestres, lesquelles ont permis de conclure que si l'aire d'étude présente un potentiel d'accueil limité pour les espèces anthropophiles, des potentialités de gîtes existent toutefois pour les espèces arboricoles.

20. En revanche, il est constant, ainsi que le soutiennent les requérants, que le suivi d'activité des chiroptères n'a fait l'objet d'aucune écoute en altitude, ainsi que l'a relevé la MRAE, dans son avis du 19 mars 2019, malgré les éléments de justification apportés le 16 janvier 2019 par la société pétitionnaire, jugés insuffisants par la MRAE au regard des potentiels enjeux identifiés sur le site. La société Ferme éolienne Huisne et Braye ne saurait se prévaloir, pour justifier l'absence de réalisation d'écoutes en altitude au stade de l'étude d'impact, du protocole de suivi environnemental des parcs éoliens terrestres, reconnu par une décision du ministre de la transition écologique et solidaire du 5 avril 2018, en ce qu'il prévoit des modalités de suivi post-implantation renforcées pour les parcs éoliens dont l'étude d'impact n'a pas fait l'objet d'un suivi d'activité en hauteur en continu et sans échantillonnage, dès lors que l'objet de ce protocole est de définir les modalités de suivi environnemental des parcs éoliens en exploitation. L'étude chiroptérologique a elle-même relevé que les écoutes effectuées au sol ne permettent de connaître précisément que le peuplement chiroptérologique évoluant entre le sol et une vingtaine de mètres de hauteur, à l'exclusion donc du " cortège spécifique évoluant au niveau de la zone de rotation des pales, pouvant être impacté par un risque de collision " et que malgré les extrapolations qui peuvent être faites à partir du comportement et des mœurs des différentes espèces recensées sur la zone, " la connaissance du peuplement évoluant en altitude reste partielle (notamment sur l'abondance et la diversité spécifique du fait de la non-détection de certaines espèces liées à des hauteurs de vol supérieures à 25 m) ". Or, il résulte de l'instruction que, parmi les espèces identifiées sur la zone, six sont des espèces volant en altitude, à savoir la Pipistrelle de Nathusius, la noctule de Leisler, la Noctule commune, la Sérotine commune, la Pipistrelle de Kuhl et la Pipistrelle commune, toutes espèces protégées décrites dans l'étude comme présentant un niveau de sensibilité élevé au risque de collision et dont certaines sont inscrites sur la liste rouge régionale comme espèces quasi-menacées, à savoir la Pipistrelle de Nathusius, la Noctule de Leisler et la Pipistrelle commune. Il résulte également de l'instruction que les zones d'implantation des deux groupes d'éoliennes constituent des territoires de chasse favorables pour les chiroptères et que l'éolienne E4, dont le mât sera implanté à 58 mètres d'un boisement, survolera une partie de ce boisement que l'étude écologique décrit comme attractif pour les espèces de haut vol, les lisières de boisements constituant des territoires de chasse préférentiels pour les Pipistrelles, mais aussi pour les Sérotules (groupe composé de la Sérotine commune, de la Noctule commune et de la Noctule de Leisler) qui exploitent indifféremment les milieux ouverts de type prairiaux et les lisières boisées. Enfin, il résulte de l'étude écologique que le niveau de vulnérabilité sur le site de ces espèces de haut vol, avant mise en œuvre de mesures d'évitement et de réduction, a été qualifié de faible, pour la Pipistrelle de Nathusius, de modéré à faible pour la Pipistrelle commune, la Pipistrelle de Khul et la Sérotine commune et de modéré pour la Noctule commune et la Noctule de Leisler au regard des niveaux d'activité, faibles à modérés, de ces espèces observés lors de l'inventaire acoustique.

21. Il résulte des développements qui précèdent, et alors qu'aucun élément ne permet d'estimer que la réalisation d'écoutes en altitude n'aurait pas modifié l'appréhension de l'impact du projet sur les chiroptères, que les conclusions de l'étude écologique évaluant les impacts résiduels du projet comme faibles pour la Pipistrelle de Khul, la Pipistrelle de Nathusius et la Pipistrelle commune et comme modérés pour la Noctule commune, la Sérotine commune et la Noctule de Leisler, ne peuvent être regardés comme ayant pleinement appréhendé l'ampleur des risques de collision et de barotraumatisme associé, tout au long de leur cycle biologique de ces espèces de chiroptères, sans que la société pétitionnaire puisse utilement faire état de l'installation en mars 2022, soit postérieurement à l'enquête publique, d'un mât de mesure.

22. Il résulte des points 19 à 21 que l'étude d'impact présente des insuffisances dans son volet chiroptérologique et que celles-ci ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population et ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

En ce qui concerne les atteintes aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

23. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". L'article L. 511-1 du même code énonce que : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Selon l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. (...) ".

S'agissant de la sécurité publique :

24. Il résulte de l'instruction que l'étude de dangers a analysé les risques résultant des différents scenarii d'accidents, dont ceux afférents à la projection de pales et de glace et a retenu que les risques étaient tous acceptables au titre de la " synthèse de l'acceptabilité des risques ". Si, s'agissant du risque de projection de pales ou fragments de pales, le niveau de gravité a été qualifié de " catastrophique " pour l'éolienne E1 et d'" important " pour l'éolienne E2 du fait de la présence, dans la zone d'effet du risque d'un rayon de 500 m autour des machines concernées, de l'autoroute A 11 et des routes départementales D 98 et D 961, situées respectivement à 150 m de l'éolienne E1 et 75 m et 210 m de l'éolienne E2, la probabilité d'occurrence de ce phénomène, de 10-4, a été codée en " D " dans l'étude de dangers, ce qui signifie que " ce phénomène s'est produit " mais qu'il a fait l'objet de mesures correctives réduisant significativement la probabilité grâce à la mise en place de différents dispositifs permettant de mieux maîtriser les risques. La probabilité de concomitance de l'évènement de projection de pâle et du passage d'un véhicule sur l'autoroute, de 10-6, a été qualifiée de très faible. S'agissant du risque de projection de glace, la probabilité d'accident sur les voies de circulation est également qualifiée de très faible, du fait de l'éclatement des morceaux de glace projetés en petits fragments, limitant ainsi le risque pour les véhicules circulant tant sur l'autoroute A11 que sur les routes départementales D 98 et D 961, alors en outre que les machines seront dotées d'un système d'arrêt en cas de détection de glace. Il s'ensuit que la seule proximité des éoliennes des voies de circulation et l'importance du trafic supporté par l'autoroute, invoqués par les requérants, ne suffisent pas à caractériser l'existence de risques qui viendraient infirmer la qualification de risque " acceptable " retenue dans l'arrêté attaqué. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la société s'est engagée à mettre en œuvre différentes mesures de maitrise des risques, qui ne se limitent pas à la réduction de la hauteur de l'éolienne E1 de 180 à 150 m, parmi lesquelles la mise en place d'un mécanisme d'alerte de l'opérateur lorsque les conditions climatiques sont favorables à la formation de glace sur les pales et une mise à l'arrêt automatique de l'installation, d'un dispositif de détection des vents forts et tempêtes avec arrêt automatique et diminution de la prise au vent de l'éolienne, d'un système de détection de l'échauffement des pièces mécaniques avec mise à l'arrêt ou bridage de l'installation ou encore d'un dispositif de détection des survitesses avec un système de freinage et mise en sécurité des installations. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte pas de l'instruction que le projet de parc éolien exposerait les usagers des voies de circulation proches du projet éolien à des risques qui ne pourraient être prévenus et tels qu'ils auraient justifié un refus d'autorisation ou la prescription d'autres mesures que celles prévues.

S'agissant de l'impact sur les chiroptères :

25. Le caractère insuffisant de l'étude écologique dans son volet chiroptérologique relevé au point 22 ne met pas la cour en mesure d'apprécier le respect, par la décision attaquée, des articles L. 181-3 et L. 511-1 du code de l'environnement, s'agissant des atteintes susceptibles d'être portées par le projet aux espèces protégées de chiroptères. Il y a, dès lors, lieu pour la cour de réserver la réponse au moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions.

S'agissant des atteintes à l'avifaune :

26. En premier lieu, si les requérants font valoir que les éoliennes E3 et E4 sont situées dans un couloir de migration prénuptiale, emprunté par la plupart des oiseaux migrateurs, ainsi qu'il a été dit au point 11, il résulte de l'étude écologique que les implantations des éoliennes E1, E2 et E4 " sont clairement en dehors du couloir de migration identifié " et que seule l'E3 est " localisée sur une branche de l'axe de migration des migrateurs ". S'agissant de l'avifaune migratrice postnuptiale, les implantations des quatre éoliennes sont situées en dehors des couloirs de migration identifiés. Les requérants n'apportent aucun élément permettant de remettre en cause le niveau d'impact du projet sur la migration prénuptiale qualifié de faible à modéré compte-tenu des faibles flux qu'elle concerne sur le site, ni le niveau d'impact faible retenu pour l'avifaune migratrice postnuptiale. Il résulte également de l'instruction que l'implantation retenue évite les zones de halte migratoire localisées au sud du projet et que l'impact sur la perte de zones de nourrissage et de zones de halte pour l'avifaune migratrice est considéré comme faible. Par ailleurs, l'arrêté attaqué prescrit la mise en place d'un suivi environnemental comprenant le suivi de l'activité et de la mortalité de l'avifaune selon les modalités du protocole de suivi environnemental des parcs éoliens terrestres reconnu par le ministère en charge de l'environnement, dans les 12 mois suivant la mise en service des installations. L'arrêté prévoit en outre que, dans le cadre du suivi de l'activité de l'avifaune, soit portée une attention particulière aux oiseaux migrateurs prénuptiaux et qu'en cas de mortalité significative de l'avifaune, l'exploitant devra adapter le fonctionnement des éoliennes, dès connaissance des résultats de suivi. Il ne résulte pas de l'instruction que ces mesures ne seraient pas suffisantes pour assurer la protection des chiroptères et de l'avifaune.

27. En second lieu, si comme le soutiennent les requérants, le secteur présente dans un rayon de 20 km une richesse écologique certaine avec notamment 4 ZNIEFF et 3 sites Natura 2000, à savoir la zone spéciale de conservation (ZSC) " carrières souterraines de Vouvray-sur-Huisne " située à 7,7 km du projet, la ZSC " massif forestier de Vibraye " à 9 km et la ZSC " Cuesta cénomanienne du Perche d'Eure-et-Loire " à 12 km, aucune zone de protection spéciale (ZPS) dépendant de la Directive européenne " Oiseaux " n'est localisée dans les 20 km autour de la zone d'implantation du projet. Sur ce point, les requérants n'apportent aucun élément permettant de remettre en cause l'analyse de l'étude avifaunistique selon laquelle l'incidence sur les populations des sites Natura 2000 est estimée comme non significative.

28. Il résulte des points 26 et 27 qu'aucune atteinte excessive portée aux espèces migratrices en violation des dispositions ci-dessus de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ne saurait donc être retenue.

S'agissant des atteintes aux paysages et au patrimoine :

Quant aux atteintes aux paysages du Perche sarthois :

29. Il résulte de l'instruction que le projet éolien contesté s'inscrit en rive gauche de la large vallée de l'Huisne, au sein d'un relief de plaines entouré, à l'ouest, par une zone de plateaux aux vallées encaissées et, à l'est, par des espaces aux reliefs un peu contrastés. Le territoire d'implantation se caractérise par un paysage structuré par un relief de Cuesta (Cuesta de Melleray), la vallée encaissée de l'Huisne, et par des promontoires visuels formés par des crêtes et des buttes témoins. Le paysage est composé de bocage résiduel parsemé, de grandes cultures sur les pentes et les plateaux, et de prairies en fond de vallée. Parmi les différentes unités paysagères que compte le territoire d'implantation du projet, celle du Perche de la Haute Braye est décrite, dans l'étude paysagère, comme dessinant des paysages ouverts ponctués de buttes sur lesquelles prennent place des bourgs qui bénéficient ainsi de vues lointaines vers la Braye et ses affluents. Elle relève que les jeux de volumes qui suscitent des alternances d'écrans volumineux et boisés, de vues plates et filantes et de couloirs dégagés s'insérant entre deux pentes, constituent l'élément marqueur de ce paysage. Si l'architecte des bâtiments de France a émis un avis défavorable au projet, le 17 septembre 2018, après avoir considéré que le projet " défigurera une grande plaine, affectant le paysage sur des kilomètres à la ronde ", il résulte de l'instruction que le caractère visible des aérogénérateurs ne suffit pas à démontrer l'atteinte qui serait portée aux paysages alors qu'il résulte de l'instruction que l'ouverture du paysage et les grands volumes qui se dégagent offrent la possibilité d'assimiler visuellement l'échelle d'un projet éolien, ainsi que l'illustrent les photomontages qui ont été réalisés depuis des points hauts du territoire offrant de larges panoramas. Ces photomontages ont d'ailleurs permis de sélectionner la variante 4, décomposée en deux groupes de deux éoliennes, présentant une orientation semblable à celle de la vallée de la Queusne et dont le caractère compact est propre à recréer un élément repère fort dans le paysage. La seule allégation des requérants selon laquelle le projet éolien aura pour effet la dégradation " irréversible " des paysages du Perche sarthois ne saurait suffire à établir les atteintes aux paysages dont ils se prévalent et qui, selon eux, seraient de nature à justifier un refus d'autorisation.

Quant aux atteintes au patrimoine :

30. Il résulte de l'instruction qu'au sein de l'aire d'étude immédiate du projet se trouve l'église de Saint-Martin à Lamnay, édifice protégé au titre de la législation des monuments historiques. Si une situation de co-visibilité du projet éolien avec le clocher de cette église a été identifiée depuis l'entrée sud du bourg, elle ne concerne que deux des 4 aérogénérateurs qui, situés en arrière-plan, ne seront visibles que de façon furtive par les usagers de la route. De même, si les 4 éoliennes sont visibles simultanément avec l'église de Saint-Martin à Courgenard, édifice classé depuis 1995, depuis un point haut à proximité du bourg, la silhouette de l'église, enserrée dans une trame arborée, est peu perceptible dans le paysage de sorte que les éoliennes n'entrent pas en concurrence visuelle avec elle. S'agissant du château de Montmirail, édifice inscrit à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, la seule circonstance que le parc éolien, situé à plus de 8 km, soit visible depuis la tour mais aussi depuis l'esplanade du château ne suffit pas à établir l'atteinte qui serait ainsi portée à l'édifice, compte-tenu de l'éloignement du parc qui vient amoindrir son effet visuel et au regard de la vue panoramique sur le paysage dont jouit le château et dans lequel le parc n'occupe qu'une portion limitée. Par ailleurs, les co-visibilités du parc éolien avec le château de Montmirail, illustrées par des photomontages réalisés depuis la forêt de Montmirail, ne révèlent aucun phénomène de concurrence visuelle ni de bouleversement des rapports d'échelle, compte-tenu de la distance qui les sépare et de l'implantation de l'édifice sur un promontoire lui permettant de conserver le caractère saillant de sa silhouette dans le paysage. Enfin, la végétation qui ceinture le parc du château permet de masquer en partie le parc éolien et d'amoindrir son effet visuel en période hivernale, depuis le parvis et les jardins du château ainsi que depuis le cœur du village, depuis lequel les vues sur le parc éolien sont impossibles.

Quant à l'atteinte portée au patrimoine archéologique :

31. Si les requérants se prévalent de la réalisation de prospections menées lors d'une campagne en 2000/2001 par la société du Pays fertois sur les territoires des communes de Cherré-Au et Cormes qui auraient révélé une présence gallo-romaine associée à des éléments néolithiques, il ne résulte pas de l'instruction que ces vestiges se situeraient dans la zone d'implantation du parc éolien alors qu'aucune zone de présomption de prescriptions archéologiques n'est présente au sein de l'aire d'étude immédiate, la seule zone de sensibilité archéologique repérée étant localisée à la limite nord-est de l'aire d'étude immédiate et que le service régional de l'archéologie saisi, ainsi que le fait valoir le ministre, dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, n'a à cet égard émis aucune observation. En tout état de cause, la décision attaquée prévoit en son article 2.5.7 que si lors de la réalisation de travaux, des vestiges archéologiques étaient mis à jour, ils devront faire l'objet d'un signalement au service régional de l'archéologie.

Quant à l'atteinte portée à l'activité touristique :

32. En se bornant à soutenir que le parc éolien autorisé par la décision attaquée sera de nature à porter atteinte au potentiel touristique dépendant de la préservation des paysages et du patrimoine local, les requérants n'établissent nullement leurs allégations alors qu'il ne résulte pas de l'instruction, ainsi que cela a été dit aux points 28 et 29, que le projet contesté serait de nature à porter atteinte aux paysages et au patrimoine local protégé.

S'agissant de l'atteinte portée aux hameaux :

33. L'analyse spécifique portant sur la saturation visuelle réalisée sur les hameaux situés à moins d'un kilomètre du projet montre qu'aucun effet de saturation visuelle ni d'encerclement n'est observé sur l'ensemble des hameaux riverains. Certains hameaux et habitations présentent toutefois des ouvertures visuelles importantes vers le projet, pour lesquels une incidence forte a été retenue, à savoir les hameaux de la Verrerie, La Justière, Les Rieux, Le Petit Carémus et Bourdigal. La décision attaquée prévoit néanmoins, ainsi que s'y engageait le porteur du projet, de réduire l'impact visuel depuis les lieux de vie concernés par la plantation, en accord avec les riverains concernés, de haies et d'arbres de haut jet près des habitations, et a étendu cette mesure aux hameaux " Le Cormier ", " Les Richardières " et " Maison Rouge ", sans que les requérants n'établissent que d'autres hameaux subiraient également des ouvertures visuelles importantes sur le parc éolien. Si cette mesure ne permet pas d'occulter totalement le projet, elle est néanmoins de nature à en favoriser l'insertion dans son environnement proche. Par ailleurs, la circonstance, à la supposer établie, que le parc éolien serait source d'une perte de la valeur vénale des biens immobiliers situés dans la zone d'implantation du projet, dont le château de Montmirail, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, ce préjudice n'étant pas, en tout état de cause au nombre des intérêts protégés par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

S'agissant des risques pour la santé animale :

34. Si les requérants soutiennent que le parc éolien contesté exposera l'élevage de poulinières gestantes situé à moins de 500 mètres à des risques importants pour leur santé, les études produites ne permettent pas de conclure à un lien de causalité certain entre la mise en service de parcs éoliens et les troubles qui ont pu être observés dans certains élevages de bovins. L'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, saisie le 3 mai 2019, par le ministère de la Transition écologique et solidaire et le ministère de l'agriculture et de l'alimentation de la question de l'imputabilité à la présence d'un champ d'éoliennes de troubles rapportés dans deux élevages bovins, a, à cet égard, conclu dans son avis du 13 octobre 2021, produit par la société pétitionnaire, que " l'application de la méthode aux données exploitables conduit à considérer comme hautement improbable voire exclue que la mise en place des éoliennes ait conduit à générer les troubles objectivés ", après avoir souligné que " la vingtaine de retours obtenus d'acteurs homologues sollicités auprès des Etats Membres de l'Union Européenne n'a donné aucune identification de problème de ce type, y compris dans des pays ayant déployé de manière plus précoce et large que la France des parcs éoliens. En outre, l'analyse bibliographique conduit à constater un manque actuel de connaissances scientifiques concernant l'existence ou non d'effets sanitaires chez les animaux d'élevage imputables à la proximité de parc éolien en fonctionnement. Le peu de travaux disponibles sur le sujet ne mettent pas en évidence de tels effets, ni de mécanismes physiopathologiques, liés aux champs électromagnétiques, aux infrasons et aux vibrations générés par les éoliennes ".

35. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les atteintes que le projet litigieux serait susceptible de porter à la protection de la nature et de l'environnement présentent le caractère de graves dangers ou inconvénients pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, pour la conservation des sites et des monuments, ainsi que pour la commodité du voisinage, pour la santé, la sécurité et l'agriculture.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :

36. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I. - Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : / 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité ; / 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. / II. - En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées. "

37. La faculté ouverte par les dispositions précitées du 2° du I de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, relève de l'exercice d'un pouvoir propre du juge, qui n'est pas subordonné à la présentation de conclusions en ce sens. Lorsqu'il n'est pas saisi de telles conclusions, le juge du fond peut toujours mettre en œuvre cette faculté, mais il n'y est pas tenu, son choix relevant d'une appréciation qui échappe au contrôle du juge de cassation. En revanche, lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, le juge est tenu de mettre en œuvre les pouvoirs qu'il tient du 2° du I de l'article L. 181-18-du code de l'environnement si les vices qu'il retient apparaissent, au vu de l'instruction, régularisables. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l'intervention d'une décision corrigeant le vice dont est entachée la décision attaquée. Un vice de procédure, dont l'existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de la décision attaquée, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l'illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d'autres modalités qu'il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.

38. En l'espèce, le vice entachant l'autorisation environnementale en litige relatif aux insuffisances et inexactitudes de l'étude d'impact, relevé aux points 19 à 21, est susceptible d'être régularisé par un complément d'étude d'impact, le cas échéant, une enquête publique complémentaire afin de soumettre ces nouveaux éléments à la connaissance du public et une autorisation modificative.

39. Cette éventuelle autorisation modificative devra être communiquée à la cour dans un délai de 18 mois à compter de la notification du présent arrêt. Il y a lieu par suite de surseoir à statuer sur le surplus des conclusions de la requête jusqu'à l'expiration de ce délai afin de permettre cette régularisation.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête présentée par la SCI Mons Mirabilis et autres jusqu'à l'expiration d'un délai de 18 mois, courant à compter de la notification du présent arrêt, imparti à l'État et à la société Ferme éolienne Huisne et Braye pour produire devant la cour une autorisation environnementale modificative conforme aux modalités définies au point 38 du présent arrêt.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Mons Mirabilis, représentant unique désignée par Me de Kersauson et Me Chevalier, mandataires, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Ferme éolienne Huisne et Braye.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2023.

La rapporteure,

I. MONTES-DEROUET

La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

A. LEMEE

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03592


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03592
Date de la décision : 23/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : CHEVALIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-23;21nt03592 ?
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