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13/06/2023 | FRANCE | N°22NT00997

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 13 juin 2023, 22NT00997


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... M... N..., Mme J... et M. K... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions des 14 et 16 novembre 2017 des autorités consulaires françaises à Addis-Abeba (Éthiopie) refusant de délivrer à Mme J..., M. K... C... et aux jeunes D... E..., A... E..., B... E..., G... E... et F... E... des visas de long séjour en qualit

de membres de famille de réfugié.

Par un jugement n° 1803850 du 17 mars 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... M... N..., Mme J... et M. K... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre les décisions des 14 et 16 novembre 2017 des autorités consulaires françaises à Addis-Abeba (Éthiopie) refusant de délivrer à Mme J..., M. K... C... et aux jeunes D... E..., A... E..., B... E..., G... E... et F... E... des visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié.

Par un jugement n° 1803850 du 17 mars 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle rejette les demandes de visa présentées pour Mme I... et pour les jeunes D... E..., A... E..., B... E..., G... E... et F... E... (article 1er) et a rejeté le surplus de la demande (Article 4).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2022, M. M... N... et M. K... C..., représentés par Me Guérin, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 mars 2021 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle concerne M. C... ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle concerne M. C... ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer la demande de visa dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la décision contestée est entachée d'une absence de motivation ;

- la décision est implicite et il ne pouvait lui être opposé de nouveaux motifs ultérieurement ;

- la commission n'a pas examiné son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant sont méconnues, et la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à l'intensité des liens unissant les requérants.

La requête a été communiquée au ministre de l'intérieur et des outre-mer, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. M... N... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. M... N..., ressortissant érythréen né le 1er juin 1974, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié le 6 juin 2016 par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Son épouse, Mme I..., ressortissante érythréenne née le 10 décembre 1974, ainsi que leurs cinq enfants, ressortissants érythréens, M. D... E... né le 27 novembre 1998, M. A... E... né le 4 septembre 2000, M. B... E... né le 31 octobre 2002, M. G... E... né le 15 juillet 2005, et M. F... E... né le 22 mars 2009 ainsi que M. K... C..., ressortissant érythréen né le 22 février 1996, ont sollicité la délivrance de visas de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié. Par des décisions des 14 et 16 novembre 2017, les autorités consulaires françaises à Addis-Abeba (Éthiopie) ont rejeté leurs demandes. Par une décision implicite du 27 février 2018, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre ces décisions. Par un jugement du 17 mars 2021 le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en tant qu'elle rejette les demandes de visa présentées pour Mme I... et les cinq enfants du couple et a rejeté la demande présentée par M. K... C.... M. M... N... et M. K... C... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté cette dernière demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Pour fonder sa décision implicite née 27 février 2018, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a opposé à la demande de visa de M. K... C... le fait que identité de ce dernier n'était pas établie par les documents produits, non plus qu'en conséquence le lien familial l'unissant à M. M... N..., reconnu réfugié, et qu'il était âgé de plus de 19 ans le jour où il a déposé son visa de long séjour au titre de la réunification familiale. Le ministre de l'intérieur a également exposé dans son mémoire présenté en première instance, à l'appui du motif précité tiré du défaut de lien unissant M. M... N... à M. C..., le fait que ce dernier ne pouvait se prévaloir des dispositions relatives à la réunification familiale, alors qu'il n'était pas le fils adoptif de M. M... N....

3. En premier lieu, la circonstance qu'en réponse à la demande de communication des motifs de la décision implicite née le 27 février 2018 présentée par le conseil de M. M... N... le président de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France lui ait communiqué ces motifs ne s'analyse pas comme une substitution de motif.

4. En deuxième lieu, eu égard à la communication de ces motifs, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision contestée serait illégale faute d'être motivée.

5. En troisième lieu, alors même que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a statué implicitement sur le recours de M. M... N..., il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard aux motifs rappelés aux point 2 qui lui ont été communiqués ultérieurement, que la commission n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de ce dernier et de M. C....

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par une union civile, âgé d'au moins dix-huit ans, si le mariage ou l'union civile est antérieur à la date d'introduction de sa demande d'asile ; (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. / II.- Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. (...) / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier qu'en admettant même que l'identité de M. K... C... serait établie par les pièces produites, il est le neveu de M. M... N... et non son fils adoptif, sans qu'ait d'incidence la circonstance qu'il aurait été recueilli par ce dernier après la mort de la mère en 2000. Aucune pièce n'établit ainsi l'adoption alléguée, sachant qu'en 2016, à l'appui de sa demande de protection internationale, M. M... N... a uniquement indiqué qu'il avait élevé son neveu M. C... après le décès de sa belle-sœur. M. C... ne peut dès lors utilement se prévaloir des dispositions précitées dans le champ duquel il n'entre pas.

8. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Ainsi qu'il a été exposé M. C... ne peut se voir délivrer le visa sollicité au titre de la réunification familiale. Par ailleurs, si M. M... N... soutient que M. C... a toujours vécu avec sa famille depuis 2000 il ne l'établit pas par les pièces présentées, qui sont pour l'essentiel le rappel de ses propres déclarations, quelques photographies d'enfants non identifiables, une attestation de 2017 censée émaner d'une administration régionale érythréenne indiquant sans autre précision que M. C... a été élevé par M. M... N... et son épouse après le décès de sa mère, sur le fondement de trois témoignages non reproduits, et la copie du compte de M. C... sur un réseau social où il aurait discuté avec M. M... N... en 2018 et 2021. Dans ces conditions, alors même que M. C..., âgé de 22 ans à la date de la décision contestée, établit qu'il a été enregistré par le HCR concomitamment avec l'épouse de M. M... N... et leurs cinq enfants en mars 2017 en Éthiopie, il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait intervenue en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En dernier lieu, M. C..., majeur à la date de la décision contestée, ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. M... N... et M. K... C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. M... N... et de M. K... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... M... N..., à M. K... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 26 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juin 2023.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

J. FRANCFORT

La greffière,

H. EL HAMIANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00997


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00997
Date de la décision : 13/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : GUERIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-13;22nt00997 ?
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