La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/06/2023 | FRANCE | N°22NT02115

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 09 juin 2023, 22NT02115


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2105745 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 juillet 20

22 M. A... C..., représenté par

Me Bourgeois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2021 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2105745 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 juillet 2022 M. A... C..., représenté par

Me Bourgeois, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2021 du préfet de la Loire-Atlantique ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au profit de son avocat, Me Bourgeois, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

sur la décision portant refus de titre de séjour :

- elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour ;

sur la décision fixant le pays de destination :

- la décision n'est pas suffisamment motivée, ce qui révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- le préfet s'est estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les dispositions du paragraphe 2 de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 mars 2023, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... C... ne sont pas fondés.

Par une décision du 13 juin 2022, M. A... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Picquet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... C..., ressortissant tchadien né le 1er janvier 1993, est entré en France, selon ses déclarations, le 28 janvier 2019. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mai 2019 et une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 20 octobre 2020. Il a, par une lettre du 17 décembre 2020, sollicité du préfet de la Loire-Atlantique la régularisation de sa situation au regard du séjour par la délivrance d'un titre de séjour mention " salarié ". Par un arrêté du 11 janvier 2021 dont M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation, le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé cette régularisation et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, laquelle obligation fixe le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque ce délai sera expiré. Par un jugement du 19 avril 2022, le tribunal a rejeté la demande d'annulation de cet arrêté. M. A... C... fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que, pour contester l'arrêté du 11 janvier 2021, M. A... C... a notamment soutenu, dans sa demande enregistrée le 25 mai 2021 devant le tribunal administratif de Nantes, que le refus de titre de séjour était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle. Les premiers juges n'ont pas examiné ce moyen, qui n'était pas inopérant. Ils ont ainsi entaché d'irrégularité le jugement attaqué, qui doit être annulé en tant qu'il se prononce sur la légalité du refus de titre de séjour opposé par l'arrêté contesté du 11 janvier 2021.

3. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de M. A... C... tendant à l'annulation du refus de titre de séjour opposé par l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 11 janvier 2021 et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions de la demande présentée par M. A... C... devant le tribunal administratif, ainsi que sur ses conclusions présentées en appel.

Sur le refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, il ressort de l'arrêté contesté que la décision de refus de titre de séjour, qui mentionne notamment les éléments relatifs à la situation familiale et à la durée du séjour en France de l'intéressé, les dispositions des articles L. 313-14 et L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est suffisamment motivée en droit et en fait et cette motivation ne révèle pas de défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé, le préfet n'ayant pas à mentionner l'ensemble des éléments de la situation du requérant mais seulement ceux sur lesquels il entendait fonder sa décision.

5. En deuxième lieu, l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable, dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public et à condition qu'il ne vive pas en état de polygamie, la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2, à l'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles qui justifie de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ".

6. Faute de justifier de trois années d'activité ininterrompue au sein d'un organisme mentionné à l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles, M. A... C... ne remplit pas les conditions pour obtenir une carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de la méconnaissance de ce texte ne peut donc qu'être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 / (...) ".

8. Si le requérant se prévaut de la circonstance qu'il suit des cours de français depuis 2019, de son engagement associatif et des liens amicaux qu'il a pu y nouer et d'une promesse d'embauche à partir du 1er avril 2021, soit postérieurement à l'arrêté contesté, ces éléments ne peuvent être regardés comme constituant des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... C... est célibataire et sans enfant et n'était en France que depuis deux ans à la date de l'arrêté contesté. Il n'est pas établi qu'il n'aurait plus d'attaches au Tchad. Ainsi, les moyens tirés de ce que la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de ce qu'elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé doivent être écartés.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. Il résulte des points 4 à 8 que le moyen tiré de ce que décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle se réfère notamment aux dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à la nationalité du requérant et à l'absence de justification par l'intéressé de ce qu'il ne pourrait pas regagner son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des termes de la décision contestée, que le préfet se serait estimé lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile. Au vu de cette motivation, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation du requérant doit également être écarté.

11. En deuxième lieu, il résulte des points 4 à 9 que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

12. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

13. M. A... C... soutient qu'il est assimilé au conseil de commandement militaire pour le statut de la République, mouvement d'opposition violemment réprimé par les autorités tchadiennes. Toutefois, les éléments produits, à portée générale, ne permettent pas d'établir les risques personnellement encourus par le requérant. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

14. Il résulte de ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 11 janvier 2021 pris par le préfet de la Loire-Atlantique en tant qu'il porte refus de titre de séjour et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2105745 du 19 avril 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. A... C... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 11 janvier 2021 en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour.

Article 2 : Les conclusions de M. A... C... présentées devant le tribunal administratif de Nantes et tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 11 janvier 2021 en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour ainsi que le surplus de ses conclusions présentées en appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2023.

La rapporteure

P. Picquet

La présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02115


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02115
Date de la décision : 09/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-09;22nt02115 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award