Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Createch a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les véhicules des sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des périodes, respectivement, du 1er avril 2015 au 31 mars 2017 et du 1er octobre 2014 au
31 décembre 2017.
Par un jugement n° 2000505 du 20 octobre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 17 décembre 2021 et 26 avril 2023, l'EURL Createch, représentée par Me Pelé, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les conclusions à fin de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée étaient partiellement irrecevables ;
- l'absence de saisine de la commission des impôts l'a privée d'une garantie ;
- les rectifications en matière d'impôt sur les sociétés n'ont pas été mentionnées sur l'avis de mise en recouvrement en méconnaissance de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ;
- la procédure de taxation d'office ne pouvait être mise en œuvre pour les rappels de taxe sur les véhicules des sociétés sans qu'une mise en demeure ne lui ait été notifiée en application du paragraphe 70 de l'instruction BOI-CF-IOR-10-10, dont elle est fondée à se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
- le 6° du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts est incompatible avec le 2ème alinéa de l'article 176 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- le 8° du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts est incompatible avec le 2ème alinéa de l'article 176 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- le défaut de production d'une facture d'achat de biens ou de services ne peut empêcher la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée correspondante si l'assujetti établit par des preuves objectives que les conditions matérielles d'exercice de ce droit sont satisfaites, ce qu'elle fait ;
- la taxe sur la valeur ajoutée déduite par anticipation était bien exigible chez ses fournisseurs ; elle conteste également les rappels de taxe sur la valeur ajoutée déduite sur des opérations étrangères à des opérations taxables ;
- les rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés ne sont pas motivés dans la réponse à sa réclamation contentieuse, ce qui démontre leur absence de bien-fondé ; elle conteste la remise en cause de la déductibilité de frais d'entretien de biens immobiliers et de déplacement ; il y a donc lieu de corriger le déficit imposable ;
- la soumission des véhicules immatriculés dans la catégorie voitures ou N1 à la taxe sur les véhicules des sociétés alors que les véhicules dits à usage commercial ou industriel n'y sont pas soumis est contraire au principe d'égalité devant les charges publiques.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 juin 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au
27 avril 2023, à 12 heures.
Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a produit, après clôture de l'instruction, le 11 mai 2023 un mémoire qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Penhoat,
- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
- et les observations de Me Pelé, pour l'EURL Createch.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL Createch a une activité de bailleur de locaux commerciaux et industriels. A l'issue d'une vérification de comptabilité, elle a fait l'objet de rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les véhicules des sociétés ainsi que d'une modification des bases imposables à l'impôt sur les sociétés. Elle a formé une réclamation contentieuse qui a été rejetée par deux décisions du 30 décembre 2019. L'EURL Createch relève appel du jugement du 20 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si l'EURL Createch fait valoir devant la cour que les premiers juges ont à tort estimé que ses conclusions à fin de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée étaient partiellement irrecevables, elle n'a toutefois présenté ce moyen de régularité, qui relève d'une cause juridique distincte de ceux invoqués à l'appui de sa requête d'appel, que dans son mémoire enregistré le 26 avril 2023, après l'expiration du délai d'appel. Ce moyen doit dès lors être écarté comme irrecevable.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts (...) ". Aux termes de l'article L. 59 A du même livre, dans sa rédaction applicable : " I. La commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires intervient lorsque le désaccord porte : 1° Sur le montant du résultat industriel et commercial, non commercial, agricole ou du chiffre d'affaires, déterminé selon un mode réel d'imposition ; 2° Sur les conditions d'application des régimes d'exonération ou d'allégements fiscaux en faveur des entreprises nouvelles (...) 3° Sur l'application du 1° du 1 de l'article 39 et du d de l'article 111 du même code relatifs aux rémunérations non déductibles pour la détermination du résultat des entreprises industrielles ou commerciales, ou du 5 de l'article 39 du même code relatif aux dépenses que ces mêmes entreprises doivent mentionner sur le relevé prévu à l'article 54 quater du même code ; 4° Sur la valeur vénale des immeubles, des fonds de commerce, des parts d'intérêts, des actions ou des parts de sociétés immobilières servant de base à la taxe sur la valeur ajoutée, en application du 6° et du 1 du 7° de l'article 257 du même code (...) ".
4. En vertu des dispositions précitées de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'est compétente ni en matière de droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ni en matière de taxe sur les véhicules des sociétés. Le désaccord opposant l'administration fiscale à l'EURL Createch ne relevait ainsi pas du champ de compétence de cette commission. L'EURL Createch n'est par suite pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière en l'absence de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1010 du code général des impôts : " Les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu'elles utilisent en France, quel que soit l'Etat dans lequel ils sont immatriculés, ou qu'elles possèdent et qui sont immatriculés en France. (...) La taxe est acquittée sur déclaration dans des conditions fixées par décret ". Aux termes de l'article 406 bis de l'annexe III au code général des impôts : " I. - La déclaration prévue à l'article 1010 du code général des impôts, souscrite sur des imprimés fournis par l'administration, est déposée, dans les deux premiers mois de chaque période d'imposition au service des impôts du lieu où doit être établie la déclaration de résultats de l'entreprise. / L'impôt exigible est acquitté, lors du dépôt de cette déclaration par les moyens de paiement ordinaires. (...) III. - Pour chaque période annuelle d'imposition, la taxe est liquidée par trimestre, en fonction du nombre et du taux d'émission de dioxyde de carbone ou de la puissance fiscale des véhicules possédés par la personne morale au premier jour du trimestre ou utilisés par celle-ci au cours de ce trimestre, qu'il s'agisse de véhicules pris en location ou mis à sa disposition ou encore pour lesquels elle a procédé au remboursement des frais kilométriques à ses salariés ou dirigeants. (...) V. - La taxe est payable en une seule fois, dans les conditions prévues au I, à l'expiration de la période d'imposition définie à l'article 310 E de l'annexe II au code général des impôts. " Enfin, l'article 1010 B du même code précise que : " Le recouvrement et le contrôle de la taxe prévue à l'article 1010 sont assurés selon les procédures, sûretés, garanties et sanctions applicables en matière de taxes sur le chiffre d'affaires (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que la procédure d'imposition d'office prévue au 3° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales et applicable aux " personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes " sur le chiffre d'affaires est applicable aux redevables de la taxe sur les véhicules de sociétés qui n'ont pas déposé la déclaration prévue à l'article 406 bis de l'annexe III au code général des impôts. Il est constant que la société requérante n'a déposé aucune des déclarations auxquelles elle était tenue au cours de la période vérifiée. Par suite, le moyen tiré de ce que les rappels de taxe sur les véhicules de sociétés, établis selon la procédure de taxation d'office, ont été établis selon une procédure irrégulière doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis.. (...) ".
8. Si L'EURL Createch se plaint de ce que les rectifications en matière d'impôt sur les sociétés n'ont pas été mentionnées sur l'avis de mise en recouvrement, il est constant qu'aucune imposition supplémentaire à l'impôt sur les sociétés n'a été mise à la charge de l'EURL, seul le déficit reportable ayant été rectifié.
9. Enfin, l'EURL Createch ne peut se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine qu'elle invoque dès lors qu'elle est relative à la procédure d'imposition.
Sur le bien-fondé des impositions :
S'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée déductible :
10. En premier lieu, les dispositions de l'article 17 de la sixième directive du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, reprises à l'article 176 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, fixent comme objectif aux autorités nationales de ne pas étendre, à compter de l'entrée en vigueur de la sixième directive, le 1er janvier 1979, le champ des exclusions du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée prévues par les textes nationaux applicables à cette date. Elles impliquent également que, dans la mesure où la réglementation d'un Etat membre modifie, postérieurement à l'entrée en vigueur de la sixième directive, en le réduisant, le champ des exclusions existantes et se rapproche par là même de l'objectif de cette directive, cette réglementation est couverte par la dérogation prévue à l'article 17 paragraphe 6 second alinéa de la sixième directive et ne méconnaît pas le paragraphe 2 de cet article. En revanche, une réglementation nationale qui a pour effet d'étendre, postérieurement à l'entrée en vigueur de la directive, le champ des exclusions existantes, en s'éloignant ainsi de l'objectif de cette directive, ne constitue pas une dérogation permise par l'article 17 paragraphe 6 second alinéa de la directive et méconnaît son article 17 paragraphe 2. Il en va ainsi pour toute modification postérieure à l'entrée en vigueur de la sixième directive qui étend le champ des exclusions applicables immédiatement avant cette modification.
11. D'une part, aux termes de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, relatif à la taxe sur la valeur ajoutée déductible : " (...) 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : (...) / 6° Pour les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes (...) / 8° A l'exception des cas prévus au 1° bis du 4 de l'article 298 du code général des impôts : (...) / b) Pour les produits pétroliers mentionnés au e du 1° du même 4 (...) ".
12. Si les dispositions précitées de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts ont pour origine le décret n° 2007-566 du 16 avril 2007, elles n'ont fait que reprendre l'exclusion du droit à déduction alors codifiée à l'article 237 de la même annexe et issue de l'article 8 du décret n° 67-604 du 27 juillet 1967. Par suite, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient la clause de " gel " prévue par les directives mentionnées au point 10 doit être écarté.
13. D'autre part, aux termes de l'article 298 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er janvier 2017 : " (...) 4.1° N'est pas déductible la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux achats, importations, acquisitions intracommunautaires, livraisons et services portant sur : / a les essences utilisées comme carburants mentionnées au tableau B de l'article 265 du code des douanes, à l'exception de celles utilisées pour les essais effectués pour les besoins de la fabrication de moteurs ou d'engins à moteur ; / b Dans la limite de 20 % de son montant, les gazoles et le superéthanol E85 utilisés comme carburants mentionnés au tableau B de l'article 265 du code des douanes utilisés pour des véhicules et engins exclus du droit à déduction ainsi que pour des véhicules et engins pris en location quand le preneur ne peut pas déduire la taxe relative à cette location, à l'exception de ceux utilisés pour les essais effectués pour les besoins de la fabrication de moteurs ou d'engins à moteur (...) ". Dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2017, le a. du 1° du 4 de cet article prévoit l'absence de déductibilité, dans la limite de 90 % de son montant, de la taxe sur la valeur ajoutée portant sur les " essences utilisées comme carburants mentionnés au tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes pour des véhicules et engins exclus du droit à déduction ainsi que pour des véhicules et engins pris en location quand le preneur ne peut pas déduire la taxe relative à cette location, à l'exception de celles utilisées pour les essais effectués pour les besoins de la fabrication de moteurs ou d'engins à moteur ".
14. Au 1er janvier 1979, l'article 298 du code général des impôts excluait déjà la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses de carburants mentionnés au point précédent. Les taux de déductibilité prévus par les dispositions précitées de l'article 298 sont par ailleurs les plus élevés auxquels les assujettis ont été autorisés. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient la clause de " gel " prévue par les directives mentionnées au point 10 doit être écarté.
15. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...)".
16. D'autre part, il ressort de la jurisprudence de la CJUE que le principe fondamental de neutralité de la TVA exige que la déduction de celle-ci en amont soit accordée si les conditions matérielles sont satisfaites, même si certaines conditions formelles ont été omises par les assujettis. Par suite, l'administration fiscale ne saurait refuser le droit à déduction de la TVA au seul motif qu'une facture ne remplit pas les conditions requises par l'article 226, points 6 et 7, de la directive TVA, si elle dispose de toutes les données pour vérifier que les conditions de fond relatives à ce droit sont satisfaites. Néanmoins, il incombe à l'assujetti qui demande la déduction de la TVA d'établir qu'il répond aux conditions prévues pour en bénéficier (arrêt du 15 septembre 2016, Barlis 06 - Investimentos Imobiliários e Turísticos, C-516/14). Ainsi, l'assujetti est tenu de fournir des preuves objectives que des biens et des services lui ont effectivement été fournis en amont par des assujettis, pour les besoins de ses propres opérations soumises à la TVA, et à l'égard desquels il s'est effectivement acquitté de la TVA (arrêt du 21 novembre 2018, Lucretiu Hadrian Vadan, C-664/16).
17. Il résulte de l'instruction que le service a remis en cause pour un montant total de 673 euros la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des frais d'entretien, de déplacements et d'achats de petit outillage, en l'absence de pièces justificatives. En se bornant à produire des photographies de parquet supposément prises dans les bureaux qu'elle propose à bail, l'EURL Createch n'apporte pas les preuves objectives requises telles que mentionnées au point précédent, alors qu'elle est seule en mesure de les produire. Dans ces conditions, le service a pu, à bon droit et sans méconnaître le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, refuser la déduction des sommes en cause.
18. Enfin, si la société requérante conteste les rappels correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée déduite par anticipation et à la taxe sur la valeur ajoutée déduite sur des opérations étrangères à des opérations taxables, elle n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
S'agissant de la taxe sur les véhicules des sociétés :
19. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 1010 du code général des impôts méconnaîtraient le principe d'égalité devant les charges publiques garanti par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, que l'EURL Createch réitère sans apporter d'élément nouveau.
S'agissant de l'impôt sur les sociétés :
20. En premier lieu, en admettant que l'administration fiscale n'ait pas correctement répondu à l'ensemble des moyens figurant dans la réclamation préalable, notamment en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés, son silence ne saurait en tout état de cause valoir acceptation de la contestation ou reconnaissance de l'absence de bien-fondé d'une imposition.
21. En deuxième lieu, les rappels de taxe sur la valeur ajoutée assignés à l'EURL Createch pour la période du 1er avril 2015 au 31 mars 2017 étant maintenus pour les motifs exposés aux points précédents, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le profit sur le Trésor qu'elle a réalisé devrait être réduit à due proportion de la réduction de ces mêmes rappels.
22. En troisième lieu, aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Les charges pouvant être admises en déduction du bénéfice imposable, en application des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts, doivent avoir été exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise ou se rattacher à sa gestion normale, correspondre à une charge effective et être appuyées de justificatifs. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
23. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a remis en cause la déductibilité de plusieurs charges diverses concernant des frais d'entretien de biens immobiliers et des dépenses notamment de carburant, restaurants, fleurs, hôtels, frais kilométriques exposées par M. A... au motif que ces dépenses n'étaient pas justifiées. En se bornant à invoquer l'utilité de ces dépenses pour son bon fonctionnement, sans produire aucun élément susceptible d'attester de la réalité de ces dépenses, l'EURL Createch ne justifie pas de la déductibilité de ces charges. Par suite, l'administration était en droit de remettre en cause le caractère déductible de ces dépenses et à modifier en conséquence le montant du déficit reportable.
24. Il résulte de ce qui précède que l'EURL Createch n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a refusé de faire droit à sa demande. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL Createch est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Createch et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 juin 2023.
Le rapporteur
A. PenhoatLa présidente
I. Perrot
La greffière
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 21NT036002