Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Etat à l'indemniser des préjudices financier et moral qu'elle estime avoir subis en raison des erreurs commises dans la gestion de sa carrière et notamment de ses primes et d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter de l'année 2010.
Par un jugement n° 1902757 du 10 février 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 avril et 26 mai 2021 puis le 20 mars 2023, Mme A..., représentée par la société civile professionnelle d'avocats Thouvenin, Coudray, Grévy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 février 2021 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 61 973,35 euros, à parfaire, assortie des intérêts et de leur capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la minute du jugement qui lui a été notifiée n'est pas signée en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- sa requête de première instance n'était pas tardive dès lors qu'elle tend au versement de sommes dues au titre de sa rémunération et non à l'indemnisation d'un préjudice et que les décisions lui accordant les primes litigieuses, qui ont été contestées, n'étaient pas devenues définitives ;
- elle est fondée à solliciter une somme de 7 487,44 euros au titre de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) pour la période allant de janvier 2016 à février 2019 ;
- elle est fondée à solliciter une somme de 4 933,12 euros au titre de la prime de fonctions et de résultats (PFR) pour la période allant de septembre 2010 à décembre 2015 ;
- le litige se rapportant au montant de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) qui lui a été versée ne relève pas de la seule exécution de l'arrêt rendu le 19 novembre 2018 par la cour administrative d'appel de Paris ; le préjudice de retraite en résultant, qui ne saurait être inférieur à 3 625,15 euros, présente un caractère certain ;
- elle a durant sa carrière été victime de discrimination en raison de son handicap et aurait dû accéder au grade d'attaché ; son préjudice de carrière s'élève à 35 927,64 euros ;
- le fait qu'elle n'a bénéficié ni de la NBI, ni de l'IFSE, ni de la PFR aux montants auxquels elle avait droit, lui a causé un préjudice moral, ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence ; ce préjudice doit être évalué à 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 février 2023, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 ;
- le décret n° 2007-887 du 14 mai 2007 ;
- le décret n° 2008-1533 du 22 décembre 2008 ;
- le décret n° 2010-302 du 19 mars 2010 ;
- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;
- l'arrêté du 9 octobre 2009 fixant les montants de référence de la prime de fonctions et de résultats applicables au corps des secrétaires administratifs ;
- l'arrêté du 19 mars 2015 pris pour l'application aux corps des secrétaires administratifs des administrations de l'Etat des dispositions du décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gélard,
- et les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., recrutée à compter du 1er janvier 2008 en qualité de secrétaire administrative de classe normale au sein du ministère des armées, a été promue au grade de secrétaire administrative de classe exceptionnelle à compter du 1er janvier 2009. Entre le 1er janvier 2010 et le 30 juin 2017, elle était chargée du recrutement des stagiaires et de l'accompagnement des militaires qui envisageaient une reconversion professionnelle, et était rattachée au bureau de ... de la direction des ressources humaines de la direction générale de l'armement (DGA). A compter du 1er juillet 2017, Mme A... a été nommée adjointe au chef du bureau ... au centre ministériel de gestion de Rennes. Estimant que les primes qui lui ont été versées étaient insuffisantes et qu'elle avait droit à un complément de retraite au titre de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) ainsi qu'à la réparation de divers préjudices, l'intéressée a présenté, le 8 février 2019, une réclamation préalable auprès de la ministre des armées. Par une décision du 28 mars 2019, sa demande tendant au versement d'une somme globale de 61 973,35 euros a été rejetée. Mme A... relève appel du jugement du 10 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté l'ensemble de ses conclusions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le magistrat rapporteur et par le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement méconnaîtrait les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, et serait irrégulier à raison de ce motif, manque en fait et ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, l'expiration du délai permettant d'introduire un recours en annulation contre une décision expresse dont l'objet est purement pécuniaire fait obstacle à ce que soient présentées des conclusions indemnitaires ayant la même portée.
5. Par un courrier du 8 février 2019, Mme A... a présenté une " demande indemnitaire préalable " tendant à ce que l'Etat lui verse une somme globale de 61 973,35 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation, en réparation de différents préjudices. Elle sollicitait notamment la " réparation du préjudice financier " correspondant aux rappels d'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) et de prime de fonctions et de résultats (PFR), qu'elle estimait lui être dus. Elle demandait en outre la " réparation " du préjudice moral s'y rapportant. Il ressort toutefois des pièces du dossier que par une décision du 16 août 2016, Mme A... a été informée que son emploi relevait du groupe 3 pour l'attribution de l'IFSE. Elle n'a pas contesté le rejet implicite de son recours gracieux présenté le 7 novembre 2016 contre cette décision. Par ailleurs, alors qu'elle en a été informée au plus tard le 19 juillet 2013 ainsi qu'en atteste son courriel adressé à son employeur, Mme A... n'a pas davantage contesté le classement de son poste dans la catégorie " confirmé " pour l'attribution de la PFR. Par suite, à défaut de les avoir contesté dans un délai raisonnable, ces décisions purement pécuniaires sont devenues définitives. La requérante n'était par suite plus recevable à solliciter, par la voie d'une action indemnitaire, le versement des rappels de primes dont elle s'estime avoir été privée ainsi que la réparation du préjudice moral qui en aurait résulté. Mme A... n'était dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a jugé que ses conclusions se rapportant à ces primes étaient tardives et, par suite, irrecevables.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. ".
7. Par un arrêt n° 16PA02932 du 19 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Paris a jugé qu'en ne faisant pas figurer le poste occupé par Mme A... du 1er janvier 2010 au 30 juin 2017 sur la liste des postes éligibles à la nouvelle bonification indiciaire (NBI) le ministre de la défense avait commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. La cour a renvoyé l'intéressée devant son administration pour la liquidation de la somme qui lui était due sur la base de 15 points d'indice pour la période litigieuse. La somme de 6 206,71 euros a été versée le 11 décembre 2018 à Mme A... en exécution de cet arrêt. Dans le cadre de sa réclamation préalable présentée le 8 février 2019, Mme A... a sollicité une régularisation de ses droits à pension au titre de la NBI qu'elle aurait dû percevoir du 1er janvier 2010 au 30 juin 2017. Le ministre a rejeté sa demande. Il fait valoir qu'en l'absence de règlement des cotisations sociales y afférentes, il ne peut établir un certificat permettant à Mme A... de solliciter une majoration de ses droits à pension. Si Mme A... estime que l'Etat n'a pas procédé à une parfaite exécution de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris rendu le 19 novembre 2018, notamment en ce qui concerne ses droits à pension de retraite, il lui incombe de saisir le président de cette juridiction d'une demande d'exécution sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 911-4 du code de justice administrative. Seule la cour administrative d'appel de Paris est, en effet, compétente pour statuer sur une telle demande, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Rennes.
Sur les autres conclusions indemnitaires :
8. D'une part, il est constant qu'à compter du 9 février 2015, la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées a reconnu la qualité de travailleur handicapé à Mme A.... Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que, contrairement à ce qui est allégué, l'intéressée aurait été victime de discriminations en raison de son handicap.
9. D'autre part, Mme A... soutient que le poste sur lequel elle était affectée était " déprécié " et ne lui aurait pas permis d'accéder à un avancement au choix au grade d'attaché. Outre le fait qu'une telle promotion ne constitue pas un droit, la requérante n'établit ni que cette affectation lui aurait été imposée par son employeur, ni que ses mérites auraient justifié une telle promotion. Ses conclusions tendant à la réparation du préjudice moral ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence qui en résulteraient ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ainsi que l'a estimé le tribunal administratif de Rennes.
10. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur le surplus des conclusions :
11. Les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme A... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2023.
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. COIFFET
La greffière,
P. BONNIEU
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00991