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02/06/2023 | FRANCE | N°22NT02247

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 02 juin 2023, 22NT02247


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2019 par lequel le préfet du Finistère a décidé la saisie définitive des armes et munitions qu'il détenait et qui ont été remises à l'autorité administrative en exécution d'un arrêté du 4 mai 2016, la vente aux enchères publiques ou à un armurier des armes saisies, et lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes et munitions, quelle que soit leur catégorie.

Par un jugement n° 2000333 du 3

0 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2019 par lequel le préfet du Finistère a décidé la saisie définitive des armes et munitions qu'il détenait et qui ont été remises à l'autorité administrative en exécution d'un arrêté du 4 mai 2016, la vente aux enchères publiques ou à un armurier des armes saisies, et lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes et munitions, quelle que soit leur catégorie.

Par un jugement n° 2000333 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Buors, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 juin 2022 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Finistère du 16 décembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui restituer les armes et munitions qui avaient été remises à l'autorité administrative à la suite de l'arrêté préfectoral du 4 mai 2016, dans un délai de quinze jours à compte de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et sous la même astreinte ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté contesté méconnait l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration et le principe du contradictoire ; il n'a pu présenter des observations préalables en méconnaissance de l'article R. 312-69 du code de la sécurité intérieure ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé, notamment en ce qu'il omet de viser l'article L. 312-3-1 du code de la sécurité intérieure ;

- il n'est pas établi que le certificat médical sur lequel est fondé l'arrêté ait été pris par un médecin psychiatre visé à l'article R. 312-6 du code de la sécurité intérieure ;

- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation car il ne représente pas un danger grave et immédiat pour lui-même ou pour autrui et les faits qui lui sont reprochés sont anciens ; son état de santé est compatible avec la détention d'armes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2022, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 novembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour de prendre acte de ce qu'il n'a pas qualité pour représenter l'Etat, en application du 6° de l'article R. 811-10-1 du code de justice administrative.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chollet,

- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 19 avril 2016, M. A... a été placé en garde à vue à la suite de la plainte de riverains signalant des coups de feu en provenance de son domicile. Par un arrêté du 4 mai 2016, le préfet du Finistère a décidé de conserver les armes et munitions remises par M. A... aux services de gendarmerie durant un délai maximum d'un an. Après avoir sollicité les observations de l'intéressé et diligenté une enquête administrative, le préfet du Finistère a, par un arrêté du 16 mai 2017, décidé de saisir définitivement les armes et munitions détenues en exécution de l'arrêté du 4 mai 2016, et a interdit à M. A... d'acquérir et de détenir des armes des catégories B, C et D. Le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté par jugement du 17 octobre 2019 pour défaut de motivation et a enjoint au préfet du Finistère de réexaminer la situation de M. A..., ce qu'il a fait. Par un arrêté du 16 décembre 2019, le préfet a prononcé la saisie définitive des armes et munitions détenues par M. A... et lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes ou munitions, quelle que soit leur catégorie. Ce dernier relève appel du jugement du 30 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 décembre 2019.

2. Aux termes de l'article L. 312-9 du code de la sécurité intérieure dans sa version alors applicable : " La conservation de l'arme, des munitions et de leurs éléments remis ou saisis est confiée pendant une durée maximale d'un an aux services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétents. / Durant cette période, le représentant de l'Etat dans le département décide, après que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations, soit la restitution de l'arme, des munitions et de leurs éléments, soit leur saisie définitive. / Les armes, munitions et leurs éléments définitivement saisis en application du précédent alinéa sont vendus aux enchères publiques. Le produit net de la vente bénéficie aux intéressés ". Par ailleurs, l'article L. 312-10 du code de la sécurité intérieure dispose que : " Il est interdit aux personnes dont l'arme, les munitions et leurs éléments ont été saisis en application de l'article L. 312-7 ou de l'article L. 312-9 d'acquérir ou de détenir des armes, munitions et leurs éléments, quelle que soit leur catégorie. (...) ".

3. En premier lieu, l'article R. 312-69 du code de la sécurité intérieure dispose que : " Avant de prendre la décision prévue au deuxième alinéa de l'article L. 312-9, le préfet invite la personne qui détenait l'arme et les munitions à présenter ses observations, notamment quant à son souhait de les détenir à nouveau et quant aux éléments propres à établir que son comportement ou son état de santé ne présente plus de danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui, au vu d'un certificat médical délivré par un médecin spécialiste mentionné à l'article R. 312-6 ". Par ailleurs, l'article R. 312-6 du même code dans sa rédaction alors applicable dispose que : " Le certificat prévu au deuxième alinéa de l'article L. 312-6 ne peut être délivré que par l'un des médecins psychiatres suivants : / 1° Praticiens hospitaliers exerçant ou ayant exercé dans un établissement de santé public ou privé accueillant des malades atteints de troubles mentaux et médecins psychiatres exerçant dans les centres médico-psychologiques ; / 2° Enseignants de psychiatrie des unités de formation et de recherche médicales ; / 3° Médecins de l'infirmerie spéciale de la préfecture de police ; / 4° Experts agréés par les tribunaux en matière psychiatrique ; / 5° Médecins spécialisés titulaires du certificat d'études spéciales ou du diplôme d'études spécialisées en psychiatrie. / Le certificat attestant que l'état de santé psychique et physique est compatible avec l'acquisition et la détention d'une arme a une durée de validité limitée à un mois à partir de la date de son établissement ".

4. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 24 mars 2017, parvenu à l'intéressé le 27 mars suivant, le sous-préfet de Châteaulin, après avoir rappelé que les armes et munitions de M. A... avait été saisies par arrêté du 4 mai 2016 pour une durée d'un an à compter du 19 avril 2016, l'a invité à faire connaitre ses observations ainsi que ses motivations à détenir des armes dans un délai de quinze jours, avant qu'il ne prenne une décision quant à la restitution ou la saisie définitive de ces armes, et à produire un certificat médical d'aptitude physique et psychique à la détention d'une arme, délivré par l'un des experts agréés par les tribunaux en matière psychiatrique dont les coordonnées sont précitées, dans le cas où il souhaiterait la restitution de ce matériel. Il ressort également des pièces du dossier que M. A... a présenté ses observations par un courrier du 19 avril 2017 et a joint un certificat médical. L'arrêté préfectoral du 16 mai 2017 par lequel le préfet du Finistère a notamment ordonné la saisie définitive de ses armes et de ses munitions, a cependant été annulé par un jugement du 17 octobre 2019 du tribunal administratif de Rennes qui a enjoint au préfet le réexamen de la situation administrative de l'intéressé. Le préfet a alors procédé à ce réexamen après avoir demandé à l'intéressé à nouveau, par courrier du 4 novembre 2019, de transmettre un certificat médical conforme aux exigences de l'article R. 312-6 du code de la sécurité intérieure, dans le délai d'un mois, pour attester que sa santé physique et psychique est compatible avec l'acquisition et la détention d'armes, ce que ce dernier a fait par courrier du 5 décembre 2019. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux serait entaché d'un vice de procédure en méconnaissance des dispositions de l'article R. 312-69 du code de la sécurité intérieure.

5. En deuxième lieu, l'arrêté du 16 décembre 2019, qui comporte une motivation en droit précise rappelant les fondements légaux de la décision de saisie définitive et la procédure suivie, mentionne également, les deux procédures administratives antérieures tendant au retrait d'armes, la première en 2011 pour état dépressif accompagné d'une alcoolisation massive, la seconde en 2016 pour avoir tiré des coups de feu à l'arrière de sa maison, ainsi que la mise en cause de l'intéressé les 7 et 10 juin 2017 pour des faits d'insultes, menaces de mort et violences sur la voie publique en état d'ivresse. Il précise également que le rapport des services de gendarmerie sollicité dans le cadre du réexamen indique que le comportement et l'attitude de l'intéressé semblent totalement contraires à la détention d'une ou plusieurs armes à son domicile et qu'il n'est pas exclu qu'il puisse accidentellement ou volontairement faire usage de ses armes contre lui ou des tiers. Sur la base de ces éléments, l'arrêté du préfet du Finistère en conclut que le comportement de l'intéressé est incompatible avec la détention d'armes et présente toujours un danger grave et immédiat pour lui-même ou pour autrui. L'arrêté du 16 décembre 2019 est donc suffisamment motivé et ne méconnait pas les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.

6. En troisième lieu, si M. A... soutient que le certificat médical sur lequel l'arrêté serait fondé n'a pas été établi par un " médecin psychiatre visé à l'article R. 312-6 du code de la sécurité intérieure ", il n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté se borne à viser le certificat médical du 5 décembre 2019 produit par l'intéressé lui-même, qui ne peut donc se prévaloir de son irrégularité.

7. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet de deux procédures administratives tendant au retrait de ses armes. Ainsi, le 1er octobre 2011, sous l'emprise de l'alcoolisme, il a contacté la gendarmerie du Guilvinec en refusant dans un premier temps de décliner son identité mais en affirmant qu'il " venait de tuer quelqu'un " et les gendarmes ont relevé qu'il semblait alors présenter un état dépressif, étant par moment calme puis s'énervant. Le 19 avril 2016, les voisins de M. A... ont signalé à la gendarmerie avoir entendu trois coups de feu par une fenêtre du domicile et ce dernier a été retrouvé également en état d'ivresse. Le 7 juin 2017, M. A... a aussi été mis en cause pour des faits de violence ayant entrainé quatre jours d'incapacité temporaire totale, tout comme le 10 juin 2017 pour des faits de violence, d'exhibitionnisme, d'insultes et de menaces de mort en état d'ivresse. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'unité de gendarmerie du Guilvinec a relevé le 14 avril 2017, d'une part, que le comportement de M. A... fait régner un climat d'inquiétude auprès de la population de son quartier et que plus de vingt-cinq personnes ont signé un courrier adressé au Procureur de la République dans lequel elles dénoncent son comportement incivique et menaçant, d'autre part, que M. A... n'a jamais répondu aux convocations de la gendarmerie. En outre, alors qu'il soutient être un chasseur expérimenté et respectueux des règles, il ressort des pièces du dossier qu'il a été mis un terme à la fin de la saison 2015/2016 à sa participation à la société communale de chasse de Penmarch du fait qu'il ne respectait ni les règles de sécurité, en tirant notamment auprès des habitations, ni la liste des espèces dites chassables. S'il produit un certificat médical établi le 5 décembre 2019 évoquant l'absence de pathologie psychiatrique ou caractérisée, ce document, très sommaire, n'affirme pas de manière certaine que l'état de M. A... serait compatible avec la restitution des armes qui lui ont été confisquées dès lors qu'il précise que les marqueurs biologiques de l'œnolisme sont en cours de vérification. Dans ces conditions, M. A..., qui est notamment sujet à une imprégnation alcoolique rendant son comportement imprévisible et agressif, n'est pas fondé à soutenir qu'en ordonnant la saisie définitive des armes et en lui interdisant d'acquérir ou de posséder des armes ou munitions, le préfet du Finistère aurait entaché sa décision d'erreur de fait et d'erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 312-9 et L. 312-10 du code de la sécurité intérieure. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage apprécié de manière erronée les risques que le comportement ou l'état de santé de M. A... présentait pour lui-même ou pour autrui.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Buors et au préfet du Finistère.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juin 2023.

La rapporteure,

L. CHOLLET

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT02247


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02247
Date de la décision : 02/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : FRANCK BUORS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-02;22nt02247 ?
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