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30/05/2023 | FRANCE | N°22NT00774

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 30 mai 2023, 22NT00774


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... D..., M. G... E... B... et M. I... E... B..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre les décisions des autorités consulaires françaises en Ouganda refusant de délivrer à G... E... B..., I... E... B..., F... E... B..., J... E... B..., H... E... B... et C... E... B... un visa de long séjour en qualité de membres de famill

e de réfugié.

Par un jugement n° 2108558 du 14 février 2022, le tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... D..., M. G... E... B... et M. I... E... B..., ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre les décisions des autorités consulaires françaises en Ouganda refusant de délivrer à G... E... B..., I... E... B..., F... E... B..., J... E... B..., H... E... B... et C... E... B... un visa de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié.

Par un jugement n° 2108558 du 14 février 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 mars 2023, M. E... B... D..., M. G... E... B... et M. I... E... B..., M. F... E... B..., représentés par Me Royon, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 février 2022 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur, à titre principal, de délivrer les visas sollicités dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de la demande de visa dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la cour devra ordonner au ministre de l'intérieur de faire toutes diligences pour permettre l'identification des enfants par empreintes génétiques afin d'établir le lien de filiation ;

- la décision contestée est insuffisamment motivée ;

- la décision contestée est entachée d'erreur d'appréciation, les liens familiaux invoqués étant établis par les documents d'état civil produits et par les éléments de possession d'état ;

- la décision contestée méconnait les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frank a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... B... D... est un ressortissant somalien né le 1er janvier 1976. Il s'est vu reconnaître la qualité de réfugié le 18 janvier 2018. Ses enfants allégués, G... E... B..., né le 1er janvier 2003, I... E... B..., né le 1er janvier 2003, F... E... B..., né le 3 janvier 2004, J... E... B..., né le 1er janvier 2005, H... E... B..., née le 5 février 2006, et C... E... B..., né le 1er janvier 2007, ont déposé des demandes de visas de long séjour auprès des autorités consulaires françaises en Ouganda, en qualité de membres de famille de réfugié. Par une décision du 23 octobre 2020, ces autorités ont refusé de délivrer les visas sollicités. Par un jugement du 14 février 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. E... B... D..., M. G... E... B... et M. I... E... B... tendant à l'annulation de la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision des autorités consulaires. M. E... B... D..., M. G... E... B... et M. I... E... B... relèvent appel de ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ".

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants auraient demandé la communication des motifs de la décision contestée de la commission de recours. Par suite, le moyen tiré de l'absence de motivation de cette décision implicite ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, et dont les dispositions ont été reprises aux articles L. 561-2 à L. 561-5 du même code : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. /II.- (...) / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ". La circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial d'un conjoint ou des enfants d'une personne admise à la qualité de réfugié ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir la réalité du lien matrimonial entre les époux ou du lien de filiation produits à l'appui des demandes de visa.

5. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, aujourd'hui repris à l'article L. 811-2 du même code, prévoit en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

6. Aux termes de l'article L. 434-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la procédure de la réunification familiale en vertu des dispositions précitées de l'article L. 561-4 du même code : " Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 434-2 à L. 434-4. Un regroupement partiel peut toutefois être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants ". Il résulte de ces dispositions que si la demande de réunification familiale doit concerner, en principe, l'ensemble de la famille du ressortissant étranger qui demande à en bénéficier, une réunification familiale partielle peut être autorisée à titre dérogatoire si l'intérêt des enfants le justifie.

7. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du mémoire en défense présenté par le ministre de l'intérieur en première instance, que pour refuser de délivrer le visa de long séjour sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les motifs tirés de ce que, d'une part, les documents produits ne permettaient pas d'établir l'identité des demandeurs de visas et leur lien de filiation avec le réunifiant, d'autre part, la demande de réunification familiale de M. E... B... D... présentait un caractère partiel.

8. D'une part, pour justifier de l'identité de G... E... B..., I... E... B..., F... E... B..., J... E... B..., H... E... B... et C... E... B... ainsi que des liens de filiation allégués, ont été initialement produits les passeports des intéressés, délivrés par les autorités somaliennes les 7 septembre et 12 octobre 2018, ainsi que leurs cartes de résident délivrées le 17 janvier 2019 par les autorités ougandaises. Ces documents, qui ne peuvent être regardés comme des actes d'état civil au sens des dispositions citées au point 4, ne sont pas de nature à établir, dans les circonstances de l'espèce, l'identité des enfants, non plus que le lien de filiation avec M. E... B... D..., dès lors notamment qu'ils ne comportent aucune indication sur la filiation paternelle des intéressés. Si les requérants produisent pour la première fois en appel les certificats de naissance des enfants, dressés le 12 décembre 2021, établis par le maire de Mogadiscio, ces documents ne font pas non plus état de leur lien de filiation avec M. E... B... D.... Par ailleurs les autres documents présentés, qui concernent essentiellement des transferts d'argent réalisés au profit de G... E... B... à compter du mois d'avril 2019, une déclaration des enfants devant notaire en février 2022 et des photographies, ainsi que la déclaration par M. E... B... D... de l'existence des six enfants lors de sa demande d'asile et au sein de sa fiche familiale de référence souscrite auprès de l'OFPRA, ne suffisent pas à établir l'existence d'un lien de filiation par possession d'état. Par suite, le moyen tiré de ce que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait fait une inexacte application des dispositions citées au point 5, en rejetant les demandes de visa en litige au motif que l'identité des enfants G... E... B..., I... E... B..., F... E... B..., J... E... B..., H... E... B... et C... E..., et le lien de filiation à l'égard de M. E... B... D..., n'étaient pas établis, doit être écarté.

9. D'autre part, il n'est pas contesté par les requérants qu'à la date de la décision en litige, aucune demande de visa n'avait été présentée pour l'enfant Achima E... B... née en 2005, déclarée par M. E... B... D... comme sa fille, née le 1er janvier 2005, et qui serait issue de la même union que G... E... B..., I... E... B..., F... E... B..., J... E... B..., H... E... B... et C... E.... Les requérants ne font valoir aucun élément justifiant qu'il aurait été de l'intérêt des enfants de bénéficier d'une réunification familiale partielle. Dans ces conditions, en l'absence de motif, tenant à l'intérêt des enfants, pouvant seul justifier une réunification familiale partielle, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu légalement refuser pour ce second motif de délivrer les visas sollicités.

10. En troisième lieu, eu égard aux développements qui précèdent, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée, que M. E... B... D..., M. G... E... B... et M. I... E... B..., ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... B... D..., M. G... E... B..., M. I... E... B... et M. F... E... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... D..., à M. G... E... B..., à M. I... E... B..., M. F... E... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mai 2023.

Le rapporteur,

A. FRANKLe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22NT00774


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00774
Date de la décision : 30/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : ROYON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-05-30;22nt00774 ?
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