Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 13 janvier 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 25 février 2020 de l'autorité consulaire française à Madagascar refusant de délivrer à la jeune C... A... un visa d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial.
Par un jugement n° 2102731 du 20 septembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 novembre 2021 et 28 mars 2023, M. et Mme A... agissant en qualité de représentants légaux de la jeune C... A..., représentés par Lelong, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 13 janvier 2021 de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les premiers juges ont procédé irrégulièrement à une substitution de base légale sans les inviter à présenter des observations ; le principe du contradictoire a donc été méconnu ;
- les premiers juges ont omis de répondre à leur argumentation, à l'appui de leur moyen relatif à la composition irrégulière de la commission, selon laquelle rien n'indiquait que la feuille de présence de la commission de recours produite par le ministre concernait bien la commission ayant effectivement statué sur leur recours préalable obligatoire ;
- le ministre ne pouvait se fonder sur des dispositions abrogées depuis le 1er janvier 2007 de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision contestée est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle est fondée sur les dispositions des articles 24 et 27 de la loi n°2018-027 du 8 février 2019 relative à l'état civil en lieu et place de ceux de la loi n° 61-025 du 9 octobre 1961 relative aux actes d'état civil ;
- le lien de filiation est établi par les actes d'état civil produits qui sont authentiques et par la possession d'état ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 février 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Montes-Derouet,
- et les observations de Me Duclos, substituant Me Lelong, pour M. et Mme A....
Une note en délibéré, présentée pour les requérants, a été enregistrée le 9 mai 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante malgache, née le 8 avril 1971 à Andapa (Madagascar), a obtenu par une décision du 14 novembre 2019 du préfet de la Vienne une autorisation de regroupement familial au profit de son enfant allégué, C... A..., née le 28 novembre 2006. Par une décision du 25 février 2020, les autorités consulaires françaises à Madagascar ont rejeté la demande de visa de long séjour présentée par la jeune C... A... au titre du regroupement familial. Par une décision du 13 janvier 2021, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision consulaire. Par un jugement du 20 septembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. et Mme A..., agissant en qualité de représentants légaux de la jeune C..., tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours. M. et Mme A... relèvent appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le tribunal administratif s'est borné à juger, au point 7 du jugement attaqué, que l'imprécision de la décision contestée tenant à ce qu'elle indique que l'acte de naissance de C... A... n'est pas conforme " aux articles 24 et 27 de la loi relative à l'état civil " alors que les dispositions applicables aux actes de naissance sont celles issues de la loi malgache n°61-025 du 9 octobre 1961 relative aux actes d'état civil, n'entache pas cette décision d'illégalité et n'a pas procédé, contrairement à ce qui est soutenu, à " une substitution de base légale ". Dès lors, le moyen tiré de ce que les premiers juges en procédant à une telle substitution, sans les inviter préalablement à présenter des observations, aurait méconnu le principe du contradictoire, ne peut qu'être écarté.
3. En second lieu, les premiers juges ont précisé qu'il ressortait des pièces du dossier que, lors de la séance du 13 janvier 2021, au cours de laquelle elle a examiné le recours formé par M. et Mme A..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa s'était réunie en présence de son président et de deux de ses membres de sorte que le moyen tiré de la composition irrégulière de cette commission devait être écarté comme manquant en fait. Par suite, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments des requérants, n'ont pas omis de répondre au moyen tiré du caractère irrégulier de la composition de la commission de recours et ont suffisamment motivé leur jugement sur ce point.
4. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché des irrégularités alléguées.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Aux termes de l'article L. 111-6 du même code, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil, dans sa rédaction alors applicable : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
6. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
7. Il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
8. Il ressort des termes de la décision attaquée que, pour rejeter la demande de visa de long séjour présentée par la jeune C... A..., la commission de recours s'est fondée sur ce que l'acte de naissance produit à l'appui de la demande de visa a été dressé tardivement, sans jugement supplétif, qu'il n'est pas conforme à la législation locale et qu'il comporte des anomalies. La commission de recours a dès lors refusé de délivrer le visa sollicité au motif que la production d'un tel document relevait d'une intention frauduleuse, ne permettant pas d'établir l'identité de la demandeuse de visa ni son lien familial à l'égard de Mme B... A....
9. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission de recours, en mentionnant, dans la décision contestée, que l'acte de naissance de la jeune C... " n'est pas conforme à la législation locale (articles 24 et 27 de la loi relative à l'état-civil) ", se serait référée de façon erronée aux articles 24 et 27 de la loi n° 2018-027 du 8 février 2019 relative à l'état-civil, qui concernent les actes de mariage en lieu et place des articles 24 et 27 de la loi malgache n° 61-025 du 9 octobre 1961 relative aux actes d'état civil, qui concernent les actes de naissance. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de que cette décision serait entachée d'une " erreur de droit " pour ce motif ne peut qu'être écarté.
10. En deuxième lieu, contrairement à ce qui est soutenu, il résulte des dispositions combinées de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur et de l'article 47 du code civil que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact, le cas échéant après qu'il a été procédé à toutes vérifications utiles.
11. En troisième lieu, pour justifier de l'identité et du lien de filiation de la jeune C... A... envers M. et Mme A..., sont produites deux copies certifiées conformes d'un acte de naissance n°1243 délivrées les 8 décembre 2016 et 28 septembre 2020. Il ressort des mentions de ces copies que l'acte de naissance n°1243 a été dressé par un officier d'état civil de la commune urbaine d'Andapa, le 31 décembre 2006, soit au-delà du délai de douze jours dans lequel les naissances doivent être déclarées en vertu de l'article 24 de la loi malgache n° 61-025 du 9 octobre 1961, sans que ne soit produit un jugement supplétif. Les requérants produisent d'ailleurs un jugement du 3 avril 2013 par lequel le tribunal de première instance d'Antalaya a rejeté la requête introduite par Mme A... tendant à rectifier la date d'établissement de l'acte de naissance au 31 décembre 2006, au motif que la naissance de l'enfant avait été déclarée au-delà du délai légal de 12 jours. Par ailleurs, il n'est pas contesté que cet acte de naissance a été établi un dimanche, alors qu'il s'agit d'un jour chômé à Madagascar en vertu de l'article 3 du décret malgache n° 62-150 du 28 mars 1962 déterminant les modalités d'application du repos hebdomadaire, des jours fériés chômés et des jours fériés chômés et payés. Il ressort également des pièces du dossier, d'une part, que le livret de famille français établi à la date du 1er juillet 2008 ne fait nullement mention de la naissance de la jeune C..., le 28 novembre 2006, d'autre part, que l'acte de naissance établi à la date le 31 décembre 2006 mentionne un lien de filiation de la jeune C... à l'égard de M. A... alors que ce dernier n'a reconnu la jeune C... comme sa fille que le 10 septembre 2008, ainsi que cela ressort des mentions de la copie certifiée conforme de cet acte, délivrée le 8 décembre 2016. L'ensemble de ces éléments sont de nature à priver de caractère probant les documents d'état-civil produits par les requérants pour établir l'identité et le lien de filiation de la jeune C... à l'égard de Mme A....
12. En quatrième lieu, les autres éléments versés au dossier, à savoir quelques photographies, des preuves d'envois d'argent effectués pour l'essentiel depuis 2020 et en 2022 pour des montants modiques, alors que Mme A... a quitté Madagascar depuis 2015, au profit de personnes présentées comme s'occupant de la jeune C... établies à Madagascar ainsi que la preuve d'un séjour de Mme A... à Madagascar de mai à septembre 2022, ne suffisent pas à établir le lien de filiation allégué par possession d'état.
13. Il résulte des points 10 à 12 que la commission de recours a pu légalement refuser la délivrance du visa demandé pour la jeune C... au motif que l'identité de l'intéressée et partant son lien familial à l'égard de Mme A... n'étaient pas établis.
14. En dernier lieu, eu égard aux développements qui précèdent, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. et Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Bréchot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2023.
La rapporteure,
I. MONTES-DEROUETLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
Aline LEMEE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT03260