Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI de la Filature a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les articles 6, 9, 11, 12 et 13 de l'arrêté du 13 juin 2018 par lequel la préfète de la Loire-Atlantique a autorisé la remise en fonctionnement de la micro-centrale hydroélectrique du moulin à eau d'Angreviers (Rive droite), en l'assortissant de prescriptions, ainsi que les décisions des 14 août 2018 et 10 septembre 2018 par lesquelles la préfète de la Loire-Atlantique a rejeté le recours gracieux formé par cette société à l'encontre de certaines dispositions de cet arrêté.
Par un jugement n° 1809626 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé les articles 11 et 13 de l'arrêté préfectoral du 13 juin 2018, a modifié la rédaction de l'article 12 de cet arrêté et a rejeté le surplus des conclusions de la demande dirigées contre les articles 6 et 9 du même arrêté.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 mars 2022 et 24 novembre 2022, la SCI de la Filature, représentée par Me Sequeval, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des articles 6 et 9 de l'arrêté du 13 juin 2018 de la préfète de la Loire-Atlantique autorisant la remise en fonctionnement de la micro-centrale hydroélectrique du moulin à eau d'Angreviers (Rive droite) ;
2°) d'annuler les articles 6 et 9 de l'arrêté du 13 juin 2018 ainsi que les décisions préfectorale des 14 août 2018 et 10 septembre 2018 rejetant, dans cette mesure, son recours gracieux contre cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'article 6 de l'arrêté du 13 juin 2018 fixe, sans fondement juridique, une " puissance maximale autorisée à turbiner " de 37,35 KW, en méconnaissance du principe selon lequel un droit fondé en titre conserve sa consistance légale, laquelle correspond à la puissance maximale dont l'exploitant peut en théorie disposer ;
- la limitation de la puissance maximale brute prévue à l'article 6 est inutile en ce qu'elle procède d'une mauvaise appréciation des caractéristiques d'un moulin à eau ;
- la protection des poissons migrateurs est assurée efficacement par les prescriptions techniques qui lui sont imposées notamment l'installation des grilles avec entrefer de 20 mm qui évite toute mortalité des poissons migrateurs ;
- la limitation de la puissance maximale brute est inadaptée et disproportionnée compte-tenu des prescriptions fixées par les articles 7 et 8 de l'arrêté contesté ;
- les prescriptions de l'article 9 sont inutiles en ce que la préfète lui impose des prescriptions en vue d'assurer le respect du fonctionnement d'ouvrages qui n'existent pas sur le moulin situé en rive gauche, lequel est en état d'abandon ;
- la préfète s'est illégalement fondée sur les dispositions du deuxième alinéa du 1° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement qui sont inapplicables à la remise en exploitation d'installations ou d'ouvrages existants fondés en titre ;
- l'article 9 fait reposer sur elle des obligations de continuité écologique qui devraient être imposées au seul propriétaire du moulin situé en rive gauche, le moulin situé en rive droite qu'elle exploite étant, quant à lui, exonéré de ces obligations en vertu des dispositions de l'article L. 214-18-1 du code de l'environnement.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 octobre 2022 et 28 décembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SCI de la Filature ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bernot, pour la SCI de la Filature et de M. A..., gérant de la SCI de la Filature.
Une note en délibéré présentée pour la SCI de la Filature par Me Bernot a été enregistrée le 11 avril 2023.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI de la Filature est propriétaire d'un ouvrage hydraulique, le moulin d'Angreviers, situé sur la rive droite de la Sèvre nantaise, sur le territoire de la commune de Gorges. En janvier 2016, la société requérante a adressé au service de la police de l'eau de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de Loire-Atlantique une demande visant à la reconnaissance de l'existence et de la consistance légale du droit d'eau attaché au moulin, puis, un porter à connaissance de la remise en fonctionnement de la micro-centrale électrique de ce moulin. Le 17 avril 2018, la préfète de la Loire-Atlantique a adressé à la SCI de la Filature un projet d'arrêté précisant les modalités de fonctionnement de l'ouvrage. La SCI de la Filature a sollicité une modification de ce projet d'arrêté à laquelle les services préfectoraux ont partiellement fait droit. Par un arrêté du 13 juin 2018, la préfète de la Loire Atlantique a autorisé la remise en fonctionnement de la micro-centrale hydroélectrique en l'assortissant de prescriptions. Le recours gracieux de la SCI de la Filature tendant au retrait et à la modification de certains articles de cet arrêté a été rejeté par des décisions préfectorales des 14 août et 10 septembre 2018. Par un jugement du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de cette société, les articles 11 et 13 de l'arrêté du 13 juin 2018, a modifié l'article 12 de l'arrêté et a rejeté le surplus des conclusions de la demande dirigées contre les articles 6 et 9 de cet arrêté. La SCI de la Filature relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des articles 6 et 9 de cet arrêté et à l'annulation, dans cette mesure, des décisions des 14 août 2018 et 10 septembre 2018 portant rejet de son recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les dispositions applicables au litige :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement : " I. Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : / (...) / 5° La valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource (...) / 7° Le rétablissement de la continuité écologique au sein des bassins hydrographiques. / (...) / III. - La gestion équilibrée de la ressource en eau ne fait pas obstacle à la préservation du patrimoine hydraulique, en particulier des moulins hydrauliques et de leurs dépendances, ouvrages aménagés pour l'utilisation de la force hydraulique des cours d'eau (...) ".
3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions du II de l'article L. 214-6 du code de l'environnement : " Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre ". Selon le VI de ce même article : " Les installations, ouvrages et activités visés par les II, III et IV sont soumis aux dispositions de la présente section ".
4. Entrent dans le champ de l'article L. 214-6 les installations hydrauliques qui, autorisées à la date du 18 octobre 1919 et dont la puissance ne dépasse pas 150 kilowatts, demeurent, en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'énergie hydroélectrique, aujourd'hui codifiées à l'article L. 511-9 du code de l'énergie, autorisées conformément à leur titre. Il en résulte que ces installations sont soumises, pour leur exploitation, aux dispositions des articles L. 214-1 à L. 214-11 du code de l'environnement, qui définissent le régime de la police de l'eau, notamment à celles qui définissent les conditions dans lesquelles, en vertu de l'article L. 214-4, l'autorisation peut être abrogée ou modifiée sans indemnisation.
5. En troisième lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 214-4 du code de l'environnement : " (...)/ II bis A compter du 1er janvier 2014, en application des objectifs et des orientations du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, sur les cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux classés au titre du I de l'article L. 214-17, l'autorisation peut être modifiée, sans indemnité de la part de l'Etat exerçant ses pouvoirs de police, dès lors que le fonctionnement des ouvrages ou des installations ne permet pas la préservation des espèces migratrices vivant alternativement en eau douce et en eau salée (...) ". Aux termes de l'article R. 214-18-1 du même code : " I. - Le confortement, la remise en eau ou la remise en exploitation d'installations ou d'ouvrages existants fondés en titre ou autorisés avant le 16 octobre 1919 pour une puissance hydroélectrique inférieure à 150 kW sont portés, avant leur réalisation, à la connaissance du préfet avec tous les éléments d'appréciation. / II. - Le préfet, au vu de ces éléments d'appréciation, peut prendre une ou plusieurs des dispositions suivantes :/ 1° Reconnaître le droit fondé en titre attaché à l'installation ou à l'ouvrage et sa consistance légale ou en reconnaître le caractère autorisé avant 1919 pour une puissance inférieure à 150 kW / (...)/ 3° Modifier ou abroger le droit fondé en titre ou l'autorisation en application des dispositions du II ou du II bis de l'article L. 214-4 ; / 4° Fixer, s'il y a lieu, des prescriptions complémentaires dans les formes prévues à l'article R. 181-45 ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 214-17 du code de l'environnement : " I.- (...) l'autorité administrative établit, pour chaque bassin ou sous-bassin : / 1° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux parmi ceux qui sont en très bon état écologique ou identifiés par les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux comme jouant le rôle de réservoir biologique nécessaire au maintien ou à l'atteinte du bon état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou dans lesquels une protection complète des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée est nécessaire, sur lesquels aucune autorisation ou concession ne peut être accordée pour la construction de nouveaux ouvrages s'ils constituent un obstacle à la continuité écologique. / Le renouvellement de la concession ou de l'autorisation des ouvrages existants, régulièrement installés sur ces cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux, est subordonné à des prescriptions permettant de maintenir le très bon état écologique des eaux, de maintenir ou d'atteindre le bon état écologique des cours d'eau d'un bassin versant ou d'assurer la protection des poissons migrateurs vivant alternativement en eau douce et en eau salée ; (...) 2° Une liste de cours d'eau, parties de cours d'eau ou canaux dans lesquels il est nécessaire d'assurer le transport suffisant des sédiments et la circulation des poissons migrateurs. Tout ouvrage doit y être géré, entretenu et équipé selon des règles définies par l'autorité administrative, en concertation avec le propriétaire ou, à défaut, l'exploitant, sans que puisse être remis en cause son usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d'énergie. S'agissant plus particulièrement des moulins à eau, l'entretien, la gestion et l'équipement des ouvrages de retenue sont les seules modalités prévues pour l'accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments, à l'exclusion de toute autre, notamment de celles portant sur la destruction de ces ouvrages (...) ". Aux termes de l'article L. 214-18 du même code : " I.- Tout ouvrage à construire dans le lit d'un cours d'eau doit comporter (...) des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d'amenée et de fuite. (...) IV.- Pour les ouvrages existant à la date de promulgation de la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, les obligations qu'elle institue sont substituées, dès le renouvellement de leur concession ou autorisation et au plus tard le 1er janvier 2014, aux obligations qui leur étaient précédemment faites. Cette substitution ne donne lieu à indemnité que dans les conditions prévues au III de l'article L. 214-17 (...) ".
7. Enfin, les dispositions de l'article L. 214-18-1 du code de l'environnement, qui exonéraient les moulins à eau existant à la date de publication de la loi du 24 février 2017 des obligations mentionnées au 2° du I de l'article L. 214-17 du code de l'environnement, ont été abrogées par l'article 71 de la loi n° 2023-175 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.
8. Il résulte des dispositions citées aux points 6 et 7 ci-dessus, notamment du I de l'article L. 214-17 et du IV de l'article L. 214-18 du code de l'environnement, que les installations et ouvrages fondés en titre sont soumis, au plus tard le 1er janvier 2014, aux dispositions de ces articles qui définissent les conditions dans lesquelles l'autorité administrative impose, selon le classement des cours d'eau, des règles permettant d'assurer, notamment, la protection et la circulation des poissons migrateurs et d'empêcher la pénétration des poissons dans les canaux d'amenée et de fuite. Ainsi, dans l'exercice de ses pouvoirs de police de l'eau, l'autorité administrative peut imposer à l'exploitant de toute installation existante, y compris fondée en titre, les prescriptions nécessaires à la préservation des milieux naturels aquatiques.
9. Il est constant que le moulin à eau d'Angreviers propriété de la SCI de la Filature bénéficie d'un droit d'eau fondé en titre en raison de sa présence sur la carte de Cassini, formalisé par l'ordonnance royale du 23 juillet 1828 et qu'il est situé sur la Sèvre nantaise, cours d'eau classé sur les listes 1 et 2 définies à l'article L. 214-17 du code de l'environnement. Par suite, la préfète de Loire-Atlantique pouvait, sur le fondement des dispositions précitées, imposer à cette société des prescriptions en vue d'assurer, notamment, la protection des poissons migrateurs.
En ce qui concerne l'article 6 de l'arrêté du 13 juin 2018 fixant la puissance maximale autorisée à turbiner :
10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'énergie : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 511-4, nul ne peut disposer de l'énergie des marées, des lacs et des cours d'eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l'État. ". Aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne sont pas soumises aux dispositions du présent livre : / 1° Les usines ayant une existence légale ; (...) ". Aux termes de l'article L. 511-5 du même code : " Sont placées sous le régime de la concession les installations hydrauliques dont la puissance excède 4 500 kilowatts. / Les autres installations sont placées sous le régime de l'autorisation selon les modalités définies à l'article L. 531-1. / La puissance d'une installation hydraulique, ou puissance maximale brute, au sens du présent livre est définie comme le produit de la hauteur de chute par le débit maximum de la dérivation par l'intensité de la pesanteur ".
11. Un droit fondé en titre conserve, en principe, la consistance légale qui était la sienne à l'origine. A défaut de preuve contraire, cette consistance est présumée conforme à sa consistance actuelle. Elle correspond, non à la force motrice utile que l'exploitant retire de son installation, compte tenu de l'efficacité plus ou moins grande de l'usine hydroélectrique, mais à la puissance maximale dont il peut, en théorie, disposer. S'il résulte des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'énergie, que les ouvrages fondés en titre ne sont pas soumis aux dispositions du livre V " Dispositions relatives à l'utilisation de l'énergie hydraulique " du code de l'énergie, leur puissance maximale est calculée en appliquant la même formule que celle qui figure au troisième alinéa de l'article L. 511-5 précité, c'est-à-dire en faisant le produit de la hauteur de chute par le débit maximum de la dérivation par l'intensité de la pesanteur.
12. Il résulte de l'instruction que l'arrêté du 13 juin 2018 fixe, en son article 5, la consistance légale des droits attachés au moulin d'Angreviers à une puissance maximale brute de 110,6 kilowatts, non contestée par la société requérante, et fixe, en son article 6, une puissance maximale à turbiner de 37,35 kilowatts. Contrairement à ce que soutient cette société, la préfète de Loire-Atlantique pouvait, ainsi qu'elle l'a fait à l'article 6 de l'arrêté contesté, sur le fondement des dispositions citées aux points 2 à 7, et notamment des articles L. 214-17 et L. 214-18 du code de l'environnement, fixer la puissance maximale à turbiner de l'installation à un niveau propre à assurer la circulation des poissons migrateurs et à empêcher qu'ils pénètrent dans le canal d'amenée situé en rive droite immédiate du cours d'eau.
13. Il résulte de l'instruction que la puissance maximale autorisée à turbiner fixée, par l'article 6 de l'arrêté, à 37,35 kilowatts a été déterminée à partir d'un débit turbiné maximal (Q) de 2,24 m3/s, d'une hauteur de chute (H) de 1,7 mètres et d'une accélération de la pesanteur (g) de 9,81 m/s² et par application de la formule P = Q x g x H. Il résulte, également, de l'instruction que ce débit turbiné maximal de 2,24 m3/s correspond au " débit d'équipement " défini, au point 4.5 du dossier de porter à connaissance joint à la demande de remise en fonctionnement de la micro-centrale du moulin présentée par la SCI de la Filature, comme étant celui fixé au point 4.3 sous l'intitulé " Débit maximal turbiné " de ce dossier, que la société a retenu pour calculer la vitesse d'approche moyenne, obtenue par le rapport entre le débit turbiné maximal (Q) de 2,24 m3/s et l'aire de la section totale d'écoulement (A) de 7 m², de la grille ichtyo-compatible installée par la société, dont il ressort des termes de ce même dossier qu'elle est destinée à empêcher, en période de dévalaison, la pénétration des anguilles dans le canal d'amenée (point 4.6.3) et à garantir une " mortalité nulle des espèces piscicoles et notamment des anguilles " (point 4.6.11), en évitant notamment qu'elles ne s'écrasent contre la grille. La puissance maximale à turbiner du moulin à eau ayant ainsi été fixée, par l'article 6 de l'arrêté préfectoral, à 37,35 kilowatts, conformément aux éléments énoncés par la société elle-même dans son dossier de porter à connaissance, celle-ci ne peut soutenir que la préfète de la Loire-Atlantique aurait procédé à une appréciation erronée des caractéristiques du moulin d'Angreviers. De la même façon, doit être écarté le moyen tiré par la société requérante de ce que le débit réservé et les caractéristiques de la grille, fixés aux articles 7 et 8 de l'arrêté contesté, étaient suffisants pour assurer la protection des poissons migrateurs dès lors que ce débit réservé et les caractéristiques de la grille sont ceux qui ont été déterminés à cette fin dans son dossier de porter à connaissance, compte tenu du débit maximal turbiné qu'elle a retenu.
En ce qui concerne l'article 9 de l'arrêté du 13 juin 2018 relatif à la préservation des droits et obligations du moulin situé en rive gauche :
14. L'arrêté contesté prévoit, en son article 9, que les vannes du moulin d'Angreviers situé en rive droite de la Sèvre nantaise sont gérées de façon à ne pas porter préjudice au fonctionnement des ouvrages qui seront implantés en vue de la montaison piscicole sur le moulin en rive gauche, que la somme des débits turbinés et déversés au niveau du moulin en rive droite ne doit pas générer un attrait plus important que l'ouvrage ou les ouvrages de franchissement à la montaison ni restreindre l'alimentation des ouvrages de franchissement en rive gauche d'une manière portant atteinte à leur fonctionnalité et que le débit réservé transite par les équipements prévus pour l'ouvrage en rive gauche.
15. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le seuil d'Angreviers permet l'usage de la force motrice du cours d'eau par les deux moulins, situés, l'un, sur la rive droite, propriété de la SCI de la Filature, l'autre, sur la rive gauche, propriété du département de la Loire-Atlantique, de part et d'autre du seuil barrant la Sèvre nantaise. Il est constant qu'ils disposent chacun d'un droit d'usage de l'eau fondé en titre. Si le département n'a pas le projet de faire usage des droits d'eau attachés au moulin implanté en rive gauche, il résulte de l'instruction qu'il a diligenté une étude afin de déterminer les dispositifs nécessaires à la montaison des espèces de poissons migratrices, conformément à l'obligation mise à sa charge par les dispositions de l'article L. 214-17 du code de l'environnement en raison du classement, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de la Sèvre nantaise. Il s'ensuit que la préfète de la Loire-Atlantique a pu légalement prendre en compte, du fait de cette configuration particulière des deux ouvrages situés sur chacune des rives de la Sèvre nantaise, de part et d'autre, du seuil d'Angreviers, les incidences que la remise en fonctionnement du moulin d'Angreviers (Rive droite) était susceptible d'avoir sur le moulin (Rive gauche), propriété du département, notamment sur le fonctionnement des ouvrages de franchissement piscicoles devant être mis en place par ce dernier et destinés à assurer la continuité écologique du cours d'eau, alors même que ces dispositifs n'étaient pas encore installés à la date de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, et alors que la société requérante n'établit ni même n'allègue que les mesures prévues par l'article 9 de l'arrêté contesté seraient de nature à affecter les conditions de fonctionnement du moulin d'Angreviers qu'elle exploite, telles qu'énoncées dans son dossier de porter à connaissance et reprises dans l'arrêté, la préfète de la Loire-Atlantique n'a pas procédé à une inexacte application de l'article L. 214-17 en lui imposant de veiller à ce que les débits turbinés et restitués en rive droite ne génèrent pas un attrait plus important que l'ouvrage à installer par le département en rive gauche et ne réduisent pas l'alimentation en eau de ces mêmes ouvrages.
16. En second lieu, si la requérante soutient que la préfète de la Loire-Atlantique ne pouvait lui imposer, dans le dernier alinéa de l'article 9 de l'arrêté contesté, de veiller à ce que le débit réservé transite par les équipements prévus pour l'ouvrage situé en rive gauche, il résulte de l'instruction que la préfète n'a pas entendu, ce faisant, lui imposer des sujétions supplémentaires, le ministre faisant valoir dans ses écritures, sans être contesté, que " c'est le calage de l'ouvrage en rive gauche par rapport à la cote normale qui permettra cette répartition du débit réservé ".
17. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI de la Filature n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des articles 6 et 9 de l'arrêté du 13 juin 2018 de la préfète de la Loire-Atlantique et à l'annulation, dans cette mesure, des décisions préfectorales des 14 août 2018 et 10 septembre 2018 portant rejet de son recours gracieux.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SCI de la Filature demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de SCI de la Filature est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI de la Filature et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Bréchot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2023.
La rapporteure,
I. B...
La présidente,
C. BUFFET
La greffière,
A. LEMEE
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT00864