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05/05/2023 | FRANCE | N°22NT00247

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 05 mai 2023, 22NT00247


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 juin 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer à Mme D... un visa d'entrée et de long séjour en qualité de conjointe de ressortissant français.

Par un jugement n°2106549 du 22 novembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2022, M. B... A... et Mme C... D...

, représentés par Me Régent, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et Mme C... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 8 juin 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer à Mme D... un visa d'entrée et de long séjour en qualité de conjointe de ressortissant français.

Par un jugement n°2106549 du 22 novembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2022, M. B... A... et Mme C... D..., représentés par Me Régent, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 8 juin 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer à Mme D... un visa d'entrée et de long séjour ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 350 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991

Ils soutiennent que :

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier en considérant que leur mariage présentait un caractère complaisant ;

- les premiers juges ont procédé à un renversement illégal de la charge de la preuve de l'existence d'une communauté de vie effective entre les époux, alors que le visa en qualité de conjoint de français est un droit et que la communauté de vie est présumée ;

- la décision contestée méconnaît l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en l'absence de preuve par l'administration de la fraude qu'elle invoque ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au ministre de l'intérieur qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...

- et les observations de Me Régent représentant M. A... et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant français, né le 5 décembre 1965, a épousé, le 9 mars 2019 à Nice, Mme D..., ressortissante dominicaine, née le 5 juillet 1974. Par un jugement n°2011313 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 19 janvier 2020 des autorités consulaires françaises en République Dominicaine refusant de délivrer à Mme D... un visa de long séjour en qualité de conjointe de ressortissant français et a enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de sa demande de visa. Par une décision du 8 juin 2021, le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer le visa sollicité. Par un jugement du 22 novembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. A... et de Mme D... tendant à l'annulation de cette décision du 8 juin 2021. M. A... et Mme D... relèvent appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable et désormais repris à l'article L. 312-3 du même code : " Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa.

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer le visa sollicité par Mme D... en qualité de conjointe d'un ressortissant français, le ministre s'est fondé sur ce que le mariage de M. A... et de Mme D... avait été contracté à des fins étrangères à l'union matrimoniale et dans le seul but de permettre à Mme D... de s'établir en France.

5. Le ministre de l'intérieur s'est borné en première instance à soutenir qu'il " n'est présenté aucun élément permettant de conclure à la sincérité de l'intention matrimoniale de Mme D... ", en l'absence d'établissement de la réalité d'une vie commune avant la célébration du mariage, que les époux n'attestent pas participer de manière équivalente aux charges du ménage et que la teneur de certains des échanges téléphoniques entre les intéressés met en évidence une relation de complaisance entre les intéressés.

6. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier, notamment des nombreux échanges téléphoniques de 2018 à 2021 et des mandats très régulièrement adressés par M. A... à son épouse de décembre 2019 à juin 2021, que les époux entretiennent des relations très régulières depuis le départ de Mme D..., en fin d'année 2019, pour la République dominicaine aux fins d'y conduire les démarches nécessaires à l'obtention d'un visa en qualité de conjointe de ressortissant français, tous éléments au surplus corroborés, certes depuis la décision contestée, par le séjour de M. A... en décembre 2021 en République dominicaine après une première tentative en mars 2020, qui n'a pu aboutir en raison du contexte sanitaire, ainsi que par des attestations de membres de la famille des intéressés. Il s'ensuit, et alors que les requérants établissent de la sorte avoir conservé des relations suivies après la conclusion de leur mariage, en dépit de leur résidence séparée, que l'administration ne peut être regardée comme établissant l'existence d'une fraude de nature à justifier légalement le refus de visa sollicité. Dans ces conditions, en se fondant sur le caractère complaisant du mariage contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, le ministre de l'intérieur a fait une inexacte application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... et Mme D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à Mme D.... Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de procéder à cette délivrance dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Régent dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 22 novembre 2021 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : La décision du 8 juin 2021 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande de visa d'entrée et de long séjour en France présentée pour Mme D... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme D... un visa d'entrée et de long séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Régent une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2023.

La rapporteure,

I. E...La présidente,

C. BUFFET

La greffière,

A. LEMEE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00247


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00247
Date de la décision : 05/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: Mme Isabelle MONTES-DEROUET
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : REGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-05-05;22nt00247 ?
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