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21/04/2023 | FRANCE | N°22NT01570

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 21 avril 2023, 22NT01570


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 12 avril 2022 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé de la transférer aux autorités italiennes et de l'assigner à résidence.

Par un jugement n° 2204970 du 26 avril 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Béarnais, dem

ande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 avril 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 12 avril 2022 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé de la transférer aux autorités italiennes et de l'assigner à résidence.

Par un jugement n° 2204970 du 26 avril 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 mai 2022, Mme A..., représentée par Me Béarnais, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 avril 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 12 avril 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert en Italie ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 avril 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert en Italie ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 700 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et méconnaît les articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 11 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Derlange, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante guinéenne, née le 7 juillet 2002, est entrée en France le 5 novembre 2021 selon ses déclarations et a sollicité l'asile, le 31 janvier 2022. Par deux arrêtés du 12 avril 2022, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités italiennes et décidé de l'assigner à résidence pour une durée maximale de quarante-cinq jours. Mme A... relève appel du jugement du 26 avril 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 avril 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert en Italie. Mme A... ayant été déclarée en fuite, le délai d'exécution de la décision de transfert a été reporté jusqu'au 26 octobre 2023 en application du 2 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

3. Si Mme A... établit qu'elle était enceinte d'environ cinq mois, à la date de l'arrêté contesté, d'un compatriote avec lequel elle allègue vivre en concubinage, ces seules circonstances ne sont pas de nature à établir qu'elle ou son enfant seraient exposés à un risque pour leur vie ou leur santé en cas de transfert en Italie, ni leur particulière vulnérabilité. Il n'est dès lors pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les moyens tirés de la méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés pour les mêmes raisons.

4. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Aux termes de l'article 11 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, intitulé " procédure familiale " : " Lorsque plusieurs membres d'une famille et/ou des frères ou sœurs mineurs non mariés introduisent une demande de protection internationale dans un même Etat membre simultanément, ou à des dates suffisamment rapprochées pour que les procédures de détermination de l'Etat membre responsable puissent être conduites conjointement, et que l'application des critères énoncés dans le présent règlement conduirait à les séparer, la détermination de l'Etat membre responsable se fonde sur les dispositions suivantes : / a) est responsable de l'examen des demandes de protection internationale de l'ensemble des membres de la famille et/ou des frères et sœurs mineurs non mariés, l'Etat membre que les critères désignent comme responsable de la prise en charge du plus grand nombre d'entre eux ; / b) à défaut, est responsable l'Etat membre que les critères désignent comme responsable de l'examen de la demande du plus âgé d'entre eux ". Le g) de l'article 2 dudit règlement indique que les " membres de la famille " au sens des dispositions précitées concernent le conjoint du demandeur ou ses enfants mineurs.

5. Mme A... n'établit ni la réalité de sa cohabitation avec le père de l'enfant, ni l'intensité de leur relation, ni la contribution de celui-ci à l'entretien et à l'éducation de son enfant alors, en outre, qu'il n'est pas contesté que sa demande d'asile a été rejetée le 5 mars 2021 et qu'il ressort des pièces du dossier qu'il n'a reconnu cet enfant que postérieurement à la date de l'arrêté contesté. Eu égard, en tout état de cause, au caractère très récent de la relation alléguée, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas porté d'atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A... en décidant son transfert en Italie et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Enfin, Mme A... ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 11 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que son concubin allégué n'est plus demandeur d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 11 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée aux fins d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Béarnais et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 avril 2023.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01570


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01570
Date de la décision : 21/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Stéphane DERLANGE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : BEARNAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-04-21;22nt01570 ?
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