Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... et M. B... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision de l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun) refusant de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à M. C... au titre du regroupement familial.
Par un jugement n° 2203726 du 28 novembre 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la cour d'annuler ce jugement du 28 novembre du tribunal administratif de Nantes.
Il soutient qu'il n'est pas établi que le demandeur de visa est bien la personne qu'il prétend être eu égard aux résultats de la levée d'acte effectuée, attestant de l'absence de souche de l'acte de naissance dont il se prévaut.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 décembre 2022 et 31 janvier 2023, MM. Adrien D... et Adrien C..., représentés par Me Laporte, concluent au rejet de la requête et demandent de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de M. D..., une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne sont pas fondés et que la décision méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D..., ressortissant camerounais né en 1978, a obtenu le bénéfice du regroupement familial par une décision du préfet du Val-de-Marne du 18 mai 2020 au profit de M. B... C..., qu'il présente comme son fils camerounais né le 1er février 2003. Ce dernier a demandé la délivrance d'un visa de long séjour à l'autorité consulaire française à Douala (Cameroun), laquelle a rejeté cette demande. Par une décision implicite née le 1er février 2022 la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé par M. D... contre la décision de refus de l'autorité consulaire. Par un jugement du 28 novembre 2022, dont le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France née le 1er février 2022 et a enjoint au ministre de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois. Par une décision du 11 janvier 2023 le président de la 5ème chambre de la cour administrative d'appel de Nantes a sursis à l'exécution de ce jugement jusqu'à ce qu'il soit statué sur la présente requête.
2. Il ressort des écritures du ministre de l'intérieur et des outre-mer que la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France née le 1er février 2022 est fondée sur le fait que l'identité de M. B... C..., et par conséquent son lien de filiation avec M. D... ne sont pas établis par les pièces produites.
3. Aux termes de l'article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ", ce dernier disposant que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. ".
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Enfin, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour établir l'identité de M. B... C..., présenté comme son fils camerounais né le 1er février 2003, M. D... a produit un jugement de reconstitution de l'acte de naissance de l'intéressé établi le 2 novembre 2017 par le tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba. Ce jugement " ordonne la reconstitution (...) de l'acte de naissance de l'enfant C... Adrien Valtex en y reproduisant l'identité dont celui-ci s'est toujours prévalue " et mentionne que l'intéressé est l'enfant de M. D.... Sur le fondement de ce jugement, un acte de naissance de l'enfant a été établi le 13 juin 2018 par le centre d'état-civil de la commune de Penja. Il ressort toutefois des pièces présentées par le ministre de l'intérieur et des outre-mer qu'en réponse à la levée d'acte effectuée à la demande des autorités consulaires françaises à Douala au vu du n° de l'acte de naissance produit par M. C... à l'appui de sa demande de visa, le centre d'état-civil de la même commune leur a communiqué le 19 août 2021 l'acte de naissance d'un tiers dont la naissance a été déclarée le 1er juin 2018. Si les consorts D... se prévalent d'un courrier du 9 décembre 2022 du maire de la commune de Penja indiquant que suite à une erreur de ses services les deux actes de naissance ont été dressés sous le même numéro, de deux attestations " d'existence d'acte de naissance " comportant un même numéro correspondant aux deux enfants dont la naissance a été déclarée en juin 2018, ainsi que de deux copies des actes de naissance des intéressés certifiées conforme par le maire de cette commune, ces éléments sont insuffisants pour expliquer qu'en réponse à la levée d'acte concernant M. C... le seul acte de naissance communiqué aux autorités consulaires françaises concerne un tiers. Par suite, eu égard au caractère frauduleux ainsi établi du jugement du 2 novembre 2017, c'est par une exacte application des dispositions citées au point 3 que la commission a rejeté la demande de visa présentée par M. B... C....
6. Ainsi c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation pour annuler la décision implicite contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.
7. Il appartient, toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... D... et M. B... C... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.
8. D'une part, les documents présentés pour établir la filiation par la possession d'état, qui se limitent à établir l'existence de voyages effectués par M. D... au Cameroun, ne permettent pas de regarder la possession d'état alléguée comme continue, publique et non équivoque. Il en résulte que ces éléments ne sont pas de nature à établir le lien de filiation allégué.
9. D'autre part, le lien de filiation n'étant pas établi, ainsi qu'il a été dit, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours présenté par M. D... et M. C... contre la décision de l'autorité consulaire française au Cameroun refusant à ce dernier un visa d'entrée et de long séjour au titre du regroupement familial
Sur les frais d'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. D....
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2203726 du 28 novembre 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... D... et M. B... C... devant le tribunal administratif de Nantes et leurs conclusions d'appel présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. B... D... et à M. B... C....
Délibéré après l'audience du 31 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2023.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
J. FRANCFORT
La greffière,
H. EL HAMIANI
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT03687