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18/04/2023 | FRANCE | N°21NT03601

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 18 avril 2023, 21NT03601


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Chêne Vert a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2018 par lequel le maire de Pleslin-Trigavou (Côtes-d'Armor) a refusé de proroger la durée de validité du permis de lotir tacite qu'elle avait obtenu le 12 septembre 2011.

Par un jugement n° 1806054 du 20 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 décembre 2021 et les 22

juin et 5 septembre 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Le Chêne Vert, représ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Chêne Vert a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2018 par lequel le maire de Pleslin-Trigavou (Côtes-d'Armor) a refusé de proroger la durée de validité du permis de lotir tacite qu'elle avait obtenu le 12 septembre 2011.

Par un jugement n° 1806054 du 20 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 décembre 2021 et les 22 juin et 5 septembre 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Le Chêne Vert, représentée par Me Le Borgne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 octobre 2021 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2018 du maire de Pleslin-Trigavou ;

3°) d'enjoindre au maire de Pleslin-Trigavou de lui délivrer la prorogation du permis de lotir tacitement obtenu le 12 septembre 2011, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Pleslin-Trigavou la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement contesté est irrégulier en l'absence de signature des magistrats et du greffier ;

- il n'est pas établi que les aménagements prévus par l'exposante dans le cadre du permis de lotir dont elle est bénéficiaire compromettent la mise en œuvre des dispositions de l'article 9 des dispositions du plan local d'urbanisme alors applicable ; cette disposition ne détermine pas précisément les secteurs de la zone 1AUb où un pourcentage des programmes envisagés doit être destiné aux logements sociaux ; en tout état de cause cette disposition concerne la construction de logements et ne constitue pas une évolution défavorable des règles applicables à un permis de lotir ; un contrôle de compatibilité avec cette règle pourra être effectué ultérieurement lors du dépôt des demandes de permis de construire alors que le permis de lotir a pour seul objet de déterminer des parcelles et d'aménager le terrain d'assiette ;

- les deux nouveaux motifs opposés par la commune pour refuser la prorogation demandée seront écartés dès lors que les méconnaissances alléguées des dispositions citées du plan local d'urbanisme ne sont pas établies.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 mai et 22 juillet 2022, la commune de Pleslin-Trigavou, représentée par Me Donias, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la société Le Chêne Vert une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Le Chêne Vert ne sont pas fondés et qu'il y a lieu le cas échéant de substituer au motif fondant la décision contestée ceux tirés, d'une part, de la méconnaissance de l'article UB 13 du règlement du plan local d'urbanisme, faute pour l'autorisation de lotir de respecter les règles opposables en matière d'espaces libres et de plantation et, d'autre part, de l'incompatibilité de cette autorisation avec l'orientation d'aménagement sectorielle prévue au plan local d'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Le Borgne, représentant la société Le Chêne Vert, et de Me Santos Pires, représentant la commune de Pleslin-Trigavou.

Considérant ce qui suit :

1. La société Le Chêne Vert a déposé le 9 juin 2006 auprès de la mairie de Pleslin-Trigavou une demande de permis de lotir pour la création d'un lotissement de 45 lots au lieu-dit " Le Chêne Vert ". Par un arrêté du 19 octobre 2006, le maire de cette commune a sursis à statuer sur cette demande. Par un jugement du 4 février 2010, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 1er juillet 2011, le tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté du 19 octobre 2006. Par un courrier du 11 août 2011, la société requérante a confirmé sa demande de permis de lotir. Un permis de lotir tacite est né le 12 septembre 2011 ainsi qu'il a été jugé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 11 décembre 2015 devenu définitif. Par un courrier du 14 août 2018, la société Le Chêne Vert a sollicité la prorogation de ce permis de lotir. Par un arrêté du 8 octobre 2018, le maire de la commune de Pleslin-Trigavou a refusé de proroger la durée de validité de ce permis. Par un jugement du 20 octobre 2021, dont la société Le Chêne Vert relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces de la procédure que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'une irrégularité, faute d'être revêtu des signatures du président, du rapporteur et du greffier, doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Pour s'opposer, par l'arrêté contesté du 8 octobre 2018, à la demande de prorogation de l'autorisation de lotir obtenue tacitement par la société Le Chêne Vert le 12 septembre 2011, après l'annulation de son arrêté de sursis à statuer du 16 octobre 2006, le maire de la commune de Pleslin-Trigavou a opposé la circonstance que le règlement du plan local d'urbanisme applicable à la date du 8 octobre 2018, adopté par une délibération du conseil municipal du 10 décembre 2007, avait évolué défavorablement au regard du projet de la société Le Chêne Vert, et imposait désormais la réalisation de 20 % de logements sociaux, s'agissant d'un projet de lotissement de plus de 15 logements prévu en zone 1AUB au plan local d'urbanisme nouvellement opposable.

4. Aux termes de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. ". Une décision de sursis à statuer prise sur le fondement de l'article L. 123-6 alors en vigueur du code de l'urbanisme doit être regardée comme un refus, au sens de ces dispositions. Aux termes de l'article R. 424-21 du même code dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir ou la décision de non-opposition à une déclaration préalable peut être prorogé deux fois pour une durée d'un an, sur demande de son bénéficiaire si les prescriptions d'urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n'ont pas évolué de façon défavorable à son égard. (...) ".

5. Aux termes de l'article L. 123-2 du code de l'urbanisme applicable à la date d'adoption de ce plan local d'urbanisme : " Dans les zones urbaines ou à urbaniser, le plan local d'urbanisme peut instituer des servitudes consistant : / (...) d) A délimiter des secteurs dans lesquels, en cas de réalisation d'un programme de logements, un pourcentage de ce programme doit être affecté à des catégories de logements locatifs qu'il définit dans le respect des objectifs de mixité sociale. ". Et aux termes de l'article 9 " Mixité sociale " du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Pleslin-Trigavou approuvé le 10 décembre 2007 : " Au titre de l'article L. 123-2 d) du code de l'urbanisme, dans toutes les zones 1AUB, au moins 20 % du nombre des logements de toutes les opérations en comprenant au moins 15, devront être affectés à la réalisation de logements sociaux, dans le respect des objectifs de logements sociaux. ".

6. D'une part, en application de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme l'autorisation tacite de lotir intervenue le 12 septembre 2011, après l'annulation du sursis à statuer du 16 octobre 2006 sur la demande d'autorisation de lotir déposée par la société Le Chêne Vert, a été instruite au regard de la réglementation opposable à cette dernière date. Or, postérieurement au 16 octobre 2006, la commune de Pleslin-Trigavou a approuvé le 10 décembre 2007 un nouveau plan local d'urbanisme prévoyant, ainsi qu'exposé au point 5, l'obligation de réaliser au moins 20 % de logements sociaux pour les opérations de logement réalisées en zone 1AUB, et qui comportent plus de 15 logements, ce que les auteurs du plan pouvaient décider sans être tenus de préciser plus avant les secteurs concernés. Aussi l'évolution des règles d'urbanisation opposables au projet en conséquence de l'adoption du nouveau plan local d'urbanisme communal en 2007 s'analyse comme une évolution défavorable, au sens de l'article R. 424-21 du code de l'urbanisme cité au point 4, à l'égard du projet de la société Le Chêne Vert objet du refus de prorogation contesté intervenu le 8 octobre 2018.

7. D'autre part les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité ou de s'opposer à la déclaration préalable notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.

8. En l'espèce, alors que le projet de lotissement projeté par la société Le Chêne Vert se situe en zone 1AUB du plan local d'urbanisme communal applicable à la date de l'arrêté contesté, il ne prévoit qu'un réaménagement parcellaire et la réalisation des voieries et réseaux divers, et a pour objet exclusif la réalisation de 45 lots destinés à l'habitat au sein d'un lotissement. Or il ne résulte pas de cette demande de lotir que l'obligation de réaliser 20 % de logements sociaux telle que prévue au plan local d'urbanisme adopté en 2007 pourra être respectée, dès lors notamment qu'aucune règle résultant des documents du lotissement ne permet de garantir le respect de cette obligation.

9. Il résulte de ce qui précède qu'en refusant, par l'arrêté contesté du 8 octobre 2018, la prorogation du permis de lotir tacite dont bénéficiait la société requérante, le maire de Pleslin-Trigavou n'a pas fait une inexacte application des dispositions du plan local d'urbanisme approuvé le 10 décembre 2007, opposable à cette demande de prorogation.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les demandes de substitution de motifs présentées par la commune de Pleslin-Trigavou, que la société Le Chêne Vert n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

11. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par la société requérante ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la société Le Chêne Vert. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Pleslin-Trigavou.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Le Chêne Vert est rejetée.

Article 2 : La société Le Chêne Vert versera à la commune de Pleslin-Trigavou la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Chêne Vert et à la commune de Pleslin-Trigavou.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 avril 2023.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

J. FRANCFORT

La greffière,

H. EL HAMIANI

La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03601


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03601
Date de la décision : 18/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : MARTIN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-04-18;21nt03601 ?
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