La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/04/2023 | FRANCE | N°22NT03048

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 14 avril 2023, 22NT03048


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2020 par lequel le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101425 du 7 avril 2022 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 septemb

re 2022 et 9 janvier 2023 M. F..., représenté par Me Pollono, demande à la cour :

1°) d'annuler ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2020 par lequel le préfet de la Mayenne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2101425 du 7 avril 2022 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 16 septembre 2022 et 9 janvier 2023 M. F..., représenté par Me Pollono, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2020 du préfet de la Mayenne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " où, à titre subsidiaire, la mention " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre infiniment subsidiaire, de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur de fait sur l'existence d'une promesse d'embauche ;

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation ; il aurait notamment dû examiner sa situation à l'aune de son droit au séjour pour motif d'études, en vertu de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- son identité est parfaitement établie de sorte qu'il est entré mineur en France ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle a été prise en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle a été prise en violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2022 le préfet de la

Mayenne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 août 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me Nève substituant Me Pollono, représentant

M. F....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... F..., ressortissant camerounais entré irrégulièrement en France le 1er juillet 2018, s'est déclaré mineur et a été à ce titre pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE) mais le département de la Mayenne a mis fin à cette prise en charge le 23 août 2018 après avoir procédé à une évaluation de sa minorité. Le juge des enfants du tribunal de grande instance de Laval, puis la cour d'appel d'Angers ont confirmé cette évaluation et rejeté sa demande de placement à l'ASE. Le 7 janvier 2020, l'intéressé a sollicité du préfet de la Mayenne la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 11 décembre 2020, le préfet de la Mayenne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le Cameroun comme pays de destination. M. F... relève appel du jugement du 7 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges n'ont pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, invoqué par M. F... et tiré de ce que la décision portant refus de titre de titre de séjour est entachée d'une erreur de fait en ce qu'il dispose bien d'une promesse d'embauche. Le jugement attaqué doit, en raison de cette omission, être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre cette décision.

3. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. F... dirigées contre la décision portant refus de séjour et par la voie de l'effet dévolutif en ce qui concerne les autres décisions contenues dans l'arrêté contesté.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

4. L'arrêté contesté a été signé, en l'absence du directeur de la citoyenneté, par Mme D... E..., cheffe du bureau de l'éloignement et du contentieux à la préfecture de la Mayenne. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté de délégation de signature du 9 décembre 2020, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Mayenne a donné délégation, en cas d'absence ou d'empêchement du directeur de la citoyenneté, à Mme E... à l'effet de signer, notamment, les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., directeur de la citoyenneté, n'aurait pas été absent ou empêché à la date de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de cette décision doit être écarté comme manquant en fait.

5. La décision portant refus de titre de séjour vise notamment le 7° de l'article L. 313-11, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels elle se fonde, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et mentionne les éléments relatifs à situation personnelle, familiale et professionnelle du requérant qui ont conduit le préfet à estimer qu'il ne pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ni être admis à titre exceptionnel au séjour sur le territoire. Le refus de séjour, qui n'avait pas à reprendre l'ensemble des éléments relatifs à sa situation personnelle, comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il ne résulte pas de cette motivation, ni d'aucun autre élément du dossier, que le préfet de la Loire-Atlantique, qui n'était pas tenu d'examiner d'office si l'intéressé était susceptible de bénéficier d'un titre de séjour pour motifs d'études, n'aurait pas procédé à un examen particulier du dossier de M. F....

6. M. F... séjournait en France depuis seulement deux ans et demi à la date de l'arrêté contesté. Il ne dispose en France d'aucun attache familiale et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Cameroun, où résident son père, un frère, une sœur et un demi-frère. Même si, pour invoquer ses réels efforts d'intégration dans la société française, M. F... valoir établit, d'une part, à travers ses bulletins de notes, ses diplômes et diverses attestations, le sérieux dont il a fait preuve dans le suivi de sa formation professionnelle de chauffagiste et, d'autre part, se prévaut de l'appréciation élogieuse portée sur lui par le responsable de l'entreprise qui lui a proposé un contrat d'apprentissage, ainsi que son investissement dans l'association d'aide aux sans-abris La porte Ouverte, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but poursuivi par cette mesure. La seule promesse d'embauche produite au dossier est insuffisante pour justifier d'une intégration professionnelle particulière sur le territoire français. Dès lors, en prenant cette décision, le préfet de la Mayenne n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Si le requérant soutient que le préfet a commis une erreur de fait en indiquant qu'il ne justifiait pas d'une promesse d'embauche, il résulte de ce qui vient d'être dit que le préfet aurait pris la même décision s'il avait tenu compte de celle-ci. Dès lors, cette erreur de fait est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Enfin, quand bien même le requérant devrait-il être regardé comme établissant, par la production de son acte de naissance, être né, comme il le prétend, le 1er janvier 2002 et n'être, par suite, devenu majeur que le 1er janvier 2020, il ressort des pièces du dossier que le préfet de la Mayenne aurait également pris la même décision de refus de séjour au titre du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Mayenne a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour sur la situation personnelle de M. F..., compte tenu des motifs exposés au point 6.

8. Enfin, M. F... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait dû examiner sa demande de titre de séjour à l'aune de son droit au séjour pour motif d'études, en vertu de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'a pas sollicité de titre de séjour sur ce fondement.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 7, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. F... doivent être écartés.

11. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, laquelle ne fixe pas le pays de destination.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. Les décisions refusant un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

13. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 et 7, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision fixant le pays de destination sur la situation personnelle de M. F... doivent être écartés.

14. Il convient d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, moyen que M. F... réitère en appel sans apporter d'élément nouveau autre que le dépôt d'un recours devant la Cour nationale du droit d'asile pour contester le refus opposé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides à sa demande d'asile.

15. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 11 décembre 2020 du préfet de la Mayenne en tant qu'il porte refus de titre de séjour ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application combinée des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2101425 du 7 avril 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. F... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Mayenne du 11 décembre 2020 en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour.

Article 2 : Les conclusions de M. F... présentées devant le tribunal administratif de Nantes et tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Mayenne du 11 décembre 2020 en tant qu'il porte refus de délivrance d'un titre de séjour ainsi que le surplus des conclusions présentées par lui devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Mayenne.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 avril 2023.

Le rapporteur

A. C...La présidente

I. Perrot

La greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N°22NT03048 2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT03048
Date de la décision : 14/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : CABINET POLLONO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-04-14;22nt03048 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award