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14/04/2023 | FRANCE | N°21NT03660

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 14 avril 2023, 21NT03660


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Équipe Bretagne Cyclisme a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période correspondant aux années 2014 et 2015 ainsi que de l'amende appliquée sur le fondement de l'article 1740 A du code général des impôts.

Par un jugement n°1906491 du 27 octobre 2021 le tribunal administratif de Rennes a accordé à l'association Équipe Bretagne Cyclisme l

a décharge de l'amende de 75 000 euros qui lui a été infligée au titre de l'année 2014 s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Équipe Bretagne Cyclisme a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période correspondant aux années 2014 et 2015 ainsi que de l'amende appliquée sur le fondement de l'article 1740 A du code général des impôts.

Par un jugement n°1906491 du 27 octobre 2021 le tribunal administratif de Rennes a accordé à l'association Équipe Bretagne Cyclisme la décharge de l'amende de 75 000 euros qui lui a été infligée au titre de l'année 2014 sur le fondement de l'article 1740 A du code général des impôts et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 décembre 2021 l'association Équipe Bretagne Cyclisme, représentée par Me Bondiguel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration a soumis à tort à la taxe sur la valeur ajoutée la subvention annuelle de 900 000 euros qu'elle perçoit de la région Bretagne ; il n'existe aucun lien direct entre cette subvention et une prestation individualisable dont elle serait la contrepartie ni relation d'équivalence entre l'avantage qui pourrait être retiré par la région Bretagne du versement de cette subvention et le montant de cette dernière ; la convention signée avec la région Bretagne prévoit des engagements globaux tant en ce qui concerne le programme sportif que l'accompagnement médical des coureurs et la lutte contre le dopage qui se rattachent à la politique de la région en faveur du développement de la pratique sportive et de la lutte contre le dopage ;

- l'administration n'a pas démontré l'intention délibérée d'éluder l'impôt à laquelle est subordonnée l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré.

Par des mémoires en intervention enregistrés les 22 mars et 30 septembre 2022, présentés par son président en exercice représenté par Me Cano, la région Bretagne demande à la cour de déclarer recevable son recours et de faire droit aux conclusions de la requête de l'association Équipe Bretagne Cyclisme.

Elle soutient que :

- son intervention est recevable ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé que les subventions versées par la région à l'association Équipe Bretagne Cyclisme entraient dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée.

Par des mémoires enregistrés les 5 avril et 15 septembre 2022 Me Margottin, liquidateur judiciaire de l'association Équipe Bretagne Cyclisme, déclare reprendre l'instance engagée par cette association.

Par des mémoires en défense enregistrés les 22 juin et 28 septembre 2022 ainsi qu'un mémoire enregistré le 27 octobre 2022 et non communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'intervention de la région Bretagne n'est pas recevable ;

- les moyens invoqués par l'association requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

- les observations de Me Poirrier-Jouan, représentant l'association Équipe Bretagne Cyclisme et de Me Coquillon, représentant la région Bretagne.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Équipe Bretagne Cyclisme, qui participe avec son équipe de coureurs cyclistes professionnels " Bretagne-Séché Environnement " à des courses cyclistes professionnelles et qui est soumise à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée, a fait l'objet, en 2017, d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015. À l'issue de ce contrôle, l'administration lui a adressé, le 31 juillet 2017, selon la procédure contradictoire, une proposition de rectification l'informant de son intention de soumettre à la taxe sur la valeur ajoutée les subventions annuelles d'un montant de 900 000 euros perçues de la région Bretagne au titre des années 2014 et 2015, d'assortir les rappels en résultant de la majoration de 40 % pour manquement délibéré et de lui infliger l'amende prévue à l'article 1740 A du code général des impôts à raison des documents concernant d'autres subventions perçues par elle. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, majorations et amendes ont été mis en recouvrement le 31 octobre 2018. Par un jugement du 27 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes a accordé à l'association Équipe Bretagne Cyclisme la décharge de l'amende de 75 000 euros qui lui a été infligée au titre de l'année 2014 sur le fondement de l'article 1740 A du code général des impôts et a rejeté le surplus de sa demande. L'association Équipe Bretagne Cyclisme relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée contestés.

Sur l'intervention de la région Bretagne :

2. La région Bretagne a intérêt à ce que qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par l'association Équipe Bretagne Cyclisme à fin de décharge des impositions auxquelles elle a été assujettie. Ainsi, son intervention est recevable.

Sur le bien-fondé des impositions :

3. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " 1. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / (...) ". Aux termes de l'article 266 du même code : " 1. La base d'imposition est constituée : / a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations ; / (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions, qui transposent l'article 2, paragraphe 1 sous a) de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, que sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les sommes dont le versement est en lien direct avec des prestations individualisées en rapport avec le niveau des avantages procurés aux personnes qui les versent.

5. L'association Équipe Bretagne Cyclisme est chargée, selon ses statuts, de promouvoir l'éducation par les activités sportives et de développer, sous l'autorité et le contrôle de la Fédération française de cyclisme, la pratique du sport cycliste. Au titre des années 2014 et 2015, la région Bretagne a conclu avec cette association deux conventions financières ayant pour objet de préciser les conditions et modalités suivant lesquelles elle apporterait son soutien à son programme sportif en raison de l'intérêt général que revêtent ces objectifs et activités. Aux termes de l'article 2 de ces conventions, la région Bretagne s'engageait à verser en 2014 et en 2015 une subvention de fonctionnement globale de 900 000 euros, répartie à hauteur de 550 000 euros sur le programme 751 " Développer le sport en région " et à hauteur de 350 000 euros sur le programme 1002 " Renforcer l'information aux citoyens et promouvoir l'image et la notoriété de la Bretagne ". En contrepartie, l'association Équipe Bretagne Cyclisme s'engageait, selon l'article 4 de la convention, sur le plan de la communication, à mentionner le partenariat avec la région Bretagne sous la forme de citation de son soutien et d'inscription de son logo, au premier rang des partenaires, sur tous les documents promotionnels (communiqués et dossiers de presse, affiches, journal de bord, site internet, imprimés divers, maillots, véhicules...) et à assurer la lisibilité de la marque " Bretagne " en constituant le bloc marque " Bretagne Séché " de l'équipe à partir du logotype de la marque Bretagne sans adjonction ou diversification possible de ce nom et ce, quel que soit le nombre de partenaires principaux de l'équipe. Sur le plan sportif, l'association s'engageait à informer la région du calendrier des courses disputées par l'équipe, à communiquer à la région les résultats de l'équipe et à exiger de l'équipe un comportement éthique dans la pratique du cyclisme de haut niveau, notamment en vue de la lutte contre le dopage. La convention prévoyait enfin, dans son article 6, que la région concède au bénéficiaire, qui l'accepte, pour la durée de la convention, le droit de représenter et de reproduire le logo " Région Bretagne " ainsi que le logotype de la marque Bretagne et que ce droit d'utilisation est concédé à titre non exclusif et à titre gratuit.

6. Si l'association Équipe Bretagne Cyclisme soutient que ces subventions avaient pour seul objet de contribuer au financement des activités d'intérêt général telles que définies par ses statuts et rappelées au point précédent, il résulte de l'instruction qu'elle n'a produit aucun élément au soutien de ses allégations, alors que l'administration fait valoir sans être sérieusement contestée que cette association n'a eu aucune activité de promotion du sport en dehors des compétitions effectuées par l'équipe professionnelle " Bretagne-Séché Environnement. De même, la lutte contre le dopage mentionnée par les conventions n'est pas allée au-delà du simple respect de la législation et de la réglementation auquel l'association était tenue pour les courses sur lesquelles était engagée son équipe de coureurs cyclistes. Par suite, l'activité réelle de l'association a consisté uniquement, au cours des années concernées, à préparer, encadrer et engager dans des courses cyclistes professionnelles une équipe de coureurs cyclistes. Dans ces conditions, en l'absence totale d'autres prestations rendues et alors qu'il ressort de l'économie des stipulations contractuelles des conventions litigieuses qu'en octroyant ces subventions la région Bretagne entendait essentiellement assurer la promotion de son image, le lien direct entre la prestation de promotion que l'association requérante s'engageait à fournir et la totalité des subventions concernées doit être regardé comme établi, sans que l'association requérante puisse utilement se prévaloir de ce qu'elle ne développe aucune marque commerciale. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que les engagements financiers de la région Bretagne seraient sans rapport avec la valeur des services procurés. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a estimé que le versement des subventions en cause aurait dû être soumis à la taxe sur la valeur ajoutée et a procédé au rappel de cette imposition.

Sur les pénalités pour manquement délibéré :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

8. Il résulte de l'instruction l'association Équipe Bretagne Cyclisme a fait l'objet d'une précédente vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, au cours de laquelle le service a, pour les mêmes motifs que dans la présente affaire, rappelé la taxe sur la valeur ajoutée sur des subventions versées à l'association par la région Bretagne. L'importance des droits éludés, soit 367 401 euros, est également invoquée par le service. Dans ces conditions, l'administration justifie l'application de la majoration pour manquement délibéré dont elle a assorti les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.

9. Il résulte de ce qui précède que l'association Équipe Bretagne Cyclisme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a refusé de faire droit au surplus de sa demande. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la région Bretagne est admise.

Article 2 : La requête de l'association Équipe Bretagne Cyclisme est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Équipe Bretagne Cyclisme, à Me Margottin, liquidateur judiciaire de l'association Équipe Bretagne Cyclisme, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la région Bretagne.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 avril 2023.

Le rapporteur

A. A...La présidente

I. Perrot

La greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 21NT036602


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03660
Date de la décision : 14/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SCP BONDIGUEL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-04-14;21nt03660 ?
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