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07/04/2023 | FRANCE | N°22NT01557

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 07 avril 2023, 22NT01557


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a rejeté sa demande du 6 juin 2018 tendant à " échanger " son certificat de réussite au diplôme d'Etat de masseur kinésithérapeute contre un diplôme d'Etat de masseur kinésithérapeute, ainsi que la décision du 25 octobre 2018 par laquelle le directeur régional et départemental de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale des Pays de la Loire et

de la Loire-Atlantique lui a refusé l'autorisation d'exercer la profession de ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a rejeté sa demande du 6 juin 2018 tendant à " échanger " son certificat de réussite au diplôme d'Etat de masseur kinésithérapeute contre un diplôme d'Etat de masseur kinésithérapeute, ainsi que la décision du 25 octobre 2018 par laquelle le directeur régional et départemental de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale des Pays de la Loire et de la Loire-Atlantique lui a refusé l'autorisation d'exercer la profession de masseur kinésithérapeute en France.

Par un jugement n° 1811678 du 21 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mai 2022, M. C... F..., représenté par Me Giroud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 mars 2022 ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre des solidarités et de la santé a rejeté sa demande du 6 juin 2018 tendant à " échanger " son certificat de réussite au diplôme d'Etat de masseur kinésithérapeute contre un diplôme d'Etat de masseur kinésithérapeute, ainsi que la décision du 25 octobre 2018 par laquelle le directeur régional et départemental de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale des Pays de la Loire et de la Loire-Atlantique lui a refusé l'autorisation d'exercer la profession de masseur kinésithérapeute en France ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de lui délivrer le diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute ou l'autorisation d'exercer en France, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans le même délai sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que les premiers juges ont inversé la charge de la preuve pour déterminer si le signataire de la décision du 25 octobre 2018 était compétent ; ils ont également omis d'examiner le moyen tiré de ce que, en qualité de citoyen belge titulaire d'un diplôme français, il subit un traitement discriminant contraire à l'article 18 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne par rapport à un autre citoyen de l'Union européenne en ne pouvant pas exercer sa profession en France ;

- la décision du 25 octobre 2018 est entachée d'une incompétence de son signataire ;

- les décisions contestées méconnaissent les dispositions de l'article L. 4321-3 du code de la santé publique dès lors qu'il remplit les conditions qui y sont énoncées pour exercer en France la profession de masseur kinésithérapeute ;

- en tout état de cause, il remplit les conditions énoncées au 1° de l'article L. 4321-4 du code de la santé publique lui ouvrant droit à l'obtention d'une autorisation d'exercice en France ;

- les décisions contestées méconnaissent les articles 18, 45, 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment le principe de non-discrimination en raison de la nationalité, les principes de libre circulation des travailleurs, de liberté d'établissement et de liberté de circulation des services.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2023, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de la santé publique ;

- le décret du 29 mars 1963 relatif aux études et aux épreuves du diplôme d'Etat de masseur kinésithérapeute ;

- le décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Giroud, représentant M. F....

Considérant ce qui suit :

1. M. F..., alors ressortissant marocain, s'est vu délivrer le 22 juillet 1976 par le ministère français de la santé publique et de la sécurité sociale un certificat de réussite attestant qu'il avait été admis à suivre les cours et stages de préparation au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute et à se présenter aux épreuves de ce diplôme auxquelles il avait été reçu lors de la 1ère session de 1976. Sur le fondement de ce certificat, M. F... a été autorisé par le procureur du Roi du Maroc à exercer la profession de kinésithérapeute à titre privé à Casablanca. Par courrier du 6 juin 2018, reçu le 11 juin 2018, M. F..., faisant valoir qu'il avait été naturalisé belge, a sollicité du ministre de la solidarité et de la santé " l'échange " de son certificat de réussite au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute contre un diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute. Sa demande a été rejetée implicitement. Par ailleurs, par courrier reçu le 11 octobre 2018, M. F... a sollicité auprès de la direction régionale et départementale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale des Pays de la Loire et de la Loire-Atlantique, l'autorisation d'exercer la profession de masseur-kinésithérapeute en France sur le fondement de l'article L. 4321-4 du code de la santé publique. Par une décision du 25 octobre 2018, le directeur régional et départemental de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale a refusé de faire droit à sa demande. M. F... relève appel du jugement du 21 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre a implicitement refusé de faire droit à sa demande, et de la décision du 25 octobre 2018 du directeur régional de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale des Pays de la Loire et de la Loire-Atlantique.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, si le requérant soutient que les premiers juges ont commis une erreur de droit dès lors qu'ils auraient inversé la charge de la preuve pour déterminer si le signataire de la décision du 25 octobre 2018 étant compétent, ce moyen est relatif au bien-fondé du jugement et ne peut donc être utilement invoqué pour en contester la régularité.

3. En deuxième lieu, il résulte des termes du point 9 du jugement attaqué que le tribunal administratif de Nantes, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments, s'est prononcé expressément sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 18 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Ainsi, le jugement attaqué n'est pas entaché d'une omission d'examiner un moyen, contrairement à ce que soutient le requérant.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 4321-27 du code de la santé publique : " Le préfet de la région désignée par arrêté du ministre chargé de la santé délivre, après avis de la commission des masseurs-kinésithérapeutes, l'autorisation d'exercice prévue à l'article L. 4321-4, au vu d'une demande accompagnée d'un dossier présenté et instruit selon les modalités fixées par l'arrêté mentionné à l'article R. 4321-29. / (...) ".

5. Par un arrêté du 20 décembre 2017 publié le 22 décembre 2017 au recueil des actes administratifs de la préfecture, la préfète de la région Pays de la Loire, préfète de la Loire-Atlantique a donné délégation à M. D..., directeur régional et départemental de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale des Pays de la Loire et de la Loire-Atlantique, à l'effet de signer notamment les décisions, les actes administratifs, les conventions et les correspondances relevant des attributions de son service, en application du décret n° 2015-1867 du 30 décembre 2015 modifié, à l'exception de certains actes limitativement énumérés au nombre desquels ne figurent pas les décisions refusant l'autorisation d'exercer la profession de masseur kinésithérapeute en France. Par arrêté du 29 janvier 2018, publié le 12 février 2018 au recueil des actes administratifs de la préfecture, M. D... a subdélégué sa signature à M. A..., directeur régional adjoint et, en cas d'absence ou d'empêchement de MM. D... et A..., à M. B..., attaché hors classe d'administration de l'Etat, chef du pôle certification formation professions, dans les limites de ses attributions. Il ne ressort pas des pièces du dossier que MM. D... et A... n'auraient pas été absents ou empêchés à la date de la décision du 25 octobre 2018. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit, par suite, être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 29 mars 1963 relatif aux études et aux épreuves du diplôme d'Etat de masseur kinésithérapeute, en vigueur à la date à laquelle M. F... a obtenu son certificat du 22 juillet 1976 : " Le diplôme d'Etat de masseur kinésithérapeute est délivré par le ministre de la santé publique et de la population aux personnes de nationalité française qui ont suivi un enseignement préparatoire et subi avec succès les épreuves d'un examen à l'issue de cet enseignement. / Aux personnes de nationalité étrangère, il est délivré une attestation de réussite à l'examen contre laquelle sera remis le diplôme d'Etat en cas d'acquisition de la nationalité française. ". Cette disposition a été abrogée par l'article 5 du décret n° 2004-802 du 29 juillet 2004 relatif aux parties IV et V (dispositions réglementaires) du code de la santé publique et modifiant certaines dispositions de ce code.

7. M. F... n'est pas fondé à demander au ministre des solidarités et de la santé " l'échange " de son attestation de réussite au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute contre un tel diplôme d'Etat dès lors que les dispositions du décret du 29 mars 1963 permettant cet échange ont été abrogées par le décret du 29 juillet 2004 et n'étaient plus en vigueur à la date de sa demande. Il lui appartenait, s'il pensait remplir les conditions pour ce faire, de solliciter l'autorité compétente entre la date de délivrance de son certificat de réussite et la date d'entrée en vigueur du décret du 29 juillet 2004, ce qu'il n'a pas fait.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 4321-2 du code de la santé publique : " Peuvent exercer la profession de masseur-kinésithérapeute les personnes titulaires d'un diplôme, certificat ou titre mentionné aux articles L. 4321-3 et L. 4321-4 ou titulaires des autorisations mentionnées aux articles L. 4321-5 à L. 4321-7 ". Aux termes de l'article L. 4321-3 du même code " Le diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute est délivré après des études préparatoires et des épreuves dont la durée et le programme sont fixés par décret. / (...) ". Aux termes de l'article L. 4321-4 du même code : " L'autorité compétente peut, après avis d'une commission composée notamment de professionnels, autoriser individuellement à exercer la profession de masseur-kinésithérapeute les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen qui, sans posséder le diplôme prévu à l'article L. 4321-3, sont titulaires : / 1° De titres de formation délivrés par un ou plusieurs Etats, membres ou parties, et requis par l'autorité compétente de ces Etats, membres ou parties, qui réglementent l'accès à cette profession ou son exercice, et permettant d'exercer légalement ces fonctions dans ces Etats ; / (...) / Dans ces cas, lorsque l'examen des qualifications professionnelles attestées par l'ensemble des titres de formation initiale, de l'expérience professionnelle pertinente et de la formation tout au long de la vie ayant fait l'objet d'une validation par un organisme compétent fait apparaître des différences substantielles au regard des qualifications requises pour l'accès à la profession et son exercice en France, l'autorité compétente exige que l'intéressé se soumette à une mesure de compensation. / Selon le niveau de qualification exigé en France et celui détenu par l'intéressé, l'autorité compétente peut soit proposer au demandeur de choisir entre un stage d'adaptation ou une épreuve d'aptitude, soit imposer un stage d'adaptation ou une épreuve d'aptitude, soit imposer un stage d'adaptation et une épreuve d'aptitude. / La nature des mesures de compensation selon les niveaux de qualification en France et dans les autres Etats, membres ou parties, est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé. / La délivrance de l'autorisation d'exercice permet au bénéficiaire d'exercer la profession dans les mêmes conditions que les personnes titulaires du diplôme mentionné à l'article L. 4321-3. ".

9. D'une part, M. F... ne peut utilement se prévaloir de l'article L. 4321-3 du code de la santé publique dès lors que les décisions contestées ne lui refusent pas la délivrance d'un diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute au sens et pour application des dispositions de cet article.

10. D'autre part, si M. F... est un ressortissant de nationalité belge depuis le 30 mai 2001, il ne justifie pas d'un titre de formation délivré par un ou plusieurs Etats, membres ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, permettant d'exercer légalement les fonctions de masseur-kinésithérapeute dans ces Etats, au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 4321-4 du code de la santé publique et notamment de son 1°. Il ne peut donc être autorisé " individuellement ", contrairement à ce qu'il soutient, à exercer la profession de masseur kinésithérapeute en France sur ce fondement, sans qu'il soit besoin d'examiner le niveau de qualification qu'il revendique.

11. En quatrième lieu, les dispositions des articles L. 4321-3 et L. 4321-4 du code de la santé publique ont été prises pour assurer la transposition des dispositions de la directive 2005/36/CE du parlement européen et du conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, et notamment son chapitre 1 relatif au régime général de la reconnaissance des titres de formation. Par suite, M. F..., qui n'établit pas ni même ne soutient que cette transposition serait inexacte, n'est pas fondé à soutenir que ces dispositions sont contraires aux principes de non-discrimination à raison de la nationalité, de libre circulation des travailleurs, de liberté d'établissement et de liberté de circulation des services reconnus par les articles 18, 45, 49 et 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F... et au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2023.

La rapporteure,

L. E...

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01557


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01557
Date de la décision : 07/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : GIROUD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-04-07;22nt01557 ?
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