Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 5 janvier 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Douala (République du Cameroun) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiante.
Par un jugement n°2114656 du 11 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à Mme B... le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 septembre 2022, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- le projet d'études de l'intéressée est dépourvu de caractère sérieux ; cette circonstance est de nature à révéler l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.
- les ressources de Mme B... ne sont pas suffisantes pour subvenir à ses besoins en France ;
- les autres moyens soulevés à l'appui de la demande de première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 janvier 2023, Mme B..., représentée par Me Nguyan, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une décision n°22NT02944 du 1er décembre 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a décidé qu'il sera sursis à l'exécution du jugement du 11 juillet 2022 du tribunal administratif de Nantes, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête tendant à son annulation.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2008-1176 du 13 novembre 2008 ;
- l'instruction INTV1915014J du 4 juillet 2019 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 11 juillet 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de Mme C..., la décision du 5 janvier 2022 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Douala (République du Cameroun) refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de long séjour en qualité d'étudiante, et enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer le visa sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Selon l'article 5 de la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 relative aux conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers à des fins de recherche, d'études, de formation, de volontariat et de programmes d'échange d'élèves ou de projets éducatifs et de travail au pair, l'admission d'un ressortissant d'un pays tiers à des fins d'études est soumise à des conditions générales, fixées par l'article 7, comme l'existence de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de subsistance durant son séjour ainsi que ses frais de retour et à des conditions particulières, fixées par l'article 11, telles que l'admission dans un établissement d'enseignement supérieur ainsi que le paiement des droits d'inscription. L'article 20 de la même directive, qui définit précisément les motifs de rejet d'une demande d'admission, prévoit qu'un Etat membre rejette une demande d'admission si ces conditions ne sont pas remplies ou encore, peut rejeter la demande, selon le f) du 2, " s'il possède des preuves ou des motifs sérieux et objectifs pour établir que l'auteur de la demande souhaite séjourner sur son territoire à d'autres fins que celles pour lesquelles il demande son admission ".
3. En l'absence de dispositions spécifiques figurant au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande présentée pour l'octroi d'un visa de long séjour d'entrée en France pour y effectuer des études est notamment soumise aux instructions générales établies par le ministre chargé de l'immigration prévues par le décret du 13 novembre 2008 relatif aux attributions des chefs de mission diplomatique et des chefs de poste consulaire en matière de visas, en particulier son article 3, pris sur le fondement de l'article L. 311-1 de ce code. L'instruction applicable est, s'agissant des demandes de visas de long séjour en qualité d'étudiant mentionnés à l'article L. 312-2 de ce même code, l'instruction ministérielle du 4 juillet 2019 relative aux demandes de visas de long séjour pour études dans le cadre de la directive (UE) 2016/801, laquelle participe de la transposition de cette même directive.
4. L'autorité administrative peut, le cas échéant, et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir restreint à l'erreur manifeste, rejeter la demande de visa de long séjour pour effectuer des études en se fondant sur le défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler que l'intéressé sollicite ce visa à d'autres fins que son projet d'études.
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de délivrer le visa de long séjour sollicité par Mme B..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les motifs tirés, d'une part, de l'absence de ressources suffisantes pour couvrir ses frais de toute nature durant le séjour en France, d'autre part, sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, révélée notamment par la situation personnelle de Mme B... et l'absence de caractère sérieux du projet d'études de l'intéressée.
6. D'une part, Mme B... a été admise en première année de soins infirmiers, à l'Institut de formation Henri Mondor au sein de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris. Toutefois, il est constant que l'intéressée est titulaire d'un diplôme supérieur d'études professionnelles en soins infirmiers, obtenu au Cameroun, et il ressort des pièces du dossier qu'elle exerce dans son pays le métier d'infirmière depuis 2014 au sein de l'hôpital Saint-Jeanne, à Ndogpassi II. Mme B... ne démontre pas que la formation projetée, qui consiste à poursuivre un premier cycle en soins infirmiers, lui permettrait de progresser dans sa discipline, en dépit de ce qu'elle souhaiterait, à terme, poursuivre un master en recherche et innovation de la santé après l'obtention de son diplôme d'Etat d'infirmière en France. En tout état de cause, Mme B... ne conteste pas les allégations du ministre selon lesquelles une formation supérieure équivalente existe au Cameroun. D'autre part, Mme B..., âgée de 34 ans à la date de la décision contestée, a indiqué auprès des services consulaires que sa famille était présente en France, et ne se prévaut d'aucune attache familiale ou matérielle dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant de délivrer le visa sollicité au motif tiré du défaut de caractère sérieux et cohérent des études envisagées, de nature à révéler l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Il résulte en outre de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif.
7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé sur l'absence de risque de détournement de l'objet du visa pour annuler la décision contestée.
8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... tant devant le tribunal administratif de Nantes que devant la cour.
9. En premier lieu, aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier ". Aux termes de l'article D. 211-7 du même code : " Le président de la commission est choisi parmi les personnes ayant exercé des fonctions de chef de poste diplomatique ou consulaire. / La commission comprend, en outre : / 1° Un membre, en activité ou honoraire, de la juridiction administrative ; / 2° Un représentant du ministre des affaires étrangères ; / 3° Un représentant du ministre chargé de l'immigration ; / 4° Un représentant du ministre de l'intérieur. / Le président et les membres de la commission sont nommés par décret du Premier ministre pour une durée de trois ans. Pour chacun d'eux, un premier et un second suppléant sont nommés dans les mêmes conditions. ". L'article 1er de l'arrêté du 4 décembre 2009 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prévoit que cette commission " délibère valablement lorsque le président ou son suppléant et deux de ses membres au moins, ou leurs suppléants respectifs sont réunis. ".
10. Il ressort du procès-verbal de la réunion de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France au cours de laquelle elle a examiné la demande de visas, le 5 janvier 2022, que cette commission était composée, outre de son président, de trois de ses membres. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la composition de la commission de recours contre les décisions de refus de visas et d'entrée en France doit être écarté.
11. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation manque en fait.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France en date du 5 janvier 2022.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°2114656 du tribunal administratif de Nantes du 11 juillet 2022 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée, ainsi que ses conclusions présentées devant la cour administrative d'appel de Nantes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 17 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2023.
Le rapporteur,
A. A...Le président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 22NT02943