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04/04/2023 | FRANCE | N°22NT00040

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 04 avril 2023, 22NT00040


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... A... et Mme G... B... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 février 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Djibouti (République de Djibouti) refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour à Abdirahman Mohamed E..., en qualité de membre de famille de réfugié et d'une personne admise au b

néfice de la protection subsidiaire.

Par un jugement n° 2106016 du 27 décembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E... A... et Mme G... B... D... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 24 février 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Djibouti (République de Djibouti) refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour à Abdirahman Mohamed E..., en qualité de membre de famille de réfugié et d'une personne admise au bénéfice de la protection subsidiaire.

Par un jugement n° 2106016 du 27 décembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours du 24 février 2021 et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa de long séjour sollicité dans un délai de deux mois suivant la notification de son jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 janvier 2022, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 décembre 2022 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. E... A... et Mme B... D... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que :

- l'identité et les liens familiaux du demandeur de visa ne sont établis ni par les actes d'état civil produits ni par des éléments de possession d'état ;

- les autres moyens soulevés à l'appui de la demande de première instance ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à Me Régent le 3 février 2022.

M. F... E... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me Régent, représentant M. A... et Mme B... D....

Considérant ce qui suit :

1. M. E... A..., ressortissant somalien né le 5 mai 1984, s'est vu reconnaître le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 28 juillet 2010. Mme B... D..., son épouse, ressortissante somalienne née le 7 juin 1984, a obtenu le statut de réfugiée au cours de l'année 2014. Par un jugement du 27 décembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre la décision du 21 octobre 2020 de l'autorité consulaire française à Djibouti refusant de délivrer à leur fils allégué, H... F... E..., un visa de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié et d'une personne admise au bénéfice de la protection subsidiaire, et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser le visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que l'identité du demandeur de visa, et partant son lien familial à l'égard de M. E... A... et Mme B... D..., n'étaient pas établis.

3. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, et dont les dispositions ont été reprises aux articles L. 561-2 à L. 561-5 du même code : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. / II.- Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721- 3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ". La circonstance qu'une demande de visa de long séjour ait pour objet le rapprochement familial d'un conjoint ou des enfants d'une personne bénéficiaire de la protection subsidiaire ne fait pas obstacle à ce que l'autorité administrative refuse la délivrance du visa sollicité en se fondant, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, sur un motif d'ordre public. Figure au nombre de ces motifs le défaut de valeur probante des documents destinés à établir la réalité du lien matrimonial entre les époux ou du lien de filiation produits à l'appui des demandes de visa.

4. L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, et dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 811-2 du même code, prévoit en son premier alinéa, que la vérification des actes d'état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. L'article 47 du code civil dispose quant à lui que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. A l'appui de la demande de visa ont été produits un certificat de naissance et d'identité établi le 6 juin 2012 par le maire de Mogadiscio (Somalie), un passeport et une carte d'identité somaliens. Le ministre de l'intérieur soutient que le certificat de naissance est dépourvu de valeur probante, en ce qu'il ne présente ni les conditions de forme, ni les conditions de fond permettant de le considérer comme un acte d'état-civil. Toutefois l'administration ne précise pas quelles règles relatives à l'état-civil somalien auraient été méconnues en l'espèce. Les circonstances que les tampons apposés sur le certificat de naissance utiliseraient la langue anglaise, que cet acte comporterait une erreur matérielle dans l'orthographe du nom de l'enfant, et que la paternité n'est établie que si la durée du mariage est supérieure à celle de la grossesse en vertu de l'article 54 du " Somali family act " alors que l'enfant serait né avant le mariage de ses parents, ne sont pas de nature à établir le caractère irrégulier, falsifié ou inexact du certificat de naissance et d'identité produit. Par ailleurs les énonciations contenues dans le certificat de naissance sont conformes aux déclarations faites par M. E... A... et Mme B... D... devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ainsi qu'aux mentions figurant sur le passeport et la carte d'identité de l'enfant. Dans ces conditions, en estimant que l'identité du demandeur de visa, et partant, son lien familial à l'égard de M. E... A... et Mme B... D... n'étaient pas établis, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision la décision du 24 février 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision de l'autorité consulaire française à Djibouti (République de Djibouti) refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour à Abdirahman Mohamed E..., en qualité de membre de famille de réfugié et d'une personne admise au bénéfice de la protection subsidiaire.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... A..., à Mme G... B... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 17 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2023.

Le rapporteur,

A. C...Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22NT00040


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00040
Date de la décision : 04/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : REGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-04-04;22nt00040 ?
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