Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... AC..., Mme AH... U..., Mme AG... AB..., M. Jean-Marie AB..., Mme V... W..., M. et Mme M... L..., M. et Mme AE... AD... d'Orth, M. et Mme AP... R..., Mme Fabienne I..., Mme Marie AM..., M. et Mme AN... F..., M. et Mme AK... C..., Mme Diana D..., M. et Mme P... AA..., M. AR... A... O..., M. et Mme S... Q..., M. et Mme Jean H..., M. et Mme Z... X..., Mme Marie-Dominique Y... et M. et Mme AF... N... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2019 par lequel la maire de Rennes a délivré à la société 62 Bd de Metz un permis de construire modificatif pour une construction sise 62 boulevard de Metz, ainsi que la décision implicite par laquelle elle a rejeté leur recours gracieux.
Par un jugement n° 2002190 du 26 octobre 2021, le tribunal administratif de Rennes a donné acte à M. et Mme AB... et à M. A... O... de leurs désistement (article 1er), annulé l'arrêté du 20 novembre 2019 de la maire de Rennes, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux présenté contre cette décision (article 2), mis à la charge de la commune de Rennes le versement d'une somme globale de 1 500 euros aux requérants de première instance au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3), et rejeté les conclusions présentées par la commune de Rennes au même titre (article 4).
Procédure devant la cour :
I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 21NT03568 les 16 décembre 2021, 2 juin et 2 septembre 2022, la commune de Rennes, représentée par Me Fleischl, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 octobre 2021 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il annule l'arrêté du 20 novembre 2019 de la maire de Rennes et la décision implicite rejetant le recours gracieux présenté contre sa décision par M. AC... et autres, qu'il met à la charge de la commune la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et qu'il rejette ses conclusions présentées au même titre ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. G... AC... et autres devant le tribunal administratif de Rennes, en tant que de besoin après mise en œuvre de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;
3°) de mettre à la charge solidaire de Mme AH... U..., M. G... AC..., M. et Mme AK... C..., M. et Mme AF... N..., M. et Mme AE... de Guyer d'Orth, Mme V... W..., M. et Mme Z... X..., Mme Diana D..., Mme Marie-Dominique Y..., M. et Mme Jean H..., Mme Fabienne I..., M. et Mme P... AA..., Mme Marie AM..., M. et Mme S... Q..., M. et Mme AN... F..., M. et Mme M... L... et M. et Mme AP... R... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérants n'avaient pas intérêt à agir devant le tribunal administratif au regard des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UB 12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Rennes ne pouvait fonder l'annulation de l'arrêté contesté dès lors qu'il s'agit de la construction d'une résidence communautaire avec services se rattachant à la sous-destination hébergement telle que définie à l'article 2 de l'arrêté du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d'urbanisme et les règlements des plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu ; la commune ne pouvait solliciter des documents non prévus par la réglementation ;
- le tribunal devait surseoir à statuer sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme alors que le vice retenu était manifestement régularisable et que seule la décision de permis de construire de régularisation était en débat ;
- les autres moyens soulevés par les requérants n'étaient pas de nature à fonder une décision d'annulation :
. le signataire de l'arrêté était compétent ;
. le moyen tiré de la violation de l'article UD du règlement du plan local d'urbanisme est inopérant au regard des dispositions de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme alors que l'arrêté du 28 septembre 2017 de non opposition à la déclaration préalable de lotissement a cristallisé la réglementation d'urbanisme opposable et plaçait le terrain d'assiette en zone UB 2 ; en tout état de cause le moyen est infondé dès lors que ce terrain est en " centre-ville élargi " au plan local d'urbanisme et qu'il est également desservi par les bus ;
. le moyen tiré de la méconnaissance des règles en matière de végétalisation est inopérant alors que ces dispositions n'étaient pas en vigueur le 28 septembre 2017 ; en tout état de cause le moyen est infondé dès lors que le géotextile posé ne sera pas imperméable ;
. le moyen tiré de la méconnaissance des règles opposables en matière de stationnement sera écarté eu égard à la destination de la construction ;
. le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme sera écarté en l'absence de risque pour la santé ;
- un permis de construire modificatif a été accordé le 13 juillet 2022 à la société 62 bd de Metz, lequel précise notamment que la construction est destinée aux étudiants, et modifie la surface des espaces communs.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 mars et 15 juin 2022, M. G... AC..., Mme V... W..., M. et Mme M... L..., M. et Mme AE... de Guyer d'Orth, M. et Mme AP... R..., Mme Fabienne I..., M. et Mme AK... C..., Mme Diana D..., M. et Mme S... Q..., M. et Mme Jean H..., M. et Mme Z... X..., et M. et Mme AF... N..., représentés par Me Blanquet, concluent au rejet de la requête et demandent de mettre à la charge de la commune de Rennes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête présentée devant le tribunal administratif était recevable eu égard à leur qualité de voisins immédiats du projet impactés par l'insuffisance des places de stationnement prévue et ses conséquences ;
- les moyens soulevés par la commune de Rennes ne sont pas fondés ;
- l'autorisation accordée méconnait diverses dispositions :
. l'article UB 12 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors que seules cinq places de stationnement sont prévues ;
. les règles relatives au stationnement alors que le projet ne constitue pas une résidence avec services et que l'espace services prévu ne respecte pas la superficie minimale de 10 % de surface de plancher totale fixée par le plan local d'urbanisme ;
. les dispositions applicables en zone UD du plan local d'urbanisme ne sont pas respectées, y compris après application de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme, dès lors que le projet n'est pas dans ou à proximité d'un périmètre de centralité ou d'une desserte par les transports collectifs ;
. le coefficient de végétalisation de 30 %, dont 20 % d'espace de pleine terre, prévu par le plan local d'urbanisme n'est pas respecté eu égard à la pose d'un géotextile souterrain imperméable ;
. l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme est méconnu alors que terrain d'assiette du projet est pollué et que la sécurité des usagers de l'ouvrage ne sera pas assurée.
II / Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 21NT03678, le 23 décembre 2021, le 3 juin, le 15 juillet, le 20 juillet et le 23 septembre 2022, les deux mémoires enregistrés le 23 septembre 2022 n'ayant pas été communiqués, la société 62 bd de Metz, représentée par Me Rouhaud, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 octobre 2021 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il annule l'arrêté du 20 novembre 2019 de la maire de Rennes et la décision implicite rejetant le recours gracieux présenté contre sa décision par M. G... AC... et autres ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. AC... et autres devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de M. G... AC..., Mme AH... U..., Mme AG... AB..., M. Jean-Marie AB..., Mme V... W..., M. et Mme M... L..., M. et Mme AE... de Guyer d'Orth, M. et Mme AP... R..., Mme Fabienne I..., Mme Marie AM..., M. et Mme AN... F..., M. et Mme AK... C..., Mme Diana D..., M. et Mme P... AA..., M. AR... A... O..., M. et Mme S... Q..., M. et Mme Jean H..., M. et Mme Z... X..., Mme Marie-Dominique Y... et M. et Mme AF... N... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car insuffisamment motivé en droit faute de se prononcer sur l'évolution plus favorable pour l'application de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme des règles d'urbanisme postérieurement à l'autorisation de lotir et des dispositions législatives applicables ;
- la requête de première instance était irrecevable en l'absence d'intérêt à agir des requérants eu égard aux dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UB 12 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Rennes ne pouvait fonder l'annulation de l'arrêté contesté ; eu égard aux dispositions de l'article L. 441-14 du code de l'urbanisme les règles en vigueur le 28 septembre 2017 ne trouvaient pas à s'appliquer dès lors que, s'agissant des règles de stationnement, celles issues du plan local d'urbanisme approuvé le 7 mars 2019 étaient plus favorables que celles opposables à la date de non opposition à la déclaration préalable du permis d'aménager, le 28 septembre 2017 ; en tout état de cause il s'agit de la réalisation d'une résidence communautaire disposant d'un espace de vie commun avec services dédiés ; aucune disposition n'imposait de préciser le caractère communautaire du projet se rattachant à la sous-destination logement ;
- les dispositions du plan local d'urbanisme applicables en matière de stationnement en zone UB ont été respectées ; le projet de résidence communautaire avec services et espace de vie est d'intérêt collectif et est situé en centre-ville élargi au sens de ces dispositions ; il se rattache à la sous-destination hébergement telle que définie à l'article 2 de l'arrêté du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d'urbanisme et les règlements des plans locaux d'urbanisme ou les documents en tenant lieu ; la commune ne pouvait solliciter des documents non prévus par la réglementation ; les pièces du dossier de demande permettaient d'apprécier la consistance des services proposés aux résidents ; le nombre de stationnements prévu respecte l'obligation de création d'une place pour six logements créés ;
- il devait être fait application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ; le nombre de places de stationnement et le public concerné par le projet pouvaient être modifiés ou complétés ; le permis de construire initial et définitif ne régularise pas le projet ;
- les autres moyens soulevés par M. AC... et autres n'étaient pas de nature à fonder une décision d'annulation :
le moyen tiré de la méconnaissance des règles opposables en matière de stationnement sera écarté eu égard à la destination de la construction ;
le moyen tiré de la violation de l'article UD du règlement du plan local d'urbanisme est infondé dès lors que ce terrain est à proximité d'un périmètre de centralité au sens du plan local d'urbanisme et qu'il est également desservi par les bus ; dans le plan local d'urbanisme intercommunal du 19 décembre 2019 le terrain d'assiette est en secteur 3 correspondant au centre-ville élargi bénéficiant d'une desserte performante en transports collectifs ;
le moyen tiré de la méconnaissance des règles en matière de végétalisation est infondé dès lors que le géotextile posé ne sera pas imperméable ;
le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme sera écarté en l'absence de risque pour la santé ;
- un permis de construire modificatif a été délivré le 13 juillet 2022, lequel précise notamment que la construction est destinée aux étudiants, diminue la surface de plancher et redistribue les locaux dont l'espace commun.
Par des mémoires en défense enregistrés les 17 mars, 15 juin et 19 août 2022, M. G... AC..., Mme V... W... épouse T..., M. et Mme M... L..., M. et Mme AE... de Guyer d'Orth, M. et Mme AP... R..., Mme Fabienne I..., M. et Mme AK... C..., Mme Diana D..., M. et Mme S... Q..., M. et Mme Jean H..., M. et Mme Z... X..., et M. et Mme AF... N..., représentés par Me Blanquet, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2022 de la maire de Rennes accordant à la société 62 bd de Metz un permis de construire modificatif ;
3°) de mettre à la charge de la société 62 bd de Metz une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- leur requête présentée devant le tribunal administratif était recevable eu égard à leur qualité de voisins immédiats du projet impactés par l'insuffisance de places de stationnement prévue et ses conséquences ;
- les moyens soulevés par la société 62 Bd de Metz ne sont pas fondés ;
- l'autorisation accordée méconnait diverses dispositions :
l'article UB 12 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors que seules cinq places de stationnement sont prévues ;
les règles relatives au stationnement alors que le projet ne constitue pas une résidence avec services et que l'espace services prévu ne respecte pas la superficie minimale de 10 % de surface de plancher totale fixée par le plan local d'urbanisme ;
les dispositions applicables en zone UD du plan local d'urbanisme, y compris après application de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme, dès lors que le projet n'est pas dans ou à proximité d'un périmètre de centralité ou d'une desserte par les transports collectifs ;
le coefficient de végétalisation de 30 %, dont 20 % d'espace de pleine terre, prévu par le plan local d'urbanisme eu égard à la pose d'un géotextile souterrain imperméable ;
l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme alors que terrain d'assiette du projet est pollué et que la sécurité des usagers de l'ouvrage ne sera pas assurée ;
le permis de construire modificatif du 20 novembre 2019 a été obtenu frauduleusement afin de se soustraire aux règles relatives au stationnement et aux règles de dépollution des sols en le présentant comme destiné à abriter une résidence communautaire ;
- le permis de construire modificatif accordé le 13 juillet 2022 ne régularise pas les vices identifiés et est illégal :
la surface de plancher des espaces de vie et de services demeure insuffisante au regard des dispositions du plan local d'urbanisme qui prévoit une surface minimale de 10 % de la surface de plancher totale du projet ;
il ne s'agit pas d'une résidence communautaire au sens du plan local d'urbanisme alors qu'il n'y a pas d'accueil permanent et qu'aucun accueil personnalisé des résidents n'est prévu ; le projet n'appartient pas à un périmètre de centralité et en est éloigné, sans desserte par les transports en commun ; aussi les règles de stationnement demeurent méconnues ;
le coefficient de végétalisation prévu par le plan local d'urbanisme n'est pas respecté ;
les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme sont méconnues alors que la dépollution du site n'est pas prévue ;
un permis de construire modificatif ne peut régulariser un permis obtenu par fraude ;
les dispositions du plan local d'urbanisme intercommunal de Rennes métropole sont méconnues faute de respecter l'obligation de réaliser une place de stationnement par logement.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivas,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me Laville-Collomb, représentant la commune de Rennes, de Me Blanquet, représentant M. AC... et autres, et de Me Messéant, représentant la société 62 bd de Metz.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 28 septembre 2017, la maire de Rennes ne s'est pas opposée à la déclaration préalable de la société Bâti Armor de division valant démolition pour la réalisation d'un lotissement de trois lots sur des terrains cadastrés n° BK 3, 27, 717 et 718 d'une superficie totale de 1 054 mètres carrés, situés 62, boulevard de Metz. Par un arrêté du 7 décembre 2017, la maire de Rennes a accordé le permis de construire sollicité par cette même société pour la création, sur l'un des lots, de 17 logements au sein d'un unique bâtiment à destination d'habitat, pour une surface de plancher totale de 1 040,80 mètres carrés. Par un arrêté du 22 mars 2018, la maire de Rennes a transféré ce permis de construire à la société 62 Bd de Metz. Puis, par un arrêté du 20 novembre 2019, la maire de Rennes a délivré à cette dernière société un permis de construire modificatif autorisant notamment la construction d'une résidence communautaire pour une surface de plancher de 1 010,50 m² et la réalisation de 21 logements. M. AC..., Mme U..., Mme AB..., M. AMme, Mme W..., M. et Mme L..., M. et Mme de Guyer d'Orth, M. et Mme R..., Mme I..., Mme AM..., M. et Mme F..., M. et Mme C..., B... D..., M. et Mme AA..., M. A... O..., M. et Mme Q..., M. et Mme H..., M. et Mme X..., Mme Y... et M. et Mme N... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler ce dernier arrêté.
2. Par un jugement du 26 octobre 2021, dont la commune de Rennes et la société 62 bd de Metz relèvent appel dans les deux instances mentionnées ci-dessus, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 20 novembre 2019 de la maire de Rennes ainsi que la décision implicite par laquelle elle a rejeté le recours gracieux formé par les requérants contre cet arrêté. Par un arrêté du 13 juillet 2022, dont M. AC..., Mme W..., M. et Mme L..., M. et Mme de Guyer d'Orth, M. et Mme R..., Mme I..., M. et Mme C..., Mme D..., M. et Mme Q..., M. et Mme H..., M. et Mme X..., et M. et Mme N... demandent l'annulation dans l'instance n° 21NT03678, la maire de Rennes a accordé à la société 62 bd de Metz un nouveau permis de construire modificatif permettant la réalisation d'une résidence communautaire pour étudiants comprenant 21 logements pour une superficie de 1 010,50 m².
3. Les requêtes n° 21NT03568 et n° 21NT03678 sont dirigées contre un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité des permis accordés les 20 novembre 2019 et 13 juillet 2022 à la société 62 bd de Metz :
4. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial ou après avoir épuisé les voies de recours contre le permis initial, ainsi devenu définitif, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient dans tous les cas au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ou, lorsque le contentieux porte sur un permis de construire modificatif, des modifications apportées au projet.
6. M. AC... et autres n'ont pas contesté le permis de construire initial accordé le 7 décembre 2017 par la maire de Rennes pour la construction d'un immeuble à usage d'habitation portant réalisation de 17 logements et de 17 places de stationnement situées en sous-sol au 62 boulevard de Metz. Le permis de construire modificatif accordé le 20 novembre 2019, qu'ils ont contesté, porte modification de ce projet et autorise la construction d'un immeuble à usage d'habitation communautaire de 21 logements et la réalisation de 5 places de stationnements. A l'appui de leur contestation de ce permis modificatif, M. AC... et autres, pour l'essentiel voisins proches du projet de construction, font valoir que, du fait de la réduction du nombre de places de stationnement, le projet autorisé va accroitre significativement les difficultés de stationnement préexistantes dans ce quartier urbain dense de Rennes, notamment par une augmentation des stationnements irréguliers aux abords de leurs maisons et garages, et augmenter le trafic routier des conducteurs cherchant à garer leurs véhicules.
7. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire modificatif du 20 novembre 2019 fixe à 21 le nombre total de logements prévus, dont 7 appartements d'une pièce, 13 avec deux pièces et 1 avec trois pièces, contre 17 logements, dont 2 avec cinq pièces et 3 avec quatre pièces prévus par le permis de construire initial. Le nombre de places de stationnement prévu est pour sa part réduit de 12 places dès lors que 17 places étaient autorisées par le permis de construire initial contre 5 autorisées par le permis de construire modificatif contesté. Ainsi le nombre de logements augmente de 17 à 21 logements, celui des places de stationnement diminue de 17 à 5, avec une modification du type de logements créés.
8. D'une part, l'accroissement du nombre de logements autorisés en 2019, de 17 à 21 logements ne permet pas d'identifier un besoin de places de stationnement significativement supérieur à celui résultant de l'ancien projet, eu égard aux différences de superficie des appartements créés et au public auquel est destiné le projet modifié. Ainsi de grands appartements prévus initialement afin d'accueillir un nombre important de personnes susceptibles de disposer de plusieurs véhicules ne figurent plus dans le projet modifié, lequel prévoit d'accueillir, au sein d'une résidence communautaire, des personnes dont il n'est pas établi qu'elles disposeront toutes d'une voiture. D'autre part, eu égard à la situation du projet dans un quartier disposant de places de stationnement sur la voie publique, à la présence de transports publics aux abords de la construction, la seule réduction de 12 places de stationnement n'est pas de nature à permettre de caractériser une augmentation effective des difficultés de stationnement dans ce quartier ou des difficultés consécutives de circulation aux abords de l'immeuble autorisé. Par ailleurs il n'est pas contesté que nombre des demandeurs de première instance disposent de places de stationnement personnelles privées réduisant d'autant l'impact des difficultés de stationnement sur leur situation, alors même que quelques-uns d'entre eux font état du fait que leurs activités professionnelles exercées à titre libéral ou commercial nécessitent des places de stationnement pour leurs patients et clients.
9. Ainsi la réduction du nombre de places de stationnement autorisées par l'arrêté du 20 novembre 2019 contesté, qui n'aura qu'une incidence modérée sur l'environnement du projet, n'apparait pas susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de biens de M. AC... et autres. Par suite, les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Rennes par M. AC... et autres, en l'absence d'intérêt leur donnant qualité à agir, étaient irrecevables.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Rennes et la société 62 bd de Metz sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes, après avoir écarté l'exception d'irrecevabilité qu'elles avaient opposée à la demande de M. AC... et autres, a annulé l'arrêté du 20 novembre 2019 de la maire de Rennes accordant un permis de construire modificatif à la société 62 bd de Metz ainsi que la décision implicite par laquelle elle a rejeté leurs recours gracieux.
11. Il y a lieu dès lors d'annuler le jugement attaqué sur ce point et, par l'effet dévolutif de l'appel, de rejeter les conclusions dirigées contre cet arrêté en raison de l'absence d'intérêt à agir des demandeurs.
12. Pour les mêmes motifs, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par M. AC... et autres contre le permis de construire modificatif délivré le 13 juillet 2022 par la maire de Rennes à la même société, qui est sans incidence sur le nombre de places de stationnement du projet modifié.
En ce qui concerne les frais de première instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante.
14. Le jugement attaqué met à la charge de la commune de Rennes une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de M. AC..., Mme U..., Mme W..., M. et Mme L..., M. et Mme de Guyer d'Orth, M. et Mme R..., Mme I..., Mme AM..., M. et Mme F..., M. et Mme C..., Mme D..., M. et Mme AA..., M. et Mme Q..., M. et Mme H..., M. et Mme X..., Mme Y... et M. et Mme N.... Il résulte d'une part de ce qui précède que la demande présentée par M. AC... et autres devant le tribunal administratif de Rennes était irrecevable. Par suite, la commune de Rennes est fondée à soutenir que c'est à tort qu'il a été fait droit à cette demande de M. AC... et autres.
15. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. AC... et autres une somme à verser à la commune de Rennes au titre des frais exposés par cette commune en première instance.
16. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'une part d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 octobre 2021 en tant qu'il annule l'arrêté du 20 novembre 2019 de la maire de Rennes accordant un permis de construire modificatif à la société 62 bd de Metz ainsi que la décision implicite par laquelle elle a rejeté le recours gracieux formée par M. AC... et autres et en tant qu'il met à la charge de la commune de Rennes une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, d'autre part, de rejeter les conclusions présentées par ces derniers devant la cour contre l'arrêté du 13 juillet 2022 de la maire de Rennes accordant à la société 62 bd de Metz un nouveau permis de construire modificatif.
Sur les frais de l'instance d'appel :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. AC... et autres. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de M. G... AC..., Mme V... W..., M. et Mme M... L..., M. et Mme AE... de Guyer d'Orth, M. et Mme AP... R..., Mme Fabienne I..., M. et Mme AK... C..., Mme Diana D..., M. et Mme S... Q..., M. et Mme Jean H..., M. et Mme Z... X..., et M. et Mme AF... N..., seules parties appelantes, les sommes de 750 euros à verser respectivement à la commune de Rennes et à la société 62 bd de Metz.
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2002190 du tribunal administratif de Rennes du 26 octobre 2021 sont annulés.
Article 2 : Les demandes présentées par M. AC... et autres devant le tribunal administratif de Rennes contre le permis de construire modificatif du 20 novembre 2019 ainsi que leurs conclusions présentées devant la cour tendant à l'annulation du permis de construire modificatif du 13 juillet 2022 sont rejetées.
Article 3 : M. G... AC..., Mme V... W..., M. et Mme M... L..., M. et Mme AE... de Guyer d'Orth, M. et Mme AP... R..., Mme Fabienne I..., M. et Mme AK... C..., Mme Diana D..., M. et Mme S... Q..., M. et Mme Jean H..., M. et Mme Z... X..., et M. et Mme AF... N... verseront solidairement la somme de 750 euros à la commune de Rennes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : M. G... AC..., Mme V... W..., M. et Mme M... L..., M. et Mme AJean de Guyer d'Orth, M. et Mme AP... R..., Mme Fabienne I..., M. et Mme AK... C..., Mme Diana D..., M. et Mme S... Q..., M. et Mme E... H..., M. et Mme Z... X..., et M. et Mme AF... N... verseront solidairement la somme de 750 euros à la société 62 bd de Metz en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Rennes, à la société 62 bd de Metz, à M. AC..., désigné représentant unique par son mandataire, à Mme AH... U..., à Mme Marie AM..., à M. et Mme AN... F..., à M. et Mme P... AA... et aux ayant-droit de Mme Marie-Dominique Y....
Délibéré après l'audience du 17 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2023.
Le rapporteur,
C. Rivas
Le président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet d'Ille-et-Vilaine en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 21NT03568,21NT03678