Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et aux prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2016.
Par un jugement n° 2001493 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 avril et 20 octobre 2022 M. C..., représenté par Me Vallançon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le montant du produit de cession à prendre en compte pour l'application des dispositions du 2° du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts doit être réduit du fait des révisions du prix de cession intervenues postérieurement à la cession ;
- les réinvestissements réalisés dépassent le montant exigé pour bénéficier du report d'imposition prévu par ces dispositions ;
- à titre subsidiaire, s'il était considéré que les réinvestissements réalisés n'atteignent pas le montant exigé, la plus-value en report d'imposition devrait a minima être recalculée et s'établir à 140 096 euros.
Par des mémoires en défense enregistrés les 21 septembre et 2 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C... a, le 13 novembre 2014, constitué l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Lunerie par apport de 70 titres de la société à responsabilité limitée (SARL) C... d'une valeur totale de 826 000 euros. L'EURL Lunerie a cédé à une société tierce, le 8 décembre 2014, l'ensemble des titres ainsi reçus en apport. L'EURL Lunerie a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, au terme de laquelle l'administration fiscale a remis en cause le report d'imposition dont bénéficiait M. C... pour la plus-value réalisée à l'occasion de son apport de parts sociales, au motif d'une absence de réinvestissement conforme aux conditions posées au 2° du I de l'article 150-0 B ter du code général des impôts. M. C... a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, et aux prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2016. Par un jugement du 10 février 2022, le tribunal a rejeté sa demande. M. C... fait appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition litigieuse : " I. L'imposition de la plus-value réalisée, directement ou par personne interposée, dans le cadre d'un apport de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres ou de droits s'y rapportant tels que définis à l'article 150-0 A à une société soumise à l'impôt sur les sociétés ou à un impôt équivalent est reportée si les conditions prévues au III du présent article sont remplies. (...) Il est mis fin au report d'imposition à l'occasion : (...) 2° De la cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l'annulation des titres apportés, si cet événement intervient dans un délai, décompté de date à date, de trois ans à compter de l'apport des titres. Toutefois, il n'est pas mis fin au report d'imposition lorsque la société bénéficiaire de l'apport cède les titres dans un délai de trois ans à compter de la date de l'apport et prend l'engagement d'investir le produit de leur cession, dans un délai de deux ans à compter de la date de la cession et à hauteur d'au moins 50 % du montant de ce produit, dans le financement d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l'exception de la gestion d'un patrimoine mobilier ou immobilier, dans l'acquisition d'une fraction du capital d'une société exerçant une telle activité, sous la même exception, et qui a pour effet de lui en conférer le contrôle au sens du 2° du III du présent article, ou dans la souscription en numéraire au capital initial ou à l'augmentation de capital d'une ou plusieurs sociétés répondant aux conditions prévues au d du 3° du 3 du I de l'article 150-0 D ter et aux b et c du 2° du I de l'article 199 terdecies-0 A. Le non-respect de la condition de réinvestissement met fin au report d'imposition au titre de l'année au cours de laquelle le délai de deux ans expire. ".
3. Il résulte de l'instruction que le prix initial, le 8 décembre 2014, des titres de la SARL C... cédés par l'EURL Lunerie à une société tierce était de 826 000 euros. Toutefois, ce montant initialement retenu par le service a été corrigé dans la réponse aux observations du contribuable du 21 janvier 2019 afin de tenir compte d'un versement de 32 852,40 euros effectué par l'EURL Lunerie au titre de la garantie de passif.
4. Il résulte également de l'instruction que, par un acte du 15 avril 2015, les parties à la vente se sont accordées sur une diminution du prix de cession de 42 424,24 euros. Il est constant que cette dernière somme a été reversée par l'EURL Lunerie à l'acquéreur avant le 8 décembre 2016, date limite de l'obligation d'investir au moins 50% du montant du produit de la cession dans le financement d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, telle que prévue à l'article 150-0 B ter du code général des impôts cité au point 2. Par suite, alors même que l'acte de vente initial ne prévoyait pas de clause de révision du prix, rien ne fait obstacle à la prise en compte de cette somme de 42 424 euros en diminution du prix de cession des titres.
5. En revanche, les autres diminutions de prix dont se prévaut le requérant, d'une part de 320 000 euros suivant un acte du 28 janvier 2016 et d'autre part de 23 450 euros s'agissant de frais et intérêts à la suite de l'ordonnance de référé du tribunal de commerce d'Avranches du 3 octobre 2017, ne peuvent, en tout état de cause, pas être prises en compte dès lors que ces sommes n'avaient pas été reversées par l'EURL Lunerie à l'acquéreur à la date-butoir du 8 décembre 2016 résultant de l'application des dispositions de l'article
150-0 B ter du code général des impôts relatives à la détermination du montant concerné par l'obligation de réinvestir.
6. Il suit de là que le prix de cession des titres devant être retenu pour apprécier le seuil obligatoire de réinvestissement dans un délai de deux ans prévu à l'article 150-0 B ter du code général des impôts s'élève à 750 723,36 euros, et que le montant de l'investissement obligatoire d'au moins 50% est de 375 362 euros.
7. M. C... ne conteste pas que l'EURL Lunerie n'avait investi que
289 895 euros à la date du 8 décembre 2016. A supposer même que l'intégralité de cette somme puisse être regardée comme un investissement dans le financement d'une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, ou dans l'acquisition d'une fraction du capital d'une société exerçant une telle activité, elle reste inférieure au montant de l'investissement obligatoire d'au moins 50% dans un délai de deux ans prévu à l'article 150-0 B ter du code général des impôts et s'élevant en l'espèce à 375 362 euros, comme mentionné au point 6. Par conséquent, M. C... est uniquement fondé à demander que la plus-value qui avait été mise en report d'imposition soit recalculée par l'administration en fonction du prix de cession de 750 723,36 euros déterminé au point 6.
8. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir dans cette seule mesure que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. C... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : M. C... est déchargé des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, et aux prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2016, à concurrence de la réduction des bases d'imposition résultant d'un calcul de la plus-value mise en report d'imposition en fonction d'un prix de cession des titres de la SARL C... de 750 723,36 euros.
Article 2 : Le jugement n° 2001493 du tribunal administratif de Caen du 10 février 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2023.
La rapporteure
P. B...La présidente
I. Perrot
La greffière
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
2
N° 22NT01056
1