Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation.
Par une ordonnance n° 2100075 du 5 novembre 2021, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 30 décembre 2021 et le 10 octobre 2022, Mme C... A..., représentée par Me Sodalo, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 5 novembre 2021 de la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de réexaminer sa demande de naturalisation.
Elle soutient que :
- son dossier n'étant pas incomplet, sa demande d'acquisition de la nationalité française par naturalisation doit être regardée comme ayant été implicitement rejetée par le préfet de la Seine-Maritime et le silence gardé pendant quatre mois par le ministre de l'intérieur sur son recours hiérarchique doit, pour la même raison, être regardé comme ayant fait naître une décision implicite de rejet, de sorte que ses conclusions n'étaient pas irrecevables ;
- la décision contestée n'est pas motivée, en méconnaissance de l'article L. 211-2, 8° du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 août et 15 novembre 2022, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- aucune décision implicite de rejet n'est née, à l'expiration du délai de dix-huit mois prévu par l'article 21-25-1 du code civil, sur la demande d'acquisition de la nationalité française par naturalisation déposée par Mme A..., son dossier étant incomplet, ce dont la postulante a été informée par un courrier du 9 août 2019 du préfet de la Seine-Maritime ; ses conclusions à fin d'annulation étant donc dépourvues d'objet dès l'introduction de la demande de première instance, elles étaient irrecevables ;
- les moyens soulevés contre la prétendue décision contestée sont inopérants ;
- à supposer que Mme A... puisse se prévaloir de l'existence d'une décision implicite de rejet, ses conclusions à fin d'annulation sont, en tout état de cause, devenues sans objet en cours de procédure, une décision du 7 mai 2021, devenue définitive, du préfet de la Seine-Maritime ayant ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... relève appel de l'ordonnance du 5 novembre 2021 par laquelle la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, comme manifestement irrecevable sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande de naturalisation.
Sur les conclusions à fin de non-lieu à statuer présentées par le ministre de l'intérieur et des outre-mer :
2. La décision du 7 mai 2021 par laquelle le préfet de la Seine-Maritime a ajourné à deux ans la demande de naturalisation de Mme A... n'a pas pour objet, ni pour effet, de rapporter la décision implicite, née antérieurement, du ministre de l'intérieur rejetant le recours hiérarchique formé par la postulante contre la décision implicite du même préfet ayant rejeté sa demande de naturalisation. Il s'ensuit que les conclusions à fin de non-lieu à statuer présentées par le ministre de l'intérieur et des outre-mer ne peuvent être accueillies.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
3. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, les premiers vice-présidents des tribunaux et des cours, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours et les magistrats ayant une ancienneté minimale de deux ans et ayant atteint au moins le grade de premier conseiller désignés à cet effet par le président de leur juridiction peuvent, par ordonnance : / (...) / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; / (...) ".
4. Aux termes de l'article 21-25-1 du code civil : " La réponse de l'autorité publique à une demande d'acquisition de la nationalité française par naturalisation doit intervenir au plus tard dix-huit mois à compter de la remise de toutes les pièces nécessaires à la constitution d'un dossier complet contre laquelle un récépissé est délivré immédiatement. / Le délai visé au premier alinéa est réduit à douze mois lorsque l'étranger en instance de naturalisation justifie avoir en France sa résidence habituelle depuis une période d'au moins dix ans au jour de cette remise. / Les délais précités peuvent être prolongés une fois, par décision motivée, pour une période de trois mois. ". L'article 37-1 du décret du 30 décembre 1993, dans sa rédaction alors applicable, précise que : " La demande est accompagnée des pièces suivantes : / (...) / Dès la production des pièces prévues ci-dessus, l'autorité auprès de laquelle la demande a été déposée délivre le récépissé prévu à l'article 21-25-1 du code civil constatant cette production. / (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., ressortissante congolaise née en 1990, a déposé, le 8 mars 2019, à la préfecture de la Seine-Maritime une demande d'acquisition de la nationalité française par naturalisation, contre laquelle lui a été remis, le 11 mars 2019, un récépissé, signé d'un agent de la préfecture, lui indiquant, notamment, que sa demande était enregistrée sous le numéro " 2019P76001X00309 ". La remise de ce récépissé à la postulante atteste que le dossier joint à sa demande de naturalisation était, à cette date, réputé complet. Il est, par ailleurs, constant qu'à la même date, Mme A... séjournait régulièrement en France depuis plus de dix ans. Ainsi, en application des dispositions précitées de l'article 21-25-1 du code civil, une décision implicite de rejet est née sur la demande de naturalisation déposée par la postulante à l'expiration d'un délai de douze mois suivant la remise du récépissé. Il ressort également des pièces du dossier que Mme A... a formé, par un courrier reçu le 15 juillet 2020, un recours hiérarchique contre cette décision implicite de rejet. Le ministre de l'intérieur, en gardant le silence pendant plus de quatre mois sur ce recours, l'a implicitement rejeté. Dès lors, Mme A... est fondée à soutenir qu'à la date d'introduction de sa demande, soit le 4 janvier 2021, ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur rejetant sa demande de naturalisation étaient recevables.
6. Il résulte de ce qui précède que l'ordonnance attaquée par laquelle la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes a rejeté, sur le fondement des dispositions du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sa demande au motif que Mme A... ne pouvant " se prévaloir de l'existence d'une décision implicite de rejet de sa demande de naturalisation résultant du silence gardé par le préfet de la Seine-Maritime ", ses conclusions tendant à l'annulation du rejet par le ministre de l'intérieur de son recours contre " la décision de refus " du préfet de la Seine-Maritime étaient irrecevables, est entachée d'irrégularité et doit, par suite, être annulée. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite du ministre de l'intérieur :
7. Le ministre de l'intérieur se borne, dans ses écritures, à contester la recevabilité de la demande de Mme A..., sans préciser, même subsidiairement, le motif de la décision implicite par laquelle il a rejeté le recours hiérarchique formé contre la décision, également implicite, du préfet de la Seine-Maritime ayant rejeté la demande de naturalisation de Mme A.... Il appartient, dès lors, à la cour, en vertu des pouvoirs généraux d'instruction dont elle dispose, de demander au ministre, avant de statuer sur la demande de Mme A..., de lui indiquer, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, le motif de la décision contestée en vue de contrôler si ce motif était de nature à la justifier légalement.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du 5 novembre 2021 de la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Nantes est annulée.
Article 2 : Il est demandé au ministre de l'intérieur et des outre-mer, avant de statuer sur la demande de Mme A..., d'indiquer à la cour, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, le motif de la décision contestée.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Buffet, présidente de chambre,
Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
M. Le Brun, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mars 2023.
Le rapporteur,
Y. B...
La présidente,
C. BUFFET
La greffière,
A. LEMEE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21NT03712