Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 décembre 2021, 28 octobre 2022, 28 novembre 2022 et 16 décembre 2022, la communauté de communes Pays de Falaise, représentée par Me Agostini, demande à la cour :
1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Falaise (Calvados), au vu de l'avis défavorable du 16 septembre 2021 de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), a refusé de délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la société Cosfateo ;
2°) à titre principal, d'enjoindre au maire de Falaise de lui délivrer le permis sollicité, dans le délai de quinze jours suivant notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de lui ordonner de statuer à nouveau sur sa demande, le cas échéant après avis de la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), dans un délai de quatre mois suivant notification de l'arrêt à intervenir.
Elle soutient que :
- dans son volet urbanistique, la décision contestée est mal-fondée, outre qu'elle n'est pas motivée ;
- le recours devant la CNAC était irrecevable ;
- il ne ressort pas de l'avis rendu par la CNAC le 16 septembre 2021 que ses membres et l'ensemble des parties concernées auraient été régulièrement convoqués à cette séance, ni qu'ils auraient disposé, dans les délais requis, des documents et informations nécessaires à l'examen du projet en application des article R. 752-34 à R. 752-36 du code de commerce ;
- l'avis du ministre chargé de l'urbanisme sur le projet n'a été rendu que la veille de la séance de la CNAC, ce qui a nécessairement empêché les membres de CNAC d'en prendre connaissance utilement ;
- la CNAC s'est fondée sur le critère de l'artificialisation et de l'imperméabilisation des sols mentionné au V de l'article L. 752-6 du code de commerce qui n'était pas en vigueur à la date de dépôt de la demande ;
- la CNAC a commis plusieurs erreurs d'appréciation dans l'application des critères de l'article L. 752-6 du code de commerce ;
- le projet n'est pas de nature à porter atteinte aux commerces du centre-ville de Falaise ou à nuire à l'animation de la vie urbaine et rurale de la zone de chalandise ;
- la desserte du projet (transports en commun, voie cyclable) est parfaitement adaptée tant au contexte local qu'à la nature du projet en cause ;
- l'impact de l'artificialisation est limité ;
- l'insertion paysagère et architecturale du magasin est cohérente, que ce soit vis-à-vis du contexte urbain avoisinant ou des structures commerciales existantes au sein de la zone d'activités " Extansia " ;
- la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) et la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) ont émis un avis favorable sur le projet ;
- la société Alfage n'a pas intérêt pour agir ;
- elle n'est pas recevable à contester pour la première fois le défaut de qualité de la société Cosfateo pour solliciter l'autorisation en cause.
Par des mémoires, enregistrés les 30 août 2022, 17 novembre 2022, 7 et 27 décembre 2022, la société Alfage, représentée par Me Fresneau et Me Guillini, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la communauté de communes Pays de Falaise le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête de la communauté de communes Pays de Falaise est irrecevable faute pour la communauté de communes d'établir la date de la décision implicite attaquée ;
- sa requête est irrecevable faute d'intérêt pour agir ;
- la société Cosfateo ne justifiait pas de la qualité pour demander le permis de construire litigieux sur le fondement de l'article R. 752-4 du code de commerce ;
- aucun des moyens soulevés par la communauté de communes Pays de Falaise n'est fondé.
Par un mémoire, enregistré le 6 décembre 2022, la CNAC conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- il n'est pas justifié d'une décision implicite de rejet ;
- le recours est tardif ;
- la communauté de communes Pays de Falaise ne justifie pas d'un intérêt pour agir ;
- les conclusions dirigées contre l'État au titre des frais de procès sont irrecevables ;
- les moyens de la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Derlange, président assesseur,
- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,
- et les observations de Me Brillier-Laverdure, pour la communauté de communes du Pays de Falaise et de Me Fresneau, pour la société Alfage.
Considérant ce qui suit :
1. La société Cosfateo a déposé le 8 février 2021 une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale afin de créer, sur une parcelle cadastrée BA 155 située boulevard du pays de Falaise dans la zone d'activités " Expansia ", un magasin de secteur 2 d'équipement de la maison à l'enseigne " Centrakor ", sur le territoire de la commune de Falaise (Calvados). La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) du Calvados a émis un avis favorable au projet le 14 avril 2021, qui a été contesté devant la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) par les sociétés Alfage, Ardoises et fraises et Vandeck et Mme B.... Le 16 septembre 2021, la CNAC a rendu un avis défavorable au projet. La communauté de communes du Pays de Falaise demande à la cour d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de Falaise a refusé de délivrer le permis de construire sollicité en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.
Sur la recevabilité de la requête de la communauté de communes Pays de Falaise :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction. / Un décret en Conseil d'Etat précise les cas dans lesquels un permis tacite ne peut être acquis ". Aux termes de l'article R. 424-2 du même code : " Par exception au b de l'article R*424-1, le défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction vaut décision implicite de rejet dans les cas suivants : / (...) / h) Lorsque le projet relève de l'article L. 425-4 ou a été soumis pour avis à la commission départementale d'aménagement commercial sur le fondement de l'article L. 752-4 du code de commerce et que la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, la Commission nationale d'aménagement commercial a rendu un avis défavorable ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 423-18 du même code : " Le délai d'instruction est déterminé dans les conditions suivantes : / a) Un délai de droit commun est défini par la sous-section 2 ci-dessous. En application de l'article R. 423-4, il est porté à la connaissance du demandeur par le récépissé ; / b) Le délai de droit commun est modifié dans les cas prévus par le paragraphe 1 de la sous-section 3 ci-dessous. La modification est notifiée au demandeur dans le mois qui suit le dépôt de la demande ; / c) Le délai fixé en application des a ou b est prolongé dans les cas prévus par le paragraphe 2 de la sous-section 3 ci-dessous, pour prendre en compte des obligations de procédure qui ne peuvent être connues dans le mois qui suit le dépôt de la demande ". Aux termes de l'article R. 423-19 du même code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet ". Aux termes de l'article R. 423-23 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : (...) / c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager. ". Aux termes de l'article R. 424-24 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun prévu par l'article R. 423-23 est majoré d'un mois : a) Lorsque le projet est soumis, dans les conditions mentionnées au chapitre V, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévus par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme ; (...) / c) Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques (...) ". Aux termes de l'article R. 423-25 du même code : " Le délai d'instruction prévu par le b et le c de l'article R. 423-23 est majoré de deux mois : / (...) / e) Lorsque le permis porte sur un projet soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce ; / (...) ". Aux termes de l'article R. 423-36-1 du même code : " Lorsqu'en application soit du I, soit du V de l'article L. 752-17 du code de commerce, la délivrance du permis est subordonnée à un avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial, le délai d'instruction est prolongé de cinq mois. / (...) ". Aux termes de l'article R. 423-42 du même code : " Lorsque le délai d'instruction de droit commun est modifié en application des articles R. 423-24 à R. 423-33, l'autorité compétente indique au demandeur ou à l'auteur de la déclaration, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie : / a) Le nouveau délai et, le cas échéant, son nouveau point de départ ; / b) Les motifs de la modification de délai ; / c) Lorsque le projet entre dans les cas prévus à l'article R. 424-2, qu'à l'issue du délai, le silence éventuel de l'autorité compétente vaudra refus tacite du permis. ". Aux termes de l'article R. 423-43 du même code : " Les modifications de délai prévues par les articles R. 423-24 à R. 423-33 ne sont applicables que si les notifications prévues par la présente sous-section ont été faites (...) ".
3. Il n'est pas contesté que le dossier de demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale déposé par la société Cosfateo le 8 février 2021 était complet. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Falaise, par un courrier du 24 février 2021, a notifié à la société Cosfateo des informations relatives aux modifications de délai prévues par les articles R. 423-24 à R. 423-33 du code de l'urbanisme, justifiant une prolongation du délai d'instruction de droit commun de trois mois de deux fois un mois au titre des délais d'instruction particuliers du a) et du c) de l'article R. 424-24 du code de l'urbanisme, ce qui a eu pour effet de porter ce délai d'instruction à cinq mois. Eu égard au fait qu'il y a lieu d'y ajouter le délai de prolongation exceptionnelle de cinq mois mentionné par les dispositions de l'article R. 423-36-1 du même code, il ressort des pièces du dossier qu'une décision implicite de rejet de la demande de la société Cosfateo est née le 9 décembre 2021. Dans ces conditions, la société Alfage et la CNAC ne sont pas fondées à soutenir que la requête de la communauté de communes Pays de Falaise enregistrée au greffe de la cour le 27 décembre 2021 serait tardive.
4. D'autre part, la communauté de communes Pays de Falaise, dont le président avait d'ailleurs siégé à la réunion de la CDAC du 14 avril 2021, a notamment pour compétence, en vertu du 2° du I de l'article L. 5214-16 du code général des collectivités territoriales et de ses statuts, les actions de développement économique en matière de " création, aménagement, entretien et gestion de zones d'activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale ". Or le terrain d'assiette du projet, dont elle est au surplus propriétaire, se situe dans la zone d'activités " Expansia ", au nord de Falaise, qu'elle a créée en 2017 et dont elle a la charge. Elle justifie ainsi d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision attaquée qui refuse l'implantation d'un commerce sur le territoire de la commune de Falaise dans la zone d'activités dédiée. Dans ces conditions, la société Alfage et la CNAC ne sont pas fondées à soutenir que la communauté de communes Pays de Falaise ne disposerait pas d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la décision attaquée.
Sur la maîtrise foncière du terrain d'assiette du projet :
5. Aux termes de l'article R. 752-4 du code de commerce : " La demande d'autorisation d'exploitation commerciale est présentée : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains ou immeubles, par toute personne justifiant d'un titre du ou des propriétaires l'habilitant à exécuter les travaux ou par le mandataire d'une de ces personnes (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale était accompagnée d'un acte authentique notarié du 13 octobre 2018 par lequel la communauté de communes Pays de Falaise a promis de vendre à la société Cosfateo le terrain d'assiette du projet. Contrairement à ce que soutient la société Alfage, la commission nationale pouvait se fonder sur cet élément pour retenir que le pétitionnaire justifiait bien d'un titre au sens de l'article R. 752-4 du code de commerce. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que la date limite de validité de cet engagement du 31 octobre 2019 a été portée au 31 octobre 2020 puis au 30 octobre 2021 par deux avenants et qu'une délibération du 19 avril 2018 du conseil communautaire de la communauté de communes Pays de Falaise avait autorisé son président à signer ces actes. Par suite, le moyen tiré de l'absence de maîtrise foncière du terrain d'assiette du projet par la société Cosfateo doit être écarté.
Sur le respect par le projet des objectifs fixés à l'article L. 752-6 du code de commerce :
7. D'une part, aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi ". Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine (...) ".
8. D'autre part, aux termes de l'article L. 752-6 du même code : " I. -L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ;b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ;d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; 3° En matière de protection des consommateurs : a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. (...) ".
9. Il résulte de ces dispositions combinées à celles de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Les dispositions ajoutées au I de l'article L. 752-6 du code de commerce, par la loi du 23 novembre 2018, poursuivent l'objectif d'intérêt général de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Elles se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale des effets du projet sur l'aménagement du territoire et ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes.
En ce qui concerne l'objectif d'aménagement du territoire :
10. Au regard des dispositions rappelées au point 9, la CNAC ne pouvait se borner, pour considérer que les effets du projet de la société Cosfateo sur l'animation de la vie urbaine, en termes d'intégration urbaine et de préservation ou de revitalisation du tissu commercial de centre-ville de Falaise, faisaient obstacle à la délivrance de l'autorisation sollicitée, à opposer de manière générale le fait que l'implantation du commerce " Centrakor " au sein de la zone d'activités " Expansia ", à environ 2,3 km au nord du centre-ville de Falaise et à environ 34 km du centre-ville de la commune de Caen " pourrait porter atteinte aux commerces du centre-ville de Falaise et ainsi nuire à l'animation de la vie urbaine et rurale de la zone de chalandise ". Il ressort du rapport d'instruction devant la CNAC que le taux de vacance commerciale brut dans le centre-ville de Falaise ne s'élève qu'à 7,56 %, 13 locaux vacants pour 159 locaux en activité, que le ministre en charge du commerce dans son avis du 31 août 2021 a considéré que " La demande en matière d'équipement de la maison est forte sur le territoire concerné par le projet, alors que l'offre en est absente " et que " Le magasin permettra d'apporter une offre complémentaire au sein de la zone de chalandise en proposant des articles de décoration à des prix abordables, dans un magasin neuf et plus agréable ". Il ressort également des pièces du dossier que la zone de chalandise est marquée par une évolution démographique significative, le nombre d'habitants s'étant accru de 4,05 % entre 2011 et 2021. Dans ces conditions, quand bien même la commune de Falaise a connu une baisse de sa population de 3,6% sur 10 ans et a bénéficié d'un concours financier du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) en janvier 2020, et en dépit du caractère insuffisant de sa desserte par les transports en commun et les modes de " transport doux ", cette circonstance n'étant pas à elle seule de nature en l'espèce à justifier un refus d'autorisation, la CNAC a commis une erreur d'appréciation dans l'application des critères prévus par l'article L. 752-6 du code de commerce, notamment le e) du 1° de ces dispositions, en retenant que le projet envisagé serait de nature à compromettre l'objectif d'aménagement du territoire.
En ce qui concerne l'objectif de développement durable :
11. D'une part, si la CNAC a relevé que le projet portera sur un terrain de 8 174 m², avec un taux d'imperméabilisation de 56%, il n'en reste pas moins que 44% de l'espace qui y sera consacré restera à l'état naturel, avec la création de 3 170 m² d'espaces verts, soit 39% de l'emprise foncière, et la plantation de vingt arbres de haute tige ainsi que d'arbustes, ce qui ne permet pas de considérer que le projet compromettrait de manière significative la réalisation de l'objectif de développement durable en ce qui concerne les critères d'imperméabilisation des sols et de préservation de l'environnement, dès lors que par ailleurs la société Cosfateo justifie de mesures positives à cet égard comme l'installation de 1 702 m² de panneaux photovoltaïques pour couvrir la totalité de la toiture, un éclairage extérieur par lampadaires solaires, un éclairage intérieur par des ampoules LED et le traitement des eaux pluviales par un bassin de rétention de 163 m3. De même, la création de cinquante-deux places de stationnement n'apparaît pas disproportionnée au regard de l'évaluation à vingt-cinq clients par heure de la fréquentation du commerce de la société Cosfateo.
12. D'autre part, si le ministre en charge de l'urbanisme, dans son avis du 15 septembre 2021, a estimé que " le bâtiment projeté correspond à un modèle commercial obsolète, de type " boîte à chaussures " rectangulaire à toiture plate, en façades de bardage métallique gris ", il a relevé que " Un léger effort est réalisé avec l'ajout de quelques bardages verticaux en bois sur la façade d'entrée ". Eu égard à la création des espaces verts mentionnée au point précédent et en l'absence de tout caractère remarquable des alentours, la CNAC a également commis une erreur d'appréciation en considérant que l'insertion paysagère et architecturale était insatisfaisante.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes du Pays de Falaise est fondée à soutenir que c'est à tort que la Commission nationale d'aménagement commercial a considéré que le projet en litige ne répondait pas suffisamment aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du code de commerce précité.
14. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est de nature, en l'état de l'instruction, à conduire à l'annulation de l'arrêté litigieux.
15. La décision implicite de rejet du maire de la commune de Falaise prise en application de l'avis illégal de la Commission nationale d'aménagement commercial du 16 septembre 2021 est elle-même illégale et doit, dès lors, être annulée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. La censure des motifs retenus par la Commission nationale d'aménagement commercial pour rendre un avis défavorable n'implique pas nécessairement que la commission émette un avis favorable sur le projet dès lors que les motifs de l'avis défavorable rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial le 16 septembre 2021 ne concernaient que certains des critères d'évaluation, relevant de deux seulement des trois objectifs fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce. Par suite, l'annulation de la décision attaquée implique seulement que la Commission nationale d'aménagement commercial se prononce à nouveau sur le recours formé devant elle. En conséquence, il y a lieu d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial, qui se trouve à nouveau saisie de ce dossier, de procéder à ce réexamen, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et au maire de Falaise de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire de la société Cosfateo dans un délai de trois mois suivant la notification du nouvel avis de la Commission nationale d'aménagement commercial.
Sur les frais liés au litige :
17. Les conclusions présentées par la société Alfage au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées dès lors que la communauté de communes du Pays de Falaise n'est pas la partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : La décision implicite du maire de Falaise rejetant la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la suite de l'avis de la CNAC du 16 septembre 2021 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint, d'une part, à la Commission nationale d'aménagement commercial de rendre un nouvel avis sur le projet de la société Cosfateo dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et, d'autre part, au maire de Falaise de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire de la société Cosfateo dans un délai de trois mois suivant la notification du nouvel avis de la Commission nationale d'aménagement commercial.
Article 3 : Les conclusions de la société Alfage au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Pays de Falaise, à la commune de Falaise, à la société Alfage, à la SAS Cosfateo, à la société Vandeck, à la SARL Ardoises et fraises, à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée, pour information à la Commission nationale d'aménagement commercial.
Délibéré après l'audience du 14 février 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Chollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mars 2023.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
C. WOLF
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT03693