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07/03/2023 | FRANCE | N°21NT03225

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 07 mars 2023, 21NT03225


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... J... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 mars 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 15 novembre 2019 des autorités consulaires françaises à Pointe-Noire refusant de délivrer aux jeunes K... C... et N... C... F... un visa de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié.

Par un jugement n° 2104948 du 8 novembre 2021, le trib

unal administratif de Nantes a annulé cette décision du 3 mars 2021 et a enjoint au ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... J... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 mars 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 15 novembre 2019 des autorités consulaires françaises à Pointe-Noire refusant de délivrer aux jeunes K... C... et N... C... F... un visa de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié.

Par un jugement n° 2104948 du 8 novembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision du 3 mars 2021 et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer aux jeunes K... C... et N... C... F... un visa de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 novembre 2021, le ministre de l'intérieur et des outre-mer, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 novembre 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... J... B... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient qu'il y a lieu de substituer aux motifs erronés retenus par la commission celui tiré de ce que les visas sollicités ne pouvaient qu'être rejetés, s'agissant d'une demande de réunification partielle, faute de concerner les deux filles de O... J... B....

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2022, Mme E... J... B..., représentée par Me Salin, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que le moyen soulevé par le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé.

Mme J... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... J... B..., ressortissante congolaise née le 30 janvier 1979 à Pointe-Noire (République du Congo), s'est vu reconnaître la qualité de réfugiée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 9 mars 2018. Par des décisions en date du 30 juin 2020, les autorités consulaires françaises à Pointe-Noire ont rejeté les demandes de visas de long séjour présentées par ses enfants allégués, les jeunes K... C... et N... C... F..., nés respectivement le 5 juillet 2013 et le 1er septembre 2006, en qualité de membres de famille de réfugiée. Par une décision du 3 mars 2021, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre cette décision consulaire. Par un jugement du 8 novembre 2021 dont le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et a enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer les visas de long séjour sollicités.

2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. (...) L'âge des enfants est apprécié à la date à laquelle la demande de réunification familiale a été introduite. / II.- Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. / La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. (...) ". Aux termes de l'article L. 411-3 alors en vigueur du même code : " Le regroupement familial peut être demandé pour les enfants mineurs de dix-huit ans du demandeur et ceux de son conjoint, qui sont confiés, selon le cas, à l'un ou l'autre, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, en vertu d'une décision d'une juridiction étrangère. Une copie de cette décision devra être produite ainsi que l'autorisation de l'autre parent de laisser le mineur venir en France. " et aux termes de l'article L. 411-4 de ce code : " (...) / Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 411-1 à L. 411-3. Un regroupement partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. ". Il résulte de ces dispositions que la réunification doit concerner, en principe, l'ensemble de la famille du ressortissant étranger qui demande à en bénéficier et qu'une réunification partielle ne peut être autorisée à titre dérogatoire que si l'intérêt des enfants le justifie.

3. En appel le ministre de l'intérieur et des outre-mer reconnait que, ainsi qu'il en a été jugé en première instance, les motifs fondant la décision du 3 mars 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne peuvent légalement la fonder, et il demande que leur soit substitué celui tenant au caractère partiel de la réunification familiale demandée, faute de concerner deux filles de G... B..., cette situation s'opposant à la demande présentée par cette dernière pour ses seuls fils.

4. Il est constant que Mme J... B... est la mère de quatre enfants, dont les deux demandeurs de visa et Mmes L... C... D... et Cinthia C... B..., dont elle indique qu'elles sont décédées en 2018 à l'occasion d'un accident de la route.

5. En premier lieu, le ministre de l'intérieur et des outre-mer soutient que le décès de ces deux enfants le 7 août 2018 au Congo n'est pas établi par les deux actes de décès du 16 août 2018 produits par Mme J... B..., dès lors qu'en méconnaissance de l'article 61 du code de la famille congolais ces documents ne mentionnent pas les nom, prénom, âge et domicile du déclarant et, le cas échéant son degré de parenté avec les personnes décédées. Toutefois, d'une part, la seule circonstance que les deux actes de décès présentés ne comportent pas ces mentions ne prive pas de toute portée ces documents d'état-civil alors que les autres mentions imposées par le même article 61 du code congolais sont présentes, que cette disposition précise que les mentions qu'il est prévu de faire figurer sur un acte de décès le sont " autant qu'on peut le savoir " et surtout que les informations figurant sur les actes de décès sont cohérentes avec les autres pièces du dossier s'agissant de l'identité des deux enfants décédées, et notamment avec les déclarations faites par Mme J... B... en mai 2018 à l'appui de sa demande d'asile.

6. En deuxième lieu, il ressort des déclarations constantes de Mme J... B..., corroborées notamment par l'attestation circonstanciée d'un psychologue clinicien du Planning familial d'Ille-et-Vilaine qui la prend en charge depuis janvier 2021, que cette dernière n'a appris le décès accidentel en 2018 de ses deux filles qu'en décembre 2020, sa parentèle restée au Congo, dont le père des enfants, ayant choisi de lui dissimuler cette nouvelle. Elle reconnait par ailleurs désormais que les photos de l'accident routier qu'elle a présentées en première instance sont sans lien avec l'accident dans lequel ses filles ont péri, ces documents lui ayant été communiqués par le père de ses enfants, duquel elle était séparée dès avant son départ pour la France, qui reconnait avoir voulu la tromper sur ce point pour des motifs sans lien avec les demandes de visa en litige.

7. Dans ces conditions, le motif tenant au caractère partiel de la demande de réunification familiale présentée par Mme J... B... dès lors qu'elle n'a pas sollicité de visa pour ses deux enfants décédées, L... C... D... et M... C... B..., n'est pas de nature à fonder légalement la décision du 3 mars 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision du 3 mars 2021 et lui a enjoint de délivrer respectivement à Rich Bénédicte Nathan C... et à Ghislain Second C... F... un visa de long séjour.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme E... H....

Délibéré après l'audience du 10 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2023.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

J. FRANCFORT

La greffière,

H. EL HAMIANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03225


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03225
Date de la décision : 07/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SALIN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-03-07;21nt03225 ?
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