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03/03/2023 | FRANCE | N°21NT01869

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 03 mars 2023, 21NT01869


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Danses et Loisirs a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015, 2016 et 2017 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2015 au 31 août 2018.

Par un jugement n° 2000416 du 10 mai 2021, le tribunal administratif de C

aen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Danses et Loisirs a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015, 2016 et 2017 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2015 au 31 août 2018.

Par un jugement n° 2000416 du 10 mai 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 9 juillet 2021 l'association Danses et Loisirs, représentée par Me Ndiaye, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que l'administration a considéré qu'elle se livrait à des opérations à caractère lucratif ;

- elle n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 123-12 du code de commerce et de l'article L. 54 du code général des impôts ;

- elle n'entre pas dans les prévisions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ;

- aucune activité occulte ne pouvant être retenue à son encontre, elle doit être déchargée de la pénalité mise à sa charge en application de l'article 1759 du code général des impôts.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par l'association Danses et Loisirs ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Danses et Loisirs organise des soirées dansantes, des tea-parties et des stages de danse à Carcagny (Calvados). Cette association a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2015 au 31 août 2018. Des mises en demeure de déposer ses déclarations mensuelles de taxe sur la valeur ajoutée, afférentes à la période allant de janvier 2015 à août 2018, et ses liasses fiscales relatives à l'impôt sur les sociétés des exercices clos en 2015, 2016 et 2017 lui ont alors été adressées le 4 octobre 2018. Lors de ce contrôle, le vérificateur a dressé un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité le 22 novembre 2018. À l'issue du contrôle, et par une proposition de rectification du 13 décembre 2018, le service a notifié à l'association Danses et Loisirs des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations d'impôt sur les sociétés, respectivement au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 août 2018 et au titre des exercices clos les 31 décembre 2015, 2016 et 2017. Ces impositions et rappels ont été assortis de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts et de la majoration de 80 % prévue à l'article 1728 du même code en cas de découverte d'une activité occulte. L'association Danses et Loisirs a contesté les rappels et impositions envisagés par un courrier du 28 janvier 2019, estimant que son caractère non lucratif était établi. Le service a intégralement maintenu les rectifications envisagées dans sa réponse aux observations du contribuable du 25 février 2019. En raison de la remise de documents par l'association le 23 juillet 2019, le service a réexaminé sa situation. Par un courrier du 29 août 2019, il a modifié les rectifications envisagées. Par une réclamation du 12 février 2020, l'association Danses et Loisirs a contesté l'ensemble des impositions mises à sa charge. Cette nouvelle réclamation a été rejetée par une décision du 3 mars 2020. L'association requérante a demandé la décharge des impositions en cause. Par un jugement du 10 mai 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. L'association Danses et Loisirs fait appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 1. (...) Sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, (...) toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. / 1 bis. Toutefois, ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés prévu au 1 les associations régies par la loi du 1er juillet 1901, (...), dont la gestion est désintéressée, lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et le montant de leurs recettes d'exploitation encaissées au cours de l'année civile au titre de leurs activités lucratives n'excède pas 61 145 €. (...) ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au cinquième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l'exploitation d'un bien meuble corporel ou incorporel en vue d'en retirer des recettes ayant un caractère de permanence ". Aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7. (Organismes d'utilité générale) : (...) b. les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des œuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient.(...).

3. Pour l'application de ces dispositions, les associations ne sont exonérées de l'impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée, que si, d'une part, leur gestion présente un caractère désintéressé, et, d'autre part, les services qu'elles rendent ne sont pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique. Toutefois, même dans le cas où l'association intervient dans un domaine d'activité et dans un secteur géographique où existent des entreprises commerciales, elle reste exclue du champ de l'impôt sur les sociétés et continue de bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée si elle exerce son activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales, soit en répondant à certains besoins insuffisamment satisfaits par le marché, soit en s'adressant à un public qui ne peut normalement accéder aux services offerts par les entreprises commerciales, notamment en pratiquant des prix inférieurs à ceux du secteur concurrentiel et à tout le moins des tarifs modulés en fonction de la situation des bénéficiaires, sous réserve de ne pas recourir à des méthodes commerciales excédant les besoins de l'information du public sur les services qu'elle offre.

4. Il est, en premier lieu, constant que la gestion de l'association Danses et Loisirs est désintéressée. En second lieu, l'association requérante fait valoir qu'elle intervient à Carcagny, dans un secteur très rural situé à une vingtaine de kilomètres de Caen et que dans ce secteur géographique l'offre dédiée au 3ème âge n'existe pas. Si l'administration oppose en défense une liste d'établissements organisant également des thés dansants aux alentours de Caen, cette liste, qui ne porte que sur l'année 2019 alors que les impositions en litige portent sur la période du 1er janvier 2015 au 31 août 2018, concerne des établissements fiscalisés certes similaires mais qui sont situés à Saint-Paul du Vernay, Isigny sur Mer, Pont d'Ouilly, Amaye sur Orne, Le Hom, soit respectivement à 20 kilomètres, 42 kilomètres, 63 kilomètres, 35 kilomètres et 42 kilomètres de Carcagny. Eu égard à l'âge du public concerné, ces distances importantes suffisent à établir que les services rendus par la requérante n'étaient pas offerts en concurrence dans la même zone géographique d'attraction que ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique pour les années en litige. Dans ces conditions, l'association Danses et Loisirs est fondée à soutenir qu'elle n'exerce pas une activité lucrative et que son activité entre donc dans les prévisions des articles 206 et 261 du code général des impôts, lesquelles lui permettent d'être exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée et, par voie de conséquence, de l'impôt sur les sociétés.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés, que l'association Danse et Loisirs est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à l'association Danse et Loisirs d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2000416 du 10 mai 2021 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : L'association Danse et Loisirs est déchargée, en droits et pénalités, des cotisations à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015, 2016 et 2017 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2015 au 31 août 2018.

Article 3 : L'Etat versera à l'association Danse et Loisirs une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Danses et Loisirs et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mars 2023.

La rapporteure

P. A...La présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21NT01869

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01869
Date de la décision : 03/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : NDIAYE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-03-03;21nt01869 ?
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