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17/02/2023 | FRANCE | N°22NT01083

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 17 février 2023, 22NT01083


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par une ordonnance n° 2102418 du 16 mars 2022, le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2022, M. B..., représenté par Me Calvo Pard

o, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 16 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par une ordonnance n° 2102418 du 16 mars 2022, le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 avril 2022, M. B..., représenté par Me Calvo Pardo, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du 16 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2021 du préfet du Calvados ;

3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour, ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête ne pouvait faire l'objet d'une ordonnance sur le fondement de l'article

R. 222-1 du code de justice administrative ;

- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour méconnaît les stipulations du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2022, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 17 juin 1983 à El Affroun (Algérie) déclare être entré en France le 8 février 2017 muni d'un visa touristique italien valable du 26 janvier 2017 au 1er mars 2017. Il s'est marié le 10 avril 2021 avec une ressortissante de nationalité française. Il a sollicité le 2 juillet 2021 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien. M. B... relève appel de l'ordonnance du 16 mars 2022 par laquelle le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) / (...) / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ".

3. Le président du tribunal administratif de Caen a, sur le fondement de ces dispositions, rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours au motif que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'étaient pas fondés. En rejetant ainsi des moyens de légalité interne qui ne sont ni irrecevables ni inopérants et dont il n'est mentionné ni qu'ils ne seraient assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ni qu'ils ne seraient manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, le président du tribunal administratif de Caen a méconnu sa compétence et entaché son ordonnance d'irrégularité au regard des dispositions, citées au point 2, du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative. M. B... est, par suite, fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée a été irrégulièrement prise et à demander son annulation.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Caen.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet du Calvados du 15 octobre 2021 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 2. au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française (...) ". L'accord franco-algérien régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité. Parmi ces règles, l'article 9 de cet accord impose que les ressortissants algériens venant en France pour un séjour inférieur à trois mois présentent un passeport en cours de validité muni d'un visa délivré par les autorités françaises. Ne sont pas incompatibles avec ces règles, les stipulations de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, introduite dans l'ordre juridique interne à la suite de la loi du 30 juillet 1991 qui en autorise l'approbation et du décret de publication du 21 mars 1995, dont l'article 22 stipule que les étrangers entrés régulièrement sur le territoire d'une des Parties contractantes sont tenus de se déclarer, dans des conditions fixées par chaque Partie contractante, aux autorités de la Partie contractante sur le territoire de laquelle ils pénètrent. Aux termes de l'article L. 621-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger en provenance directe du territoire d'un État partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 peut se voir appliquer les dispositions de l'article L. 621-2 lorsqu'il est entré ou a séjourné sur le territoire français (...) sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité ". Aux termes de l'article R. 621-2 du même code : " Sous réserve des dispositions de l'article R. 621-4, l'étranger souscrit la déclaration d'entrée sur le territoire français mentionnée à l'article L. 621-3 auprès des services de la police nationale ou, en l'absence de tels services, des services des douanes ou des unités de la gendarmerie nationale. A cette occasion, il lui est remis un récépissé qui peut être délivré par apposition d'une mention sur le document de voyage. / Les modalités d'application du présent article, et notamment les mentions de la déclaration et son lieu de souscription, sont fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'immigration. ". L'article R. 621-4 dispose que : " N'est pas astreint à la déclaration d'entrée sur le territoire français l'étranger qui se trouve dans l'une des situations suivantes : / 1° N'est pas soumis à l'obligation du visa pour entrer en France en vue d'un séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois ; / 2° Est titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, d'une durée supérieure ou égale à un an, délivré par un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ; toutefois un arrêté du ministre chargé de l'immigration peut désigner les étrangers titulaires d'un tel titre qui demeurent astreints à la déclaration d'entrée ".

6. Il n'est pas établi, ni même allégué, que M. B... a effectué la déclaration d'entrée en France prévue par ces stipulations et dispositions. Ainsi et sans qu'y fasse obstacle la circonstance que M. B... est entré en France muni d'un visa délivré par les autorités italiennes en cours de validité, il n'est pas fondé à soutenir qu'il justifie d'une entrée régulière sur le territoire français et ne peut dès lors se prévaloir du 2 de l'article 6 de l'accord franco-algérien.

7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France le 8 février 2017 et s'est marié avec une ressortissante française le 10 avril 2021. Ainsi, ce mariage était récent à la date de l'arrêté contesté. En outre, M. B... n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident ses parents, son frère et sa sœur et où il a vécu jusqu'à trente-trois ans. Dans ces conditions, le préfet du Calvados n'a pas, en prenant l'arrêté contesté, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Le moyen tiré de ce que les décisions refusant la délivrance d'un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français méconnaisse l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2021 par lequel le préfet du Calvados lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du président du tribunal administratif de Caen du 16 mars 2022 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Caen et le surplus de sa requête devant la cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise pour information au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 février 2023.

La rapporteure,

L. C...

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT01083


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01083
Date de la décision : 17/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Laure CHOLLET
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : CALVO PARDO

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-02-17;22nt01083 ?
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