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14/02/2023 | FRANCE | N°22NT01470

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 14 février 2023, 22NT01470


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 2103697 du 11 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, annulé la décision du 3 février 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre les décisions de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant à M. D... A... et à M. B... A... la délivrance de visas d'entrée et de long séjour au titre de la procédure de regroupement familial

, enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer des visas de long séjour au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 2103697 du 11 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, annulé la décision du 3 février 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre les décisions de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant à M. D... A... et à M. B... A... la délivrance de visas d'entrée et de long séjour au titre de la procédure de regroupement familial, enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer des visas de long séjour aux intéressés dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, et enfin prononcé une astreinte de 100 euros par jour à l'encontre de l'État s'il n'était pas justifié de l'exécution de son jugement dans ce délai.

Par un jugement n° 2114431 du 14 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes, saisi d'une demande d'exécution du jugement du 11 octobre 2021, a condamné l'État à verser une somme globale de 7 200 euros à MM. D... et Benyamin A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mai 2022, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 14 mars 2022 ;

2°) de dire qu'il n'y a pas lieu de liquider l'astreinte prononcée par le jugement du 11 octobre 2021.

Il soutient qu'il a rencontré de nombreuses difficultés, qui sont en cours de résolution, pour exécuter le jugement du 11 octobre 2021, mais que l'administration n'est pas restée inerte.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 novembre 2022, MM. D... et Benyamin A..., représentés par Me Schürmann, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. D... A... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 septembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative) près le tribunal judiciaire de Nantes.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Dahani, substituant Me Schürmann, pour MM. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement n° 2103697 du 11 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a, d'une part, annulé la décision du 3 février 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre les décisions de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) refusant à M. D... A... et à M. B... A... la délivrance de visas d'entrée et de long séjour au titre de la procédure de regroupement familial. Le tribunal a également enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer des visas de long séjour aux intéressés dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, en prononçant une astreinte de 100 euros par jour à l'encontre de l'État à défaut de respecter ce délai et jusqu'à ce qu'il ait justifié avoir exécuté ce jugement.

2. Le 21 décembre 2021, Me Schürmann, avocate de MM. A..., a saisi le tribunal des difficultés que rencontraient ses clients dans l'exécution de ce jugement. Par un jugement n°2114431 du 14 mars 2022, le tribunal administratif de Nantes a liquidé l'astreinte prononcée par son jugement du 11 octobre 2021, pour la période du 12 décembre 2021 au 21 février 2022 inclus, sans en modérer le taux de 100 euros, et a condamné l'État à verser une somme globale de 7 200 euros à MM. A.... Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement du 14 mars 2022.

Sur la liquidation de l'astreinte :

3. Aux termes de l'article L. 911-6 du code de justice administrative : " L'astreinte est provisoire ou définitive. Elle doit être considérée comme provisoire à moins que la juridiction n'ait précisé son caractère définitif. Elle est indépendante des dommages et intérêts. " Aux termes de l'article L. 911-7 du même code : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation. / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée. " Aux termes de l'article R. 921-7 du même code : " À compter de la date d'effet de l'astreinte prononcée, même à l'encontre d'une personne privée, par le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel, le président de la juridiction ou le magistrat qu'il désigne, après avoir accompli le cas échéant de nouvelles diligences, fait part à la formation de jugement concernée de l'état d'avancement de l'exécution de la décision. La formation de jugement statue sur la liquidation de l'astreinte. / (...). "

4. Il est constant que par une note diplomatique du 20 octobre 2021, transmise quelques jours après le jugement lui enjoignant de délivrer les visas, le ministre de l'intérieur a donné instruction aux services consulaires français à Kinshasa de délivrer les visas à MM. A.... Puis les intéressés ont été convoqués au service des visas de l'ambassade de France à Kinshasa, le 9 novembre suivant, par des courriels adressés aux demandeurs ainsi qu'à leur conseil. Toutefois, alors qu'il est constant que ces courriels ont été adressés à des adresses de messagerie erronées, tant en ce qui concerne MM. A... que leur avocate, et qu'il n'est pas contesté que ces notifications ont en conséquence généré auprès de l'administration des messages d'erreurs, il résulte de l'instruction que les autorités consulaires se sont bornées à considérer que MM. A... ne s'étaient pas présentés, sans motif valable, à cette convocation. Les demandeurs n'ont été convoqués à nouveau que le 4 mai 2022, soit plusieurs semaines après le jugement du 14 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Nantes a liquidé l'astreinte dont était assortie l'injonction de délivrance des visas, et ne se sont vu délivrer ces documents que le 1er juin 2022.

5. Dans ces conditions, en dépit du fait que le ministre de l'intérieur a donné instruction aux services consulaires français à Islamabad de convoquer MM. A... et de leur délivrer les visas sollicités dans les délais fixés par le jugement du 11 octobre 2021, l'inexécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 11 octobre 2021, constatée à la date du 21 février 2022, résulte de difficultés qui ne sont imputables qu'à l'administration.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a condamné l'Etat à verser à MM. D... et Benyamin A... la somme globale de 7 200 euros.

Sur les frais liés au litige :

7. M. D... A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Schürmann de la somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Schürmann une somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. D... A... et à M. B... A....

Copie en sera adressée, pour information, au parquet général près la Cour des comptes.

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Rivas, président-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 février 2023

Le président-rapporteur,

J. C...Le président-assesseur,

C. RIVAS

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 22NT01470


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01470
Date de la décision : 14/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SCHURMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-02-14;22nt01470 ?
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