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14/02/2023 | FRANCE | N°21NT03407

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 14 février 2023, 21NT03407


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 20 janvier 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 30 octobre 2020 de l'autorité consulaire française à Luanda (Angola) refusant de lui délivrer un visa dit " de retour " sur le territoire français.

Par un jugement n° 2103726 du 4 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Pr

océdure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2021, M. C... D... ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 20 janvier 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 30 octobre 2020 de l'autorité consulaire française à Luanda (Angola) refusant de lui délivrer un visa dit " de retour " sur le territoire français.

Par un jugement n° 2103726 du 4 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2021, M. C... D... B..., représenté par Me Kadri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision du 20 janvier 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé, dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France contestée n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation et n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;

- elle porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 4 octobre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 20 janvier 2021 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours, formé contre la décision du 30 octobre 2020 de l'autorité consulaire française à Luanda (Angola) refusant de lui délivrer un visa de retour. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 20 janvier 2021 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :

2. Pour refuser de délivrer le visa demandé dit " de retour " sur le territoire français, la commission de recours s'est fondée sur ce que M. B... a déposé sa demande de visa de retour le 18 août 2020 alors que sa carte de séjour était expirée depuis le 27 juin 2020.

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...). Aux termes de l'article L. 211-2-2 du même code, alors en vigueur : " Un visa de retour est délivré par les autorités consulaires françaises à la personne de nationalité étrangère bénéficiant d'un titre de séjour en France en vertu des articles L. 313-11 ou L. 431-2 dont le conjoint a, lors d'un séjour à l'étranger, dérobé les documents d'identité et le titre de séjour ". Il résulte de ces dispositions qu'un étranger titulaire d'un titre l'autorisant à séjourner en France peut quitter le territoire national et y revenir, tant que ce titre n'est pas expiré, en se voyant délivrer un visa de retour, lequel présente le caractère d'une information destinée à faciliter les formalités à la frontière.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est arrivé en France en 2002 et a été titulaire d'une carte de résident valable du 28 juin 2010 au 27 juin 2020. Il est constant qu'il s'est rendu en Angola le 22 novembre 2019 pour rendre visite à sa grand-mère et que la crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus l'a empêché de revenir en France à la date initialement prévue. Si M. B... a pris plusieurs rendez-vous à la préfecture de la Loire aux fins de déposer sa demande de renouvellement de sa carte de résident, il n'a toutefois pas pu s'y rendre, étant en Angola, et a déposé une demande de visa dit " de retour " sur le territoire français le 20 août 2020. Par suite, à cette date, M. B... ne disposait ni d'un titre de séjour ni d'un récépissé valant autorisation provisoire de séjour sur le territoire français en cours de validité. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait entaché sa décision d'une erreur de fait ou qu'elle aurait procédé à une inexacte application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant le visa sollicité au motif que M. B... ne disposait pas d'un droit au séjour à la date de sa demande.

5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de celles produites en cause d'appel, que M. B..., né en 1992, est arrivé en 2002 en France où il a rejoint son père, de nationalité française, sa mère et sa fratrie. A l'issue de sa scolarité, l'intéressé a obtenu un certificat de qualification professionnelle de cuisinier et a travaillé dans ce domaine de septembre 2009 à octobre 2019, quelques semaines avant son départ en Angola. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a ainsi résidé de manière régulière et continue depuis 2002 sur le territoire français, où vivent ses parents et sa fratrie, et où il a vécu la majeure partie de sa vie et est inséré professionnellement. Dans ces conditions et compte tenu des circonstances relatées au point 4, liées à la pandémie de coronavirus, qui l'ont empêché de déposer dans les délais le renouvellement de sa carte de résident, la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a refusé la délivrance du visa d'entrée et de long séjour demandé par M. B... a porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé, tel qu'il est garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, que le ministre de l'intérieur et des outre-mer fasse droit à la demande de visa présentée par M. B.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à l'intéressé un visa d'entrée et de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

9. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. B... de la somme de 1 200 euros qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 octobre 2021 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 20 janvier 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur et des outre-mer de délivrer à M. B... un visa d'entrée et de long séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.

La rapporteure,

C. A...

Le président,

J. FRANCFORT Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03407


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03407
Date de la décision : 14/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : KADRI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-02-14;21nt03407 ?
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