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10/02/2023 | FRANCE | N°22NT02565

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 février 2023, 22NT02565


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) D...et Fils C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2015, à raison de son établissement de Pont Illis situé sur le territoire de la commune de Peumerit, dans le Finistère.

Par un jugement n° 1701138 du 10 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la

cour avant cassation :

Par une requête enregistrée le 10 juin 2019 la SAS D... et Fils C......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) D...et Fils C... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2015, à raison de son établissement de Pont Illis situé sur le territoire de la commune de Peumerit, dans le Finistère.

Par un jugement n° 1701138 du 10 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête enregistrée le 10 juin 2019 la SAS D... et Fils C... B..., représentée par Me Bayard, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les frais de découverte ne sont pas des dépenses pouvant être qualifiées de biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties selon la méthode comptable de l'article 1499 du code général des impôts car ils portent sur des espaces verts ; ils n'ont pas le caractère de propriétés bâties au sens de l'article 1380 du code général des impôts ; ils constituent des agencements sur sol d'autrui qui ne peuvent être qualifiés d'immeubles par destination au sens des articles 524 et 525 du code civil ; ils doivent être regardés comme un moyen matériel d'exploitation au sens du 11° de l'article 1382 du code général des impôts ;

- il en va de même des frais de clôture ;

- les frais d'enrobés sont engagés sur le sol d'autrui et ces aménagements seront enlevés au terme de la concession de carrière ; ils ne sont pas rattachables à perpétuelle demeure au sens des article 524 et 525 du code civil ; il s'agit d'agencements à usage spécifiquement professionnel non passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties ou non bâties.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2019 le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la SAS Société D... et Fils C... B... ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 19NT02202 du 1er avril 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a exclu de l'assiette des impositions en litige les frais de découverte immobilisés en 1988 et 2002, les frais de clôture immobilisés en 2003 et 2008 et les frais d'enrobés immobilisés en 2003, a déchargé la société des suppléments d'impositions correspondants et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par une décision n° 453025 du 25 juillet 2022 le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 1er avril 2021 en tant qu'il a statué sur les frais de découverte, d'enrobés et de clôture et renvoyé dans cette mesure devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n° 22NT02565.

Procédure devant la cour après cassation :

Par un mémoire enregistré le 21 octobre 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique maintient ses moyens de défense s'agissant des frais de découverte, d'enrobé et de clôture et ses conclusions tendant au rejet de la requête.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société D... et Fils C... B... exploite une carrière située au lieu-dit Pont Illis à Peumerit (Finistère). A la suite d'une vérification de comptabilité de la société, l'administration fiscale, estimant que cette carrière revêtait la nature d'un établissement industriel, a établi la cotisation foncière des entreprises due au titre des années 2012 à 2015 en déterminant la valeur locative des biens selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts, et notifié à la société les suppléments de cotisation foncière des entreprises en résultant. Par un jugement du 10 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de la société tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires. Par un arrêt du 1er avril 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a exclu de l'assiette des impositions en litige des frais de découverte immobilisés en 1988 et 2002, des frais de clôture immobilisés en 2003 et 2008 et des frais d'enrobés immobilisés en 2003, a déchargé la société des suppléments d'imposition correspondants et rejeté le surplus des conclusions de la requête. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt. Par une décision n° 453025 du 25 juillet 2022 le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 1er avril 2021 en tant qu'il a statué sur les frais de découverte, d'enrobés et de clôture et renvoyé dans cette mesure devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n° 22NT02565.

2. Aux termes de l'article 1380 du code général des impôts : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code ". Selon l'article 1381 du même code : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment, les cheminées d'usine, les réfrigérants atmosphériques, les formes de radoub, les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation ; / 2° Les ouvrages d'art et les voies de communication (...) 5° A l'exception de ceux mentionnés au dernier alinéa de l'article 1393, les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu'il les fasse occuper par d'autres à titre gratuit ou onéreux ; (...) ". Selon l'article 1382 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : / (...) / 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés à l'article 1381 1° et 2° ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1495 de ce code : " Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation ". Aux termes du II de l'article 324 B de l'annexe III au même code : " Pour l'appréciation de la consistance il est tenu compte de tous les C... équipements ou éléments d'équipement existant au jour de l'évaluation ". Enfin, aux termes de l'article 1467 du code général des impôts : " La cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période. (...) La valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe (...) ".

3. Pour apprécier, en application de l'article 1495 du code général des impôts et de l'article 324 B de son annexe III, la consistance des propriétés qui entrent, en vertu de ses articles 1380 et 1381, dans le champ de la taxe foncière sur les propriétés bâties, il est tenu compte, non seulement de tous les éléments d'assiette mentionnés par ces deux derniers articles mais également des biens faisant corps avec eux. Sont toutefois exonérés de cette taxe, en application du 11° de l'article 1382 du même code, ceux de ces biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation d'un établissement industriel, c'est-à-dire ceux de ces biens qui relèvent d'un établissement qualifié d'industriel au sens de l'article 1499, qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un tel établissement et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381.

Sur les frais de découverte acquis en 1988 et 2002 et inscrits en immobilisation pour une valeur de 6 288,52 euros :

4. Les carrières faisant l'objet d'une exploitation à caractère industriel entrent dans le champ du 5° de l'article 1381 du code général des impôts cité au point 2 et relatif à la taxe foncière sur les propriétés bâties. Les frais de découverte d'une carrière doivent être inclus dans le coût d'acquisition de la carrière, en tant que dépenses nécessaires à sa mise en état d'exploitation initiale, et ne sont pas seulement une prestation de services. Si certains des frais n'ont été exposés qu'en 2002, la société n'établit ni même n'allègue qu'ils ont consisté en de simples frais d'extraction des couches stériles exposés en cours d'exploitation pour maintenir la carrière en service. De plus, ils ne sont pas au nombre des " outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels " mentionnés au 11° de l'article 1382 du code général des impôts cité au point 2. En outre, les frais de préparation du terrain en vue de l'exploitation d'un gisement devaient être, conformément au point 4.2.1.1 de l'avis du Conseil national de la comptabilité n° 2004-15 du 23 juin 2004 relatif à la définition, la comptabilisation et l'évaluation des actifs, inscrits à l'actif du bilan de la société en tant qu'élément du coût d'acquisition de l'immobilisation corporelle constituée par le site d'exploitation. A cet égard, la société requérante ne saurait utilement se prévaloir du règlement de l'autorité des normes comptables n° 2014-05 du 2 octobre 2014 relatif à la comptabilisation des terrains de carrières et des redevances de fortage, qui n'était pas encore applicable, les impositions litigieuses ayant été établies sur la base des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties dont la SAS Société D... et Fils C... B... a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant les années 2010 à 2013. Par conséquent, c'est à bon droit que l'administration fiscale a intégré ces dépenses dans le calcul de l'assiette de la cotisation foncière des entreprises.

Sur les frais de clôture acquis en 2003 et 2008 et inscrits en immobilisation pour une valeur de 24 156,75 euros :

5. Les clôtures érigées sur des terrains qui concourent à l'exploitation industrielle en constituent des éléments d'équipement au sens du II de l'article 324 B de l'annexe III au code général des impôts devant être pris en compte pour apprécier la consistance de l'établissement. Les circonstances que les clôtures sont destinées à empêcher l'accès aux trous d'eau présents dans la carrière et qu'elles sont imposées par la réglementation applicable à l'exploitation ne suffisent pas à les faire regarder comme étant spécifiquement adaptées à une activité industrielle. Par conséquent, c'est à bon droit que l'administration fiscale a intégré ces dépenses dans le calcul de l'assiette de la cotisation foncière des entreprises.

Sur les frais d'enrobés acquis en 2003 et inscrits en immobilisation pour une valeur de 40 750 euros :

6. Ces dépenses portent sur des voies de communication qui sont passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties en application du 2° de l'article 1381 du code général des impôts cité au point 2. Il est constant que ces enrobés ne pouvaient pas être enlevés des chaussées auxquelles ils ont été appliqués sans être détruits, alors même qu'ils devaient être supprimés à la fin de l'exploitation de la carrière. Indissociables de ces voies, ils concouraient à l'exploitation du site industriel et devaient ainsi être intégrés au calcul de la valeur locative. La circonstance qu'il s'agisse d'un aménagement sur sol d'autrui est sans influence. Il suit de là que ces frais ont été à juste titre intégrés au calcul de l'assiette de la cotisation foncière des entreprises.

7. Il résulte de ce qui précède que la SAS D... et Fils C... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en ce qui concerne les frais de découverte, les frais d'enrobés et les frais de clôture.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la SAS D... et Fils C... B....

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions de la requête de la SAS D... et Fils C... B... relatives aux frais de découverte, frais d'enrobés, frais de clôture ainsi que les conclusions relatives aux frais liés au litige sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée D... et Fils C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Penhoat, premier conseiller,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2023.

La rapporteure

P. A...La présidente

I. Perrot

La greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 22NT02565

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT02565
Date de la décision : 10/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : LES CONSEILS D'ENTREPRISES (LCE QUIMPER)

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-02-10;22nt02565 ?
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