Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Yves Le Pape et Fils C... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge des suppléments de cotisation foncière des entreprises auxquels elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2015, à raison de son établissement de Pont Illis situé sur le territoire de la commune de Peumerit, dans le Finistère.
Par un jugement n° 1701138 du 10 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 juin 2019, la SAS Yves Le Pape et Fils C... D..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les frais de découverte ne sont pas des dépenses pouvant être qualifiées de biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties selon la méthode comptable de l'article 1499 du code général des impôts car ils portent sur des espaces verts ; ils n'ont pas le caractère de propriétés bâties au sens de l'article 1380 du code général des impôts ; ils constituent des agencements sur sol d'autrui qui ne peuvent être qualifiés d'immeuble par destination au sens des articles 524 et 525 du code civil ; ils doivent être regardés comme un moyen matériel d'exploitation au sens du 11° de l'article 1382 du code général des impôts ;
- il en va de même des frais de clôture ;
- les frais d'enrobés sont engagés sur le sol d'autrui et ces aménagements seront enlevés au terme de la concession de carrière ; ils ne sont pas rattachables à perpétuelle demeure au sens des article 524 et 525 du code civil ; il s'agit d'agencements à usage spécifiquement professionnel non passibles de taxe foncière sur les propriétés bâties ou non bâties.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2019, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la SAS Société Yves Le Pape et Fils C... D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) Yves Le Pape et Fils C... D... exploite une carrière sur le site de Pont Illis à Peumerit, dans le Finistère. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le service a réévalué, selon la méthode comptable prévue à l'article 1499 du code général des impôts, l'assiette de la cotisation foncière des entreprises due par la société au titre des années 2012 à 2015 relative à l'exploitation de ce site. Après mise en recouvrement des suppléments de cotisation foncière des entreprises résultant du contrôle et rejet de sa réclamation, la société a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la décharge de ces impositions. Par un jugement n° 1701138 du 10 avril 2019, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. La société relève appel de ce jugement. Les suppléments d'imposition en litige s'élèvent à 4 432 euros pour 2012, 4 537 euros pour 2013, 4 574 euros pour 2014 et 5 283 euros pour 2015.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. En vertu de l'article 1467 du code général des impôts, la cotisation foncière des entreprises a pour base la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière situés en France, à l'exclusion des biens exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties en vertu des 11° et 12° de l'article 1382, dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478, à l'exception de ceux qui ont été détruits ou cédés au cours de la même période.
3. L'article 1380 du code général des impôts prévoit que : " La taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties sises en France à l'exception de celles qui en sont expressément exonérées par les dispositions du présent code. ". L'article 1381 du même code dispose : " Sont également soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties : / 1° Les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions tels que, notamment (...) les ouvrages servant de support aux moyens matériels d'exploitation ; / 2° Les ouvrages d'art et les voies de communication ; (...) / 4° Les sols des bâtiments de toute nature et les terrains formant une dépendance indispensable et immédiate de ces constructions à l'exception des terrains occupés par les serres affectées à une exploitation agricole ; / 5° A l'exception de ceux mentionnés au dernier alinéa de l'article 1393, les terrains non cultivés employés à un usage commercial ou industriel, tels que chantiers, lieux de dépôt de marchandises et autres emplacements de même nature, soit que le propriétaire les occupe, soit qu'il les fasse occuper par d'autres à titre gratuit ou onéreux ; (...) ". Selon l'article 1382 du même code : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : (...) 11° Les outillages et autres installations et moyens matériels d'exploitation des établissements industriels à l'exclusion de ceux visés aux 1° et 2° de l'article 1381 ; (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 1495 de ce code : " Chaque propriété ou fraction de propriété est appréciée d'après sa consistance, son affectation, sa situation et son état, à la date de l'évaluation ". Aux termes du II de l'article 324 B de l'annexe III au même code : " Pour l'appréciation de la consistance il est tenu compte de tous les C... équipements ou éléments d'équipement existant au jour de l'évaluation ".
4. Pour apprécier, en application de l'article 1495 du code général des impôts et de l'article 324 B de son annexe III, la consistance des propriétés qui entrent, en vertu de ses articles 1380 et 1381, dans le champ de la taxe foncière sur les propriétés bâties, il est tenu compte, non seulement de tous les éléments d'assiette mentionnés par ces deux derniers articles mais également des biens faisant corps avec eux. Sont toutefois exonérés de cette taxe, en application du 11° de l'article 1382 du même code, ceux de ces biens qui font partie des outillages, autres installations et moyens matériels d'exploitation d'un établissement industriel, c'est-à-dire ceux de ces biens qui relèvent d'un établissement qualifié d'industriel au sens de l'article 1499, qui sont spécifiquement adaptés aux activités susceptibles d'être exercées dans un tel établissement et qui ne sont pas au nombre des éléments mentionnés aux 1° et 2° de l'article 1381.
5. L'article 1494 du code général des impôts prévoit que : " La valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe d'habitation ou d'une taxe annexe établie sur les mêmes bases est déterminée, conformément aux règles définies par les articles 1495 à 1508, pour chaque propriété ou fraction de propriété normalement destinée à une utilisation distincte. ". Aux termes de l'article 324 A de l'annexe III au code général des impôts : " Pour l'application de l'article 1494 du code général des impôts on entend : 1° Par propriété normalement destinée à une utilisation distincte : (...) b. En ce qui concerne les établissements industriels l'ensemble des sols terrains bâtiments et installations qui concourent à une même exploitation et font partie du même groupement topographique. ".
6. Il est constant que la carrière exploitée sur le site de Pont Illis constitue un établissement industriel devant être imposé à la taxe foncière sur les propriétés bâties selon les dispositions prévues à l'article 1499 du code général des impôts.
En ce qui concerne les frais d'engazonnement acquis en 2002, 2003 et 2004 et inscrits en immobilisation pour une valeur de 11 277,98 euros :
7. Il résulte de l'instruction que les terrains ayant fait l'objet d'un engazonnement font partie intégrante de la carrière et n'ont pas été affectées à un autre usage. Dès lors, en dépit du fait que ces terrains ne sont pas recouverts par des installations techniques et qu'ils ne constituent pas des zones de chargement ou des zones de circulation de véhicule, ils doivent être regardés comme étant employés à un usage industriel au sens du 5° de l'article 1381 du code général des impôts. Ces terrains sont donc bien passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties en application de cet article. Dès lors, ces terrains ne sauraient être assimilés à des terrains non bâtis au sens de l'article 1393 du code général des impôts. Enfin, le gazon fait corps avec le terrain sur lequel il est semé. Les frais d'engazonnement doivent ainsi être pris en compte dans le calcul de la valeur locative de ces terrains. C'est ainsi à bon droit que l'administration fiscale a intégré ces dépenses dans le calcul de l'assiette de la cotisation foncière des entreprises.
En ce qui concerne les frais de découverte acquis en 1988 et 2002 et inscrits en immobilisation pour une valeur de 6 288,52 euros :
8. Il résulte de l'instruction que ces frais portent sur des C... consistant à découvrir la terre de surface pour accéder au gisement de la carrière. A ce titre, ces C... sont spécifiquement adaptés à l'exploitation exercée et doivent ainsi bénéficier de l'exonération prévue au 11° de l'article 1382 du code général des impôts. La société est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a intégré ces dépenses dans le calcul de l'assiette de la cotisation foncière des entreprises.
En ce qui concerne les frais de clôture acquis en 2003 et 2008 et inscrits en immobilisation pour une valeur de 24 156,75 euros :
9. Il résulte de l'instruction que les clôtures en cause sont destinées à empêcher l'accès aux trous d'eau présents dans la carrière et sont imposées par la réglementation applicable à l'exploitation. Ces clôtures sont donc, compte tenu de ces circonstances particulières, spécifiquement adaptées à l'exploitation exercée et doivent ainsi bénéficier de l'exonération prévue au 11° de l'article 1382 du code général des impôts. La société est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a intégré ces dépenses dans le calcul de l'assiette de la cotisation foncière des entreprises.
En ce qui concerne les frais d'enrobés acquis en 2003 et inscrits en immobilisation pour une valeur de 40 750 euros :
10. Il résulte de l'instruction que ces dépenses portent sur des voies de communication qui sont passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties en application du 2° de l'article 1381 du code général des impôts. S'il est vrai, comme le fait valoir le ministre en défense, que ces aménagements sont en apparence indissociables de la voie de communication en elle-même, et doivent en principe être intégrés au calcul de la valeur locative, il est constant que ces aménagements doivent être enlevés à la fin de l'exploitation du centre de tri. Ils ne sauraient donc, dans les circonstances particulières de l'espèce, être regardés comme étant rattachés au sol à perpétuelle demeure. Il suit de là que la société est fondée à soutenir que ces frais ne doivent pas être intégrés au calcul de l'assiette de la cotisation foncière des entreprises.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Yves Le Pape et Fils C... D... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande en ce qui concerne les frais de découverte, les frais de clôture et les frais d'enrobés.
Sur les frais liés au litige :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à la société Yves Le Pape et Fils C... D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La base de la cotisation foncière des entreprises au titre des années 2012 à 2015 est fixée en excluant les frais de découverte acquis en 1988 et 2002 et inscrits en immobilisation pour une valeur de 6 288,52 euros, les frais de clôture acquis en 2003 et 2008 et inscrits en immobilisation pour une valeur de 24 156,75 euros et les frais d'enrobés acquis en 2003 et inscrits en immobilisation pour une valeur de 40 750 euros.
Article 2 : La SAS Société Yves Le Pape et Fils C... D... est déchargée des droits supplémentaires de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre des années 2012 à 2015 correspondant à la réduction de la base d'imposition définie à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes n° 1701138 du 10 avril 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à la SAS Société Yves Le Pape et Fils C... D... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Société Yves Le Pape et Fils C... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 19NT022022