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10/02/2023 | FRANCE | N°22NT00935

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 février 2023, 22NT00935


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 2011688 du 3 novembre 2021 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure d

evant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mars 2022 M. A..., représenté par Me Tho...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 5 novembre 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré.

Par un jugement n° 2011688 du 3 novembre 2021 le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mars 2022 M. A..., représenté par Me Thoumine, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler ou, à titre subsidiaire, d'abroger la décision du 5 novembre 2020 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 et celles de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du même code et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il sollicite, à titre subsidiaire, l'abrogation de la décision portant refus de titre de titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

- il n'y a plus lieu de statuer sur l'obligation de quitter le territoire français qui a été implicitement abrogée par la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour le 8 décembre 2021.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 juin 2022 le préfet de la Loire-Atlantique, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- l'article 555 du code de procédure civile guinéen s'applique bien au jugement supplétif qui ne comporte pas de formule exécutoire ;

- il s'en remet pour le reste à ses écritures de première instance.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Penhoat, premier conseiller

- et les observations de Me Thoumine représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen se disant né le 5 novembre 2002 à Nzérékoré (Guinée) est entré irrégulièrement en France en mai 2017 selon ses déclarations. Il a été confié à l'assistance éducative du département de la Loire-Atlantique en qualité de mineur isolé par un jugement en assistance éducative du 20 juin 2018. Il relève appel du jugement du 3 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation l'arrêté du 5 novembre 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré.

Sur l'étendue du litige :

2. Le 8 décembre 2021, le préfet de la Loire-Atlantique a délivré à M. A... une autorisation provisoire de séjour. Cette autorisation, portée à la connaissance de l'intéressé postérieurement à l'introduction de la requête, a, implicitement mais nécessairement, emporté abrogation de la mesure d'éloignement et de la décision fixant le pays à destination duquel l'intéressé était susceptible d'être reconduit d'office, lesquelles décisions n'avaient pas reçu exécution. Par suite, les conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

3. En revanche, la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour mentionnée ci-dessus n'a eu ni pour objet ni pour effet de retirer la décision par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté la demande de titre de séjour formée par M. A.... Par suite, et alors que l'autorité préfectorale n'a pas délivré au requérant le titre de séjour sollicité ou un titre de séjour emportant des effets équivalents à ceux du titre demandé, les conclusions relatives à cette décision portant refus de titre de séjour conservent leur objet.

Sur le surplus des conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée (...) ". Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ".

5. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le juge de l'excès de pouvoir exerce sur cette appréciation un entier contrôle.

6. D'une part, pour justifier de son âge et de son identité, M. A... a présenté a produit un jugement supplétif d'acte de naissance n°19366 rendu le 23 août 2017 par le tribunal de première instance de Pixinn et un extrait du registre d'état-civil de la commune de Ratoma, Conakry, attestant de la transcription de ce jugement en marge des registres de l'état-civil de l'année en cours. Pour établir le caractère frauduleux du jugement supplétif en cause et l'absence d'authenticité des documents d'état civil ainsi produits, l'administration a relevé que le jugement avait été rendu le lendemain de l'introduction de la requête, sans enquête, à la demande d'un tiers dont le lien avec le requérant n'a pas été précisé et sans que sa capacité à le représenter n'ait été vérifiée, et que les dates de naissances des parents de l'intéressé ne figurent pas dans le jugement supplétif valant acte de naissance, alors que l'article 175 du code civil guinéen prévoit que les actes d'état civil énonceront " les dates et lieux de naissance / 1. Des père et mère dans les actes de naissance [...] ". Or, le préfet n'établit pas et il ne ressort pas des pièces du dossier que la requête en vue d'obtenir un jugement supplétif d'acte de naissance ne puisse être formée qu'à la condition que le demandeur prouve son lien avec la personne concernée par l'acte ou que le jugement supplétif d'acte de naissance ne puisse pas être rendu sur la seule audition de témoins, ce qu'au contraire prévoient les dispositions de l'article 184 du code civil guinéen. L'absence de formule exécutoire, à supposer applicable l'article 554 du code de procédure civile guinéen, ne permet pas de conclure au caractère frauduleux de ce jugement. L'âge et l'identité étant déterminés par ce jugement supplétif du 23 août 2017 qui ne peut être regardé comme entaché de fraude, le préfet de la Loire-Atlantique ne peut utilement soutenir que l'acte de naissance établi suivant ce jugement n'est pas conforme aux dispositions des articles 175 et 182 du code civil guinéen. Dans ces conditions, et alors même qu'il existe une fraude documentaire importante en Guinée, l'administration ne peut être regardée comme établissant que la demande de titre de séjour de M. A... serait entachée d'une telle fraude. Dès lors le refus de titre en litige est entaché d'une erreur d'appréciation eu égard au jugement supplétif produit.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance à compter du 20 juin 2018. Il n'est ni établi, ni même allégué que sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Le préfet ne conteste pas le sérieux de la scolarité suivie par M. A.... Il ne ressort pas enfin des pièces du dossier que le requérant entretiendrait des liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet de la Loire-Atlantique a, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la situation de l'intéressé prise dans sa globalité et, en particulier, des éléments favorables sur son intégration dans la société française, entaché son refus de titre de séjour, sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une erreur d'appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par lui, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour du 5 novembre 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt implique, eu égard au motif qui le fonde, que le préfet de la

Loire-Atlantique délivre à M. A... une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions désormais applicables de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

10. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ainsi, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 200 euros à Me Thoumine, avocat de M. A..., dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation du jugement n° 2011688 du 3 novembre 2021 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Loire-Atlantique du 5 novembre 2020 portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination.

Article 2 : Le jugement n° 2011688 du 3 novembre 2021 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Loire-Atlantique du 5 novembre 2020 portant refus de titre de séjour et la décision du préfet de la Loire-Atlantique du 5 novembre 2020 portant refus de titre de séjour sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer à M. A... une carte de séjour, sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Me Thoumine une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié, à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2023.

Le rapporteur

A. PenhoatLa présidente

I. Perrot

La greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°22NT00935 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00935
Date de la décision : 10/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : THOUMINE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-02-10;22nt00935 ?
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