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10/02/2023 | FRANCE | N°21NT01796

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 février 2023, 21NT01796


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL West Marine, désormais dénommée Boat et Vacances, a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015, des pénalités dont ces droits ont été assortis ainsi que de l'amende fiscale d'un montant de 200 000 euros.

Par un juge

ment n° 2001713 du 5 mai 2021 le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL West Marine, désormais dénommée Boat et Vacances, a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015, des pénalités dont ces droits ont été assortis ainsi que de l'amende fiscale d'un montant de 200 000 euros.

Par un jugement n° 2001713 du 5 mai 2021 le tribunal administratif de Rennes a prononcé un non-lieu à statuer s'agissant des intérêts de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts et appliqués au rappel d'impôt sur les sociétés auxquels a été assujettie la SARL West Marine au titre de l'année 2015, et a fait droit au surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 5 juillet 2021 et 24 mai 2022 ainsi qu'un mémoire enregistré le 24 juin 2022, qui n'a pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a accordé la décharge sollicitée ;

2°) de remettre à la charge de la SARL West Marine la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2015, le rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015 ainsi que les pénalités dont ces droits ont été assortis et l'amende fiscale assignée au titre de l'exercice 2015.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a estimé que la non communication par l'administration de la copie du procès-verbal n° 51/17589/2017 qui fait notamment état de la facture n° F0007811 du 2 mai 2015 aurait privé la SARL West Marine de ses droits encadrés par l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales dès lors qu'il est constant que ce document n'a pas permis à l'administration de fonder ses redressements ;

- les autres moyens soulevés par la SARL West Marine devant le tribunal administratif de Rennes ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 6 janvier et 13 juin 2022 la SARL Boat et Vacances, représentée par Me Bondiguel, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la relance ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.

- et les observations de Me Bondiguel, représentant la SARL Boat et Vacances.

Considérant ce qui suit :

1. La société West Marine, désormais dénommée Boat et Vacances, exerce son activité dans le domaine de la réparation et de la maintenance navale. Elle a fait l'objet d'une procédure de vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2016, à l'issue de laquelle le service a notamment estimé qu'une facture du

28 mars 2015 n°0007581 comptabilisée le 1er juin 2015 pour un montant de 225 000 euros (livraison intracommunautaire) relativement à la vente d'un bateau de marque Boston Whaler et de type 315 Conquest était fictive et qu'en réalité, ce bateau avait été vendu non pas à la société CC Web Ltd mais à M. A... D..., dont le nom figurait sur une autre facture n° 0007811 du 2 mai 2015 pour un montant de 425 000 euros (354 167 euros hors taxes et 70 833 euros de taxe sur la valeur ajoutée), et qu'en conséquence, il convenait de considérer que ce bateau avait été vendu à cette date pour ce montant. Le service a ainsi rectifié le résultat de l'exercice clos le 30 septembre 2015 de la somme de 129 167 euros (354 167 - 225 000). La société requérante a été informée, par proposition de rectification du 14 novembre 2017, des rectifications en résultant tant en matière d'impôt sur les sociétés que de taxe sur la valeur ajoutée. Le complément d'impôt sur les sociétés (année 2015) et le rappel de taxe sur la valeur ajoutée (période du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015) ont été mis en recouvrement le 15 janvier 2019. Ces droits ont été assortis de majorations de 80 % pour manœuvres frauduleuses, des intérêts de retard ainsi que d'une amende de 200 000 euros mise à la charge de la société au titre de l'année 2015 sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts, faute pour celle-ci d'avoir désigné le bénéficiaire des revenus considérés comme distribués pour ce montant. Par une décision du 13 février 2020, l'administration fiscale a rejeté la réclamation formée le 14 février 2019 par la société requérante. La SARL West Marine a demandé au tribunal administratif de Rennes de lui accorder la décharge de ces impositions supplémentaires. Par un jugement du 5 mai 2021, le tribunal, après avoir prononcé un non-lieu à statuer s'agissant des intérêts de retard, a fait droit au surplus de sa demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance a fait appel de ce jugement.

Sur le moyen retenu par les premiers juges :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Il en va autrement s'agissant des documents et renseignements qui, à la date de la demande de communication, sont directement et effectivement accessibles au contribuable dans les mêmes conditions qu'à l'administration. Dans cette dernière hypothèse, si le contribuable établit qu'il ne peut avoir effectivement accès aux mêmes documents et renseignements que ceux détenus par l'administration, celle-ci est alors tenue de les lui communiquer.

4. La SARL Boat et Vacances soutient que l'administration n'a pas donné suite à sa demande, formulée le 1er décembre 2017, tendant à la communication de l'intégralité des documents obtenus de tiers sur lesquels était fondée la proposition de rectification en date du 14 novembre 2017, en particulier le procès-verbal de renseignement judiciaire

n° 51/17589/20179 du 30 janvier 2017 dressé dans le cadre d'une procédure menée contre

M. C... D... pour usage de faux en écritures. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a reçu, par l'autorité judiciaire, communication d'une copie de ce procès-verbal. Or, il est constant que le service n'a pas donné suite à la demande de la SARL West Marine tendant à la communication de cette pièce avant la mise en recouvrement des impositions en litige et que ce document, qui avait effectivement été utilisé pour fonder ces impositions dès lorsqu'il a permis de conforter l'argumentation de l'administration relative au caractère fictif de la facture n° 0007581 du 28 mars 2015 mentionnée au point 1, n'a été produit que dans la présente instance d'appel. Par ailleurs, la SARL West Marine n'étant pas partie à la procédure pénale ouverte au nom de M. D..., elle ne disposait pas de la faculté de saisir directement l'autorité judiciaire pour obtenir communication de ce document. Dès lors, et alors même qu'une partie du procès-verbal a été retranscrite dans la proposition de rectification, l'absence de communication par l'administration de la pièce elle-même à la SARL West Marine a privé celle-ci de la garantie prévue par les dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a prononcé la décharge des impositions contestées ainsi que des pénalités et amende restant en litige.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui a la qualité de partie perdante, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL Boat et Marine et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la SARL Boat et Vacances une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la SARL Boat et Vacances.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente,

- M. Geffray président-assesseur,

- M. Penhoat, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2023.

Le rapporteur

A. B...La présidente

I. Perrot

La greffière

S. Pierodé

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

No 21NT017962


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01796
Date de la décision : 10/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: M. Anthony PENHOAT
Rapporteur public ?: M. BRASNU
Avocat(s) : SCP BONDIGUEL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-02-10;21nt01796 ?
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