Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2021 par lequel le préfet de la Mayenne l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait obligation de se présenter une fois par semaine au commissariat de police.
Par un jugement n° 2113847 du 20 mai 2022 le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, des pièces et un mémoire enregistrés les 21 juin, 19 juillet et 20 septembre 2022 et des pièces enregistrées le 2 novembre 2022, non communiquées,
Mme E..., représentée par Me L'Helias, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2021 du préfet de la Mayenne ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation et, dans l'attente de ce réexamen, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de
retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 100 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle a vocation à obtenir la délivrance d'un titre de séjour sur plusieurs fondements légaux ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2022 le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 août 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante guinéenne née le 7 novembre 1997, est entrée en France le 14 janvier 2020. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 avril 2021, confirmée le 13 octobre 2021 par la Cour nationale du droit d'asile. Mme E... relève appel du jugement du 20 mai 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 novembre 2021 par lequel le préfet de la Mayenne l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait obligation de se présenter une fois par semaine au commissariat de police.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... est entrée en France le 14 janvier 2020, à l'âge de vingt-deux ans. Elle ne résidait ainsi sur le territoire français que depuis moins de deux ans à la date de la décision contestée. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à son arrivée récente en France. Par ailleurs, si elle affirme vivre en concubinage avec M. B... D..., ressortissant portugais avec qui elle a eu un enfant né le 29 mars 2021, elle ne l'établit pas en se bornant à produire un extrait de l'acte de naissance de sa fille mentionnant que le père de l'enfant est M. D..., la carte d'identité de ce dernier, des bulletins de salaire ainsi qu'un livret de famille et une attestation établie par l'intéressé au demeurant postérieurement à la décision contestée. Dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de l'intéressée.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. Ainsi qu'il a été dit plus haut, Mme E... n'établit pas vivre en concubinage avec M. D..., père de son enfant né en France le 29 mars 2021. Elle n'établit pas davantage que l'intéressé participerait effectivement à l'éducation et à l'entretien de sa fille, ni que l'enfant se serait vu reconnaître le statut de réfugié. En outre, la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme E... de sa fille, qui peut l'accompagner en Guinée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée doit être écarté.
7. En troisième et dernier lieu, Mme E... ne peut utilement faire valoir qu'elle aurait vocation à obtenir un titre de séjour sur le fondement de plusieurs dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision fixant le pays de destination :
8. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, la décision fixant le pays de destination ne méconnait pas les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
9. En deuxième lieu, Mme E... reprend en appel le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge, d'écarter ces moyens.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 novembre 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie en sera transmise au préfet de Mayenne.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. Penhoat, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 janvier 2023.
Le rapporteur
A. C...La présidente
I. Perrot
La greffière
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°22NT01949 2
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