La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/01/2023 | FRANCE | N°21NT03241

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 27 janvier 2023, 21NT03241


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCEA de Guercheville a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 18 février 2020 par lequel le maire de Colomby-Anguerny lui a refusé la délivrance d'un permis de construire, tenant lieu d'autorisation de travaux au nom de l'État au titre de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation, un bâtiment à usage de stabulation pour vaches laitières et de stockage de fourrage et d'aliments de bétail ainsi qu'un bâtiment à usage d'atelier de fromagerie avec espace d

e vente à la ferme.

Par un jugement no 2000812 du 17 septembre 2021, le tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCEA de Guercheville a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 18 février 2020 par lequel le maire de Colomby-Anguerny lui a refusé la délivrance d'un permis de construire, tenant lieu d'autorisation de travaux au nom de l'État au titre de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation, un bâtiment à usage de stabulation pour vaches laitières et de stockage de fourrage et d'aliments de bétail ainsi qu'un bâtiment à usage d'atelier de fromagerie avec espace de vente à la ferme.

Par un jugement no 2000812 du 17 septembre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 novembre 2021, 11 juillet 2022, 14 septembre 2022, 30 septembre 2022, et un mémoire récapitulatif, produit en application du deuxième alinéa de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 24 octobre 2022, la SCEA de Guercheville, représentée par Me Bouthors-Neveu, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 18 février 2020 par lequel le maire de Colomby-Anguerny lui a refusé la délivrance d'un permis de construire, tenant lieu d'autorisation de travaux au nom de l'État au titre de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation, un bâtiment à usage de stabulation pour vaches laitières et de stockage de fourrage et d'aliments de bétail ainsi qu'un bâtiment à usage d'atelier de fromagerie avec espace de vente à la ferme ;

3°) d'enjoindre au maire de Colomby-Anguerny, à titre principal, de délivrer le permis de construire sollicité ou, à titre subsidiaire, de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire tenant lieu d'autorisation de travaux au nom de l'État, dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Colomby-Anguerny une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en refusant le permis de construire sollicité, le maire a fait une inexacte application des dispositions des articles R. 111-2 du code de l'urbanisme, L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et R. 153-4 du règlement sanitaire départemental du Calvados ;

- c'est à tort que le maire a estimé que le projet était contraire aux dispositions du règlement d'assainissement, au regard des dispositions de l'article R. 214-5 du code de l'environnement ; en outre, ce motif ne lui ayant pas été opposé lors d'un précédent refus de permis de construire, il ne peut lui être opposé en application de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ; en tout état de cause, le maire aurait pu assortir son autorisation de prescriptions spéciales ;

- ainsi que l'a jugé le tribunal, le projet ne méconnait pas les prescriptions de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme ; toutefois, le maire n'aurait pas pris la même décision de refus de permis de construire s'il ne s'était pas fondé illégalement sur la violation de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- la substitution de motif demandée en première instance par la commune ne peut être accueillie ;

- le refus de permis de construire est entaché d'un détournement de pouvoir ;

- rien ne fait obstacle à ce qu'il soit enjoint au maire de délivrer le permis de construire sollicité.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 juillet, 13 septembre et 12 octobre 2022, ainsi qu'un mémoire récapitulatif, produit en application du deuxième alinéa de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 28 octobre 2022, la commune de Colomby-Anguerny, représentée par Me Soublin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SCEA de Guercheville une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la SCEA de Guercheville ne sont pas fondé ;

- doit être ajouté ou, le cas échéant, substitué aux motifs de la décision contestée le motif tiré de la méconnaissance des articles A1 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme, ainsi que des articles R. 151-22 et R. 151-23 du code de l'urbanisme ;

- en tout état de cause, aucune injonction de délivrance du permis de construire litigieux ne saurait être prononcée dès lors qu'un permis d'aménager pour la réalisation de sept lots destinés à l'habitation a été accordé sur la parcelle voisine par un arrêté du 17 février 2022, certains lots se trouvant à moins de 50 mètres du bâtiment projeté par la SCEA de Guercheville pour l'élevage de bovins.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- et les observations de Me Soublin, représentant la commune de Colomby-Anguerny.

Considérant ce qui suit :

1. Le 15 juillet 2019, la SCEA de Guercheville a déposé en mairie de Colomby-Anguerny une demande de permis de construire no PC 014 014 19 R0008 portant sur la construction, d'une part, d'un bâtiment agricole à usage de stabulation pour vaches laitières et de stockage de fourrage et d'aliments de bétail et à stocker leur nourriture, d'autre part, d'un bâtiment comportant un atelier de fromagerie avec espace de vente à la ferme. Par un arrêté du 18 février 2020, le maire de Colomby-Anguerny a refusé de délivrer à la SCEA de Guercheville le permis de construire sollicité. La SCEA de Guercheville relève appel du jugement du 17 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté du 18 février 2020.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Colomby-Anguerny :

2. L'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Colomby-Anguerny dispose que : " I - Esthétique générale et insertion dans le site / Chaque construction, indépendamment de sa nature, de sa fonction et de sa destination, devra, pour son expression architecturale et son aspect extérieur, s'inscrire harmonieusement dans les paysages communaux. Ce qui n'exclut pas les constructions d'architecture contemporaine (...). / Ainsi : / (...) / - lorsque les constructions existantes le long d'une voie ou au sein d'un ensemble bâti présentent des caractéristiques architecturales particulières (implantation, couleur de façade, forme ou couleur de toiture, clôture, etc.), celles-ci pourront être imposées à toute nouvelle construction pour préserver l'harmonie de l'ensemble. / - l'aménagement ou l'extension d'un bâtiment existant doit respecter son caractère général pour ce qui concerne notamment, l'harmonie des volumes, l'échelle des percements et les associations de matériaux et de teintes. / II - Formes, couleurs et matériaux / Les principaux matériaux de construction visibles présenteront des teintes similaires à celles des matériaux utilisés traditionnellement dans la Plaine de Caen : la pierre de Caen (de beige à ocre jaune), l'ardoise, la terre cuite rouge (brique ou tuile plate de couleur sombre), gris ou brun du bois naturel. / Des teintes complémentaires et harmonieuses seront autorisées pour la mise en valeur d'éléments de façades, pour les façades des extensions ou des annexes. / Les façades, les soubassements, les murs de soutènement et de clôture qui ne sont pas réalisés avec des matériaux destinés à rester apparents, recevront un enduit ou un parement dont la couleur respectera les principes précédents. Cependant, pour les constructions agricoles de grande dimension les façades de couleurs claires sont interdites. / (...) ".

3. Eu égard à la teneur de ces dispositions, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, d'apprécier si l'autorité administrative a pu légalement autoriser la construction projetée, compte tenu de ses caractéristiques et de celles des lieux avoisinants, sans méconnaître les exigences résultant de cet article. Dans l'exercice de ce contrôle, le juge doit tenir compte de l'ensemble des dispositions de cet article et de la marge d'appréciation qu'elles laissent à l'autorité administrative pour accorder ou refuser de délivrer une autorisation d'urbanisme.

4. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux est situé dans le périmètre d'un site classé au titre des bâtiments historiques, à proximité de l'église communale et du manoir de Colomby. Les autres constructions situées à proximité du terrain d'assiette du projet, rue de l'Église, sont des maisons traditionnelles en R+1+C ou R+C, en pierre de Caen, avec des toits à double pente, en tuile ou en ardoise. Le projet litigieux est composé de deux bâtiments, de facture contemporaine. Le bâtiment projeté destiné à l'élevage de bovins et au stockage de paille, de fourrage et d'aliments, réalisé en extension d'un hangar agricole existant, comportera une maçonnerie en béton banché de teinte claire (ton pierre), bardée de bois de teinte naturelle en façade est et de bac acier de couleur sombre sur les autres façades. La couverture et les portes du bâtiment seront également en bac acier de couleur sombre. Le bâtiment projeté destiné à la fabrication et à la vente de fromage, d'une hauteur limitée à 3,10 mètres à l'acrotère, aura pour maçonnerie une finition en enduit ciment gratté de ton clair (ton pierre) pour les façades sud et ouest, ainsi qu'un habillage en panneaux stratifiés de teinte bois pour les façades nord et est. Les menuiseries, comportant de large baies verticales, seront de couleur grise anthracite et la couverture, de type toiture terrasse, sera en bac acier de teinte sombre. S'il est vrai que les bâtiments projetés trancheront, par leur facture contemporaine, avec les bâtiments avoisinants, ils prendront place sur une parcelle déjà occupée par la maison de Mme A..., de facture moderne, et d'un hangar agricole, dont le bâtiment d'élevage et de stockage, qui en reprend le caractère général, constitue l'extension. Les matériaux utilisés, eu égard à leurs teintes, ne méconnaissent pas les dispositions de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme. Enfin, alors que ces bâtiments prendront place dans la cour encaissée de la ferme, à 80 mètres de la voie publique pour ce qui concerne l'atelier de fabrication et de vente de fromage et davantage en retrait pour l'autre bâtiment, il ressort des pièces du dossier que ces bâtiments seront très peu visibles depuis la rue de l'Église ou depuis les autres voies publiques. Dès lors, c'est par une inexacte application des dispositions de l'article A 11 du règlement du plan local d'urbanisme que le maire de Colomby-Anguerny a rejeté la demande de permis de construire au motif que les constructions projetées ne s'intégraient pas harmonieusement dans les paysages communaux.

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Calvados et de l'article 9.1 du règlement du service public d'assainissement collectif de Caen-la-Mer :

5. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

6. En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.

S'agissant du bâtiment agricole projeté destiné à l'élevage des bovins et au stockage de fourrage et d'aliments pour bétail :

7. L'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Calvados, qui s'impose aux autorisations d'urbanisme en vertu de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, prévoit que les bâtiments renfermant des bovins ne peuvent être implantés à moins de 50 mètres des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers.

8. Il ressort des pièces du dossier que la maison d'habitation de Mme A..., mère de l'exploitant, est située à moins de 50 mètres du bâtiment agricole projeté destiné à l'élevage des bovins et au stockage des fourrages et aliments. Contrairement à ce que soutient la société pétitionnaire, la circonstance que Mme A... soit associée au sein de la SCEA de Guercheville, sans participation à l'exploitation en vue de laquelle le bâtiment est construit, ne permet pas de la regarder comme n'étant pas un tiers par rapport à ce bâtiment. Par ailleurs, il ressort des termes mêmes du règlement sanitaire départemental que la distance de 50 mètres mentionnée par ses dispositions doit être calculée à partir du seul corps de bâtiment destiné à abriter des animaux. Il ressort des pièces du dossier, notamment des plans joints à la demande de permis de construire, que si le bâtiment agricole projeté est composé de deux parties, l'une destinée au stockage de paille, de fourrage et d'aliments de bétail, située à moins de 50 mètres de la maison de Mme A..., l'autre à l'élevage de dix vaches laitières, située à plus de 50 mètres de cette maison, les deux parties du bâtiment ne seront séparées que par un portique en bois. La construction projetée forme ainsi un même ensemble immobilier indissociable, situé à moins de 50 mètres d'un immeuble habité par un tiers.

9. Par ailleurs, si l'édification au sein de ce bâtiment projeté d'un mur dénué d'ouverture, en lieu et place du portique en bois prévu pour séparer les deux parties du bâtiment destinées à l'élevage des bovins et au stockage des fourrages et aliments, aurait pu permettre d'assurer la conformité de la construction aux dispositions de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Calvados et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, une telle prescription spéciale apporterait au projet une modification substantielle nécessitant la présentation d'une nouvelle demande. Dès lors, il n'était pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis litigieux relatif à la construction de ce bâtiment d'élevage et de stockage en l'assortissant d'une prescription spéciale.

10. Il résulte de l'instruction que le maire de Colomby-Anguerny aurait pris la même décision de refus de permis de construire, en ce qui concerne le bâtiment destiné à l'élevage de bovins et au stockage de fourrage et d'aliments, s'il s'était fondé uniquement sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Calvados et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

S'agissant du bâtiment destiné à la fabrication et à la vente de fromages :

11. Aux termes de l'article L. 214-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, (...) ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants. " En vertu de l'article L. 214-2 du même code, un décret en Conseil d'État définit " les critères de l'usage domestique, et notamment le volume d'eau en deçà duquel le prélèvement est assimilé à un tel usage, ainsi que les autres formes d'usage dont l'impact sur le milieu aquatique est trop faible pour justifier qu'elles soient soumises à autorisation ou à déclaration ". En vertu du deuxième alinéa de l'article R. 214-5 du même code, est assimilé à un usage domestique de l'eau, au sens de l'article L. 214-2, " tout prélèvement inférieur ou égal à 1 000 m3 d'eau par an, qu'il soit effectué par une personne physique ou une personne morale et qu'il le soit au moyen d'une seule installation ou de plusieurs, ainsi que tout rejet d'eaux usées domestiques dont la charge brute de pollution organique est inférieure ou égale à 1,2 kg de DBO5 ".

12. L'article 9.1 du règlement du service public d'assainissement collectif de Caen-la-Mer dispose que : " Conformément à l'article L. 1331-1 du Code de la santé publique, quelle que soit l'origine de l'alimentation en eau de l'immeuble, tous les immeubles qui ont accès au réseau de collecte disposé pour recevoir les eaux usées domestiques et établi sous la voie publique, soit directement, soit par l'intermédiaire de voies privées ou de servitudes de passages, doivent obligatoirement être raccordés à ce réseau dans un délai de deux ans à compter de la mise en service du réseau de collecte ".

13. Il ressort de l'avis daté du 5 août 2019 émis par le syndicat " Eau du bassin caennais " sur le projet litigieux, non sérieusement contredit par la SCEA de Guercheville, que les rejets des eaux usées du projet de bâtiment destiné à la fabrication et à la vente de fromages doivent être assimilés à des eaux domestiques au sens des articles L. 214-2 et R. 214-5 du code de l'environnement. Il est constant que la parcelle d'assiette du projet est desservie par un réseau d'assainissement collectif. Dès lors, le projet ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article 9.1 du règlement du service public d'assainissement collectif de Caen-la-Mer, prévoir un raccordement des rejets des eaux usées du local concerné au système d'assainissement des effluents d'élevage.

14. Il ressort néanmoins des pièces du dossier qu'il était légalement possible d'accorder le permis de construire en l'assortissant d'une prescription spéciale tenant au raccordement des eaux usées du bâtiment destiné à la fabrication et à la vente de fromages au réseau d'assainissement collectif, afin d'assurer la conformité de la construction de ce bâtiment aux dispositions de l'article 9.1 du règlement du service public d'assainissement collectif de Caen-la-Mer et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

15. Dès lors, en refusant le permis de construire sollicité en tant qu'il portait sur le bâtiment destiné à la fabrication et à la vente de fromages au lieu de l'accorder en l'assortissant de prescriptions spéciales, le maire de Colomby-Anguerny a méconnu les dispositions de l'article 9.1 du règlement du service public d'assainissement collectif de Caen-la-Mer et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

En ce qui concerne la demande de substitution de motifs :

16. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

17. Pour établir que la décision contestée était légale, la commune de Colomby-Anguerny invoque un autre motif tiré de la méconnaissance des articles A1 et A2 du règlement du plan local d'urbanisme de Colomby-Anguerny ainsi que des articles R. 151-22 et R. 151-23 du code de l'urbanisme.

18. Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites "zones A". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". L'article R. 151-23 du même code dispose que : " Peuvent être autorisées, en zone A : / 1°-Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées au titre de l'article L. 525-1 du code rural et de la pêche maritime ; / 2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci. "

19. L'article A1 du règlement du plan local d'urbanisme de Colomby-Anguerny interdit notamment en zone A " toute nouvelle construction ou installation dès lors qu'elle n'est pas liée et nécessaire à une exploitation agricole ", ainsi que, en zone Ae, " toute nouvelle construction ou changement de destination au profit d'activités agricoles incompatibles avec la proximité de logements, du fait des risques ou nuisances liés à leur occupation ". L'article A2 soumet certaines occupations ou utilisations du sol à conditions particulières.

20. Le terrain d'assiette du projet litigieux est situé en zone Ae du plan local d'urbanisme de Colomby-Anguerny, destiné à recevoir des " constructions agricoles (y compris le logement de l'exploitant) compatibles avec la proximité de logements ". Il ressort des pièces du dossier que la SCEA de Guercheville, qui exerce une activité de culture céréalière, est engagée dans un projet de diversification de son exploitation en faveur d'un modèle de polyculture et d'élevage d'une dizaine de vaches laitières, ainsi que de transformation sur place de la production laitière de ses bovins en tomes de vache affinées. Ainsi, le bâtiment destiné à accueillir un atelier de fromagerie et un local de vente directe de cette production, dans le prolongement de l'activité agricole de la SCEA de Guercheville, pourrait être regardé comme une construction nouvelle liée et nécessaire à l'exploitation agricole. Cette construction ne serait, en outre, pas incompatible avec la proximité de logements. Toutefois, ainsi qu'il a été dit aux points 8 à 10, le maire de Colomby-Anguerny a pu légalement refuser le permis de construire sollicité par la SCEA de Guercheville en tant qu'il concernait le bâtiment destiné à l'élevage de bovins et au stockage de fourrage et aliments. Dans ces conditions, et dès lors qu'il n'est ni établi ni même soutenu que la société pétitionnaire exercerait déjà, sur d'autres parcelles, une activité d'élevage de vaches laitières, le bâtiment destiné à la fabrication et à la vente de fromages n'était pas, à la date de la décision contestée, une construction nouvelle liée et nécessaire à l'exploitation agricole de cette société.

21. Dès lors, le projet de construction du bâtiment destiné à la fabrication et à la vente de fromages méconnaît les dispositions des articles A1 du règlement du plan local d'urbanisme de Colomby-Anguerny ainsi que de l'articles R. 151-23 du code de l'urbanisme.

22. Il résulte de l'instruction que le maire de Colomby-Anguerny aurait pris la même décision s'il s'était fondé initialement sur le motif cité au point 20, qui ne prive la société pétitionnaire d'aucune garantie procédurale. Dès lors, il y a lieu de faire droit à la substitution de motifs demandée par la commune de Colomby-Anguerny.

En ce qui concerne le moyen tiré du détournement de pouvoir :

23. Enfin, à le supposer soulevé, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi par les pièces du dossier.

24. Il résulte de tout ce qui précède que la SCEA de Guercheville n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 février 2020 par lequel le maire de Colomby-Anguerny a refusé de délivrer à la SCEA de Guercheville un permis de construire, d'une part, un bâtiment agricole destiné à abriter dix vaches laitières et à stocker leur nourriture, d'autre part, un bâtiment comportant un atelier de fromagerie avec espace de vente à la ferme.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

25. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la SCEA de Guercheville, n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Colomby-Anguerny, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SCEA de Guercheville demande au titre des frais exposés par elle à l'occasion du litige soumis au juge.

27. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCEA de Guercheville la somme demandée par la commune de Colomby-Anguerny au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCEA de Guercheville est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Colomby-Anguerny présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCEA de Guercheville et à la commune de Colomby-Anguerny.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Buffet, présidente de chambre,

- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2023.

Le rapporteur,

F.-X. B...La présidente,

C. Buffet

La greffière,

A. Lemée

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT03241


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03241
Date de la décision : 27/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUFFET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : BOUTHORS-NEVEU

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-01-27;21nt03241 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award