Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Imprimerie Pollina a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012.
Par un jugement n° 1708397 du 7 mai 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 juillet 2021 la SAS Imprimerie Pollina, représentée par Me Moyne, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les travaux de réparation d'une partie de la toiture et de la dalle n'ont aucunement eu pour effet de modifier la configuration des locaux et encore moins leur nature, lesquelles sont en tous points identiques à celles qui préexistaient avant la réalisation des travaux, n'ont pas eu pour objet de prolonger la durée d'utilisation probable du bâtiment et n'ont pas entraîné l'augmentation de la valeur du bâtiment, et doivent donc être regardés comme correspondant à des dépenses d'entretien et de réparation déductibles de l'exercice au titre duquel elles ont été engagées, à savoir l'exercice 2012 ;
- elle est fondée à se prévaloir des paragraphes n°s 80, 120 et 160 de l'instruction administrative publiée sous la référence BOI-BIC-CHG-20-10-10 et des paragraphes n°s140 et 230 de l'instruction publiée au BOI-BIC-CHG-20-20-20 et du paragraphe n° 60 de l'instruction administrative publiée sous la référence BOIBIC-PROV-20-10-10, 12-9-2012.
Par un mémoire en défense enregistré le 12 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le plan comptable général ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de M. Brasnu, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A l'occasion d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, l'administration fiscale a estimé que les dépenses engagées par la société par actions simplifiée (SAS) Imprimerie Pollina au titre de la réfection de la toiture d'un de ses bâtiments et de la réfection et du renforcement d'une dalle de béton d'un de ses bâtiments de stockage avaient été à tort regardées comme des charges déductibles du résultat imposable de l'exercice clos le 31 décembre 2012. Elle a en conséquence notifié à la SAS Imprimerie Pollina, après proposition de rectification du 7 décembre 2015, une cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés et à la contribution sur la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cet exercice. Après une réclamation qui a été rejetée, la société redevable a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la réduction de ces impositions. Par un jugement du 7 mai 2021, le tribunal a rejeté sa demande. La SAS Imprimerie Pollina fait appel de ce jugement.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...). ". Aux termes de l'article 39 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ".
3. Ne constituent des charges déductibles des résultats en vue de la détermination du bénéfice imposable ni les dépenses qui ont, en fait, pour résultat l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif immobilisé d'une entreprise, ni les dépenses qui entraînent normalement une augmentation de la valeur pour laquelle un élément immobilisé figure à son bilan, ni les dépenses qui ont pour effet de prolonger d'une manière notable la durée probable d'utilisation d'un élément de l'actif immobilisé. La durée probable d'utilisation d'un tel élément s'apprécie à la date de son acquisition ou de sa création. En revanche, peuvent être comprises dans les frais généraux et constituer des charges d'un exercice déterminé les dépenses qui n'ont d'autre objet que de maintenir les différents éléments de l'actif immobilisé de l'entreprise en un état tel que leur utilisation puisse être poursuivie conformément à leur objet jusqu'à la fin de la période correspondant à leur durée probable d'utilisation.
4. Aux termes de l'article 311-1 du plan comptable général : " Une immobilisation corporelle, incorporelle ou un stock est comptabilisé à l'actif lorsque les conditions suivantes sont simultanément réunies : / il est probable que l'entité bénéficiera des avantages économiques futurs correspondants - ou du potentiel de services attendus pour les entités qui appliquent le règlement n°99-01 ou relèvent du secteur public. / son coût ou sa valeur peut être évalué avec une fiabilité suffisante, y compris, par différence et à titre d'exception lorsqu'une évaluation directe n'est pas possible, selon les dispositions de l'article 321-8. / Une entité évalue selon ces critères de comptabilisation tous les coûts d'immobilisation au moment où ils sont encourus, qu'il s'agisse des coûts initiaux encourus pour acquérir, produire une immobilisation corporelle ou des coûts encourus postérieurement pour ajouter, remplacer des éléments ou incorporer des coûts de gros entretien ou grandes révisions sous réserve des dispositions de l'article 331-4 relatif aux éléments d'actif non significatifs ". Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ".
5. Aux termes de l'article 15 bis de l'annexe II au code général des impôts : " I. - Pour la détermination du bénéfice imposable résultant de l'application aux immobilisations de la méthode par composants, sont regardés comme des composants les éléments principaux d'une immobilisation corporelle : 1° Ayant une durée réelle d'utilisation différente de celle de cette immobilisation ; 2° Et devant être remplacés au cours de la durée réelle d'utilisation de cette immobilisation. II. - L'application de la méthode par composant implique : 1° La comptabilisation séparée à l'actif du bilan, dès l'origine et lors de leur remplacement, de chacun des composants satisfaisant aux conditions prévues au I. Les coûts de remplacement d'un composant sont comptabilisés comme l'acquisition d'un actif séparé et la valeur nette comptable du composant remplacé est comptabilisée en charges. Les éléments principaux d'une immobilisation corporelle, qui n'ont pas été identifiés dès l'origine comme des composants, sont comptabilisés séparément à l'actif du bilan dès qu'il est ultérieurement constaté qu'ils satisfont aux conditions prévues au I (...) ". Il résulte de ces dispositions, qui reprennent les principes comptables applicables à compter du 1er janvier 2005, exposés aux articles 311-1, 311-2 et 321-4 du plan comptable général, que les dépenses destinées à remplacer les éléments principaux d'une immobilisation corporelle qui ont une durée réelle d'utilisation différente de cette immobilisation et doivent être remplacés au cours de la durée d'utilisation de cette dernière doivent figurer à l'actif immobilisé en qualité de composant, sans qu'il y ait lieu de rechercher si ces dépenses ont eu pour effet d'entraîner normalement une augmentation de la valeur pour laquelle cette immobilisation figure au bilan ou si elles ont eu pour objet de prolonger de manière notable sa durée probable d'utilisation.
En ce qui concerne la déduction des dépenses relatives à la toiture :
6. Au titre de l'exercice clos en 2012, la SAS Imprimerie Pollina a déduit de son résultat les dépenses liées à la réfection d'une partie de la toiture de l'un de ses bâtiments pour un coût de 138 800 euros et se décomposant, au vu de la facture du 31 mai 2012 intitulée " réfection étanchéité ", en quatre interventions distinctes : la dépose des plaques et les travaux de préparation, la dépose et la réfection de la toiture, le nettoyage et la réfection des chéneaux, et le remplacement du désenfumage. La toiture, indispensable à l'utilisation normale des lieux, constitue un élément principal de l'immeuble et a de manière générale une durée réelle d'utilisation différente de celle des immeubles, dès lors qu'elle présente un degré d'usure plus rapide et doit donc être remplacée au cours de la durée réelle d'utilisation de l'immeuble. En outre il n'est pas contesté que les travaux en litige représentent 46 % de la valeur de construction du bâtiment rénové. La nouvelle toiture constitue donc un composant immobilisable, alors même que la surface remplacée ne concerne que le bâtiment d'origine, soit 1 482 m² sur une surface totale des toitures de 40 000 m². Dans ces conditions, l'administration a pu, à juste titre, estimer que les dépenses exposées pour le remplacement de la toiture devaient figurer à l'actif immobilisé de l'entreprise en qualité de composant en application des dispositions de l'article 15 bis de l'annexe II au code général des impôts citées au point 5.
En ce qui concerne la déduction des dépenses relatives à la dalle du bâtiment de stockage :
7. Au titre du même exercice clos en 2012, la SAS Imprimerie Pollina a déduit de son résultat imposable les dépenses liées au renforcement d'une dalle du bâtiment de stockage, par la mise en place de micropieux destinés à renforcer l'ouvrage, pour un montant de 76 221 euros. Il ressort de la facture produite datée du 31 décembre 2012, dont l'intitulé est " démolition et réfection d'une dalle ", que ces travaux ont consisté en la démolition et la dépose de la dalle en béton existante, l'installation par forage de 32 pieux de 10,6 mètres de long scellés, jusqu'alors inexistants, avec fourniture et pose d'une armature en acier sur toute la hauteur, et mise en place d'une nouvelle dalle. La SAS Imprimerie Pollina a par ailleurs précisé, dans sa réponse du 3 février 2016 à la proposition de rectification, que les travaux de réparation engagés étaient indispensables du fait des fissures constatées qui " empêchaient tout portage des machines d'imprimerie. ". Au vu de la nature et de la consistance de ces travaux, l'administration a pu, à juste titre, estimer qu'ils avaient eu pour effet de prolonger de manière notable la durée probable d'utilisation du bâtiment appréciée à la date à laquelle il était entré à l'actif de la société. Si la requérante soutient que ce renforcement n'a porté que sur une surface de 146 m2 alors que la surface totale de la dalle est de 3 000 m2, cet élément de fait, qui au demeurant ne ressort ni de la facture produite ni d'aucun autre élément produit au dossier et n'a pu être vérifié par l'administration qui fait valoir que le vérificateur n'a pas été autorisé à accéder au bâtiment concerné pour en vérifier l'utilisation effective, la superficie et l'ampleur des travaux réalisés, est sans incidence sur cette qualification. Par conséquent, c'est à bon droit que les charges correspondantes ont été réintégrées dans les résultats de l'exercice en cause.
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
8. En premier lieu, si la société requérante se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des paragraphes n°s 80, 120 et 160 de l'instruction administrative publiée sous la référence BOI-BIC-CHG-20-10-10 et du paragraphe n° 140 de l'instruction publiée au BOI-BIC-CHG-20-20-20, ceux-ci ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application par le présent arrêt.
9. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe n° 230 de l'instruction administrative publiée sous la référence BOI-BIC-CHG-20-20-20 : " les dépenses de désamiantage de locaux ne doivent pas être inscrites à l'actif du bilan, dès lors que les opérations de désamiantage ne requièrent pas l'arrêt total de l'activité de l'entreprise en cas de non-engagement desdites dépenses. ". Cependant, la société requérante n'entre pas dans les prévisions de cette instruction dès lors que, comme il a été dit au point 6, les travaux de désamiantage ont nécessité des travaux de reconstruction ayant pour résultat le remplacement pur et simple des installations concernées, les dépenses correspondantes devant ainsi être inscrites à l'actif en tant que composant, que l'élément ait été identifié comme tel dès l'origine ou qu'il le soit au moment du remplacement. Par conséquent, elle n'est pas fondée à se prévaloir de cette instruction administrative.
10. Enfin, aux termes du paragraphe n° 60 de l'instruction administrative publiée sous la référence BOI-BIC-PROV-20-10-10 : " En revanche, il a été jugé que les travaux de réfection de la toiture de bâtiments utilisés par une entreprise pour son exploitation constituent, par leur nature même, et dès lors que leur utilité n'est pas contestée, des travaux de réparation susceptibles de figurer dans les charges déductibles du résultat fiscal. L'entreprise est dès lors fondée à faire face à cette dépense au moyen d'une provision (CE, arrêt du 21 juillet 1972, n° 84355). ". La société requérante n'entre pas dans les prévisions de cette instruction dès lors que, comme il a été dit au point 6, les travaux en litige doivent s'analyser, au vu de leur consistance, comme des travaux de remplacement et non de réfection. Par conséquent, elle n'est pas fondée à se prévaloir de cette instruction administrative.
11. Il résulte de ce qui précède que la SAS Imprimerie Pollina n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa demande relative aux frais liés au litige doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Imprimerie Pollina est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Imprimerie Pollina et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- M. Penhoat, premier conseiller,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 janvier 2023.
La rapporteure
P. A...La présidente
I. Perrot
La greffière
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01857
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